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Le "Raffathon" commence...

En novembre-décembre 95, Alain Juppé, défiant les millions de salariés qui commençaient à s'opposer à lui sur la question des retraites, avait déclaré que "s'il y avait deux millions de manifestants, il retirerait son projet". Aussitôt, avait commencé, de "temps forts en temps forts", une escalade dans la mobilisation, appelée "Juppéthon", qui avait débouché sur plus de deux millions de manifestants ! Pour l'essentiel, Juppé avait dû retirer son projet et Chirac dissoudre l'Assemblée 16 mois plus tard.

Raffarin essaie de faire, en pire, ce qu'avait voulu Juppé. Il a essayé d'avancer masqué, sous couvert de fausse concertation, afin d'endormir et de tromper l'opinion, il a d'ailleurs commandé de gigantesques campagnes de propagande sous forme de publicité pour dresser tout un faux décor sur les problèmes posés par les retraites. Mais derrière l'intox et le faux-bon sens, tout est cousu de fil blanc : il s'agit de faire reculer le taux des retraites de 10 à 20 %, d'allonger la durée de cotisations de 2,5 ans pour le public puis encore de 2 ans pour le privé, sans faire augmenter d'un centime les cotisations des employeurs.

Le 1er février, il y a eu, à l'appel de 9 syndicats, 400 000 personnes dans la rue, pour la retraite à 6O ans à taux plein. L'appel unitaire refusait les reculs sur l'age et le niveau des retraites.

Le 3 avril dans la rue, 580 000 manifestants dans 127 cortèges pour défendre les retraites contre Chirac-Raffarin-Fillon et le Medef !

Il y a eu davantage de manifestants, le jeudi 3 avril, que le samedi 1er février, malgré la défection de la direction Cherèque de la CFDT. Qu'est-ce que cela aurait été si la Cfdt avait fait le bon choix de l'unité au lieu de celui de la division ? C'est déjà un énorme succès, de Paris à Marseille, de Brest à Strasbourg, des syndicats CGT, FO, FSU, du groupe des dix, et de toutes les fédérations de la fonction publique.

De la République à St Augustin, comme sur la Canebière, ou en Auvergne l'énorme banderole de tête exigeait : « 37,5 annuités de cotisations pour le public comme pour le privé ». Ce mot d'ordre, réactualisé par le récent congrès CGT, se dressait au-dessus de Bernard Thibaud et de Marc Blondel…

Le sondage publié par France Inter a donné un coefficient de soutien de 72 % des Français à cette action. Ce qui signifie qu'un nouveau novembre-décembre 95 est possible.

Certains médias ont tenté de jouer sur la grogne des usagers, ou sur la démagogie anti-fonctionnaires. En vain. Même les médias qui insistaient lourdement sur «la division syndicale» ont peiné : comment expliquer que sans la CFDT, il y ait davantage de monde qu'avec la CFDT ?

Sinon par le fait que, partout, en France, les sections et fédérations CFDT aient appelé, en dépit des consignes de la direction Chérèque, à agir ce jour-là, à commencer par la Fédération des transports, des banques, la fonction publique, et des régions entières (Auvergne, bien sur, mais aussi, Lille, Toulouse, Le Mans, Rhône-Alpes, Paca, etc.). Les observateurs attentifs savent que, dans la CFDT, la bataille fait rage.

La raison de ce succès de masse du 3 avril, c'est, qu'en profondeur, chaque salarié comprend la manigance du gouvernement. Le salarié du privé sait avec certitude que si le public recule, il reculera lui aussi.

Le gouvernement et le Medef débattent de la meilleure façon de porter leurs coups les plus durs : rigueur budgétaire tout azimut, mesures pour faciliter les licenciements, allongement des durées du travail et baisse du taux des heures supplémentaires, diminution massive des effectifs de la fonction publique, démantèlement des missions publiques de l'état, à commencer par l'éducation nationale, et, dans la foulée, s'ils ne rencontrent pas assez de résistance, ils engageront la privatisation de la Sécurité sociale.

La prochaine étape c'est le 1er mai : un million dans la rue ? Après le "Juppéthon", le "Raffathon" ?

Début mai les syndicats appellent à la gréve et à l'action.

Le 24 mai, un appel à une montée nationale à Paris est lancé.

Il s'agit de faire mieux que le "Juppéthon", le "Raffathon" doit mettre plusieurs millions de salariés dans la rue !

Le gouvernement vient d'abattre ses cartes qui sont monstrueuses : non seulement allongement des années de cotisations mais baisse draconienne du niveau de vie des retraites.

Allonger la durée de cotisations de 5,5 millions de fonctionnaires, c'est allonger la durée du travail sur la vie davantage que ce qu'elle a été réduite sur la semaine avec les 35 h. Cela représente 30 milliards d'heures de travail... que les jeunes n'auront pas. Ca coûtera plus cher, ça augmentera le chômage, ca nuira donc par ricochet aux retraites et alors le gouvernement, ayant fait sauter le verrou des fonctionnaires, allongera la durée de cotisations du privé de 40 à 42 ans !

Déjà les mesures scélérates de Balladur prises en plein été 93, commencent à s'appliquer avec tous leurs effets depuis le 1er janvier 2003 et ce sera encore plus grave en 2008 : c'est une baisse substantielle des retraites qui en résulte, les personnes âgées vont être replongées dans la pauvreté.

La France n'a jamais été aussi riche ! Elle est la quatrième puissance industrielle du monde ! Pourquoi ferait-on reculer le niveau des retraites, le système de protection social que nous avons mis en place en 1945 quand la France était en ruine et quatre fois moins riche ? De 1945 à 1972, il ne fallait que 30 annuités pour une retraite à taux plein.

Certes, il y a une évolution démographique, mais pas un "choc" démographique comme le prétendent le gouvernement et le Medef (il y a même un mini boom des naissances, et l'espérance de vie à 60 ans ne s'allonge que d'un demi-trimestre par an). La population active occupée, actuellement de 100 pour 127 inactifs, devrait être de 100 pour 144 inactifs dans quarante ans, ce qui ne représente que 11 % de hausse : on peut y faire face avec une hausse de 0,3 % des cotisations patronales par an. Sachant que les dites cotisations patronales ont baissé de 13,5 % ces quinze dernières années, (et que les salaires ont perdu 10 points par rapport aux profits dans la même période) elles peuvent ré augmenter.

À l'arrivée, tout le monde s'accord pour dire qu'il faudra autour de 18 % du Pib en 2036 pour payer nos retraites. Les retraites ont triplé dans les quarante dernières années, de 4,5 % du Pib à 12, 5 % du Pib, il ne s'agit que de les augmenter d'un tiers dans les 40 années à venir. Le Medef, lui, voudrait que 8 % de ces 18 % soient en fonds de pension, il propose même de les placer en salaires, pourvu qu'ils les gèrent à titre privé et les détourne du domaine public, façon Enron. Le débat porte sur 0,3 % du Pib au-dessus des 18 % : le maintien à 37,5 annuités, le retour au calcul sur les 10 meilleures années, et le retour à l'indexation des retraites sur les salaires sont estimé à peu prés à 0,3 % du Pib. La solidarité exige que l'on consacre cette somme à des retraites décentes ! (Pour comparaison, la France, à Copenhague, en décembre 2002, a misé 0,1 % de son Pib pour l'élargissement de l'Europe à 25).

La gauche tout entière doit s'engager dans ce combat et réagir plus haut et plus fort, soutenir les grèves, luttes sociales, et manifestations de masse qui se préparent.

Nous voulons poser la question à François Hollande :

Pourquoi refuse-t-il de soutenir l'exigence d'une retraite à 60 ans "à taux plein" ?

Pourquoi refuse-t-il tous les amendements que j'ai proposé en ce sens, en Bureau national, refuse-t-il tout communiqué en ce sens, pourquoi sa motion "A" refuse-t-elle de "défendre la retraite à taux plein à 6O ans" ?

Pourquoi refuse-t-il de s'opposer à l'allongement de la durée de cotisations des fonctionnaires de 3è,5 à 40 ans, sachant ce que cela signifie de perte de niveau de retraite, sachant que les fonctionnaires, comme les salariés du privé, en moyenne ne cotisent que 37 ans, et qu'en conséquence, ils auront de sévères "décotes" qui baisseront substantiellement leurs retraites ?

Comment peut-on parler de réduction des inégalités, de redistribution des richesses, de politique pour le salariat et les couches populaires, comment peut-on prétendre hausser les salaires dans la motion A et commencer par soutenir la baisse des salaires des retraités?

La retraite n'est pas une épargne, c'est un salaire versé en direct, en temps réel, par ceux qui travaillent à ceux qui ne travaillent pas : 2,5 millions de salariés occupés peuvent le vérifier, chacun le voit sur sa feuille de paie entre le salaire brut et le salaire net.

Le congrès de Dijon doit prendre clairement position pour :

  • Le maintien du nombre d'annuités de cotisations à 37,5 annuités pour le public (moyenne actuelle de la durée du travail des Français) le refus de l'augmentation de la durée de cotisations pour le privé
  • Un taux de remplacement élevé à 75 % du salaire
  • Un calcul de la retraite ramené sur la base des 10 meilleures années
  • Des retraites indexées sur les salaires
  • Le COR (conseil d'orientation des retraites) a prévu les modalités de financement de ce qui est un choix indispensable si l'on ne veut pas renvoyer les retraités dans la pauvreté :

  • Une hausse des cotisations sociales patronales de 0,3 % de 2006 à 2036,
  • Soit 0,3 % du Pib, en plus, pour garantir les retraites de tous.
  • Trois motions défendent le point de vue unanime de tous les syndicats : les motions de Nps, Nouveau monde, et la motion militante.

    Seule la motion A s'y oppose.

    Les Verts, le Pcf, tous les syndicats sont pour le maintien du public à 37,5 annuités, le retour aux 10 meilleures années, l'indexation sur les salaires, la retraite à 60 ans à taux plein.

    Il ne manque que le PS à gauche.

    Le vote des militants socialistes prend une tournure décisive entre le 28 avril et le 6 mai. D'eux dépend le contenu de la synthèse qui ne sera pas la même si c'est la motion Hollande qui arrive en tête,( pas de taux plein à 60 ans) ou si ce sont les autres motions (taux plein à 60 ans).

    Gérard Filoche,

    BN du Parti Socialiste,

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