GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Le projet de loi Macron

Cet argumentaire sur le projet de loi Macron, intitulée « Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », doit beaucoup à l'article d'Anne-Marie Grozelier sur la partie "droit du travail" du projet de Loi Macron" : http://www.lasaire.net/fr/news/les-notes/6/loi-macron_160.html

Le 19 février, l’Assemblée nationale adoptait, en 1ère lecture, le projet de loi Macron au moyen de la procédure de l’article 49.3 de la Constitution. Le projet n’est pas pour autant adopté et c’est l’un des enjeux du congrès du Parti socialiste d’empêcher qu’un projet de loi aussi néolibéral, aussi contraire aux droits des salariés ne devienne une loi.

La déréglementation à la Macron frappe tout, l’inspection du travail, la médecine du travail, la justice du travail, la protection contre les licenciements, le droit pénal du travail, les institutions représentatives du personnel, et même le bulletin de paie qui deviendra opaque.

Ceux qui affirment qu’ « une loi qui fait descendre les notaires dans la rue ne peut pas être une loi de droite » n’ont pas compris qu’il ne s’agissait pas d’accorder de nouveaux droits aux salariés des offices notariaux mais, plutôt, de livrer ces offices aux appétits des firmes juridiques anglo-saxonnes.

Tout comme, les taxis : Macron pousse la G7 à se saborder pour le compte de la multinationale Uber low cost qui fait main basse sur les « VTC » (voiture tourisme avec chauffeur). Vous trouverez bientôt des chauffeurs surexploités, aux horaires mortels, et aux prix négociés au cas par cas sans compteur.

Emmanuel Macron réinvente la « troisième classe » des trains à la SNCF, ce seront les autocars pour les jeunes pauvres qui ne peuvent plus se payer le TGV. C’est une parfaite illustration de ce que Manuel Valls appelait l’ « égalité des chances » dans son discours du 10 décembre.

Un tiers des articles touche au droit du travail.

Quelques exemples, parmi tant d’autres, si ce projet de loi était adopté :

Les hôpitaux publics auront la possibilité d’investir dans le secteur de la santé (au sens large) à l’étranger, de spéculer dans « l’or gris », les maisons de retraite privées, par exemple.

La résidence principale d’un chef d’entreprise ne pourrait plus être saisie pour payer, par exemple, les mois de salaires qui restent dus. Rien ne pourra empêcher un employeur, sentant venir les problèmes, d’entreprendre de grands travaux dans sa résidence principale. En Allemagne, avec les mesures Schröder qu’admire tant Manuel Valls, un salarié au chômage est obligé de vendre sa maison et ne percevra une allocation chômage que quand il n’aura plus un sou de la vente de sa maison.

Les entreprises de moins de 50 salariés ne seront plus obligées de publier leurs comptes. Quand on sait que la très grande majorité des PME est sous la dépendance des grands groupes, c’est une fleur qui est faite à ces derniers.

C’est vers un droit à l’anglo-saxonne que le projet de loi Macron veut nous amener. Chacun sait comment les droits des salariés sont respectés dans ces pays.

I - L’esprit de la loi

3 piliers : Libérer, Investir, Travailler.

Elle s’inscrit dans le cadre du report, accepté par la Commission européenne, de la réduction du déficit public. En contrepartie de ce report, la France doit mettre en place des « réformes structurelles » qui mettent en cause le modèle français de protection sociale.

Selon les dogmes libéraux, le marché du travail n’est qu’un marché et le travail n’est qu’une marchandise. Selon ces mêmes dogmes, le marché ne peut assumer parfaitement sa fonction de régulation qu’à condition que son fonctionnement ne soit ni faussé ni entravé. Pour permettre au marché de fixer librement le prix du travail, il faut supprimer les « blocages » c’est-à-dire les dispositifs légaux et conventionnels. Cet ajustement permettrait d’éviter le chômage. Le Smic, le droit du travail ne serait que la conséquence de la « préférence française pour le chômage » selon les économistes néolibéraux.

Dans la droite ligne du « rapport Attali » de 2008, le projet de loi Macron a pour fonction de lever ces « blocages ». C’est pourquoi la loi intervient dans une série de domaines hétéroclites : péages autoroutiers, stationnement à l’abord des gares, urbanisme commercial, externalisation du permis de conduire, dérèglementation des professions réglementées (avocats, notaires…), tribunaux de commerce, publicité dans les grands stades. Elle intervient dans les champs de compétence de différents ministères (justice, travail, commerce, artisanat, transports, logement, santé…) De nombreux codes devrait s’en trouver modifié : travail, transport, commerce, urbanisme, santé…

Le projet de loi prévoit la vente de participations de l’Etat : privatisation des aéroports de Lyon et de Nice et cession d’actifs détenus par l’Etat dans de nombreuses entreprises.

Dans le but de « simplifier les procédures », le projet de loi n’hésite pas à apporter des limites aux consultations préalables à l’examen des projets relatifs à l’environnement et à l’urbanisme. Ce serait, en fait, une remise en cause du rôle de la société civile et une restriction des libertés publiques.

Les négociations sociales, elles-mêmes, peuvent être remises en cause (comme en Grèce) car elles contribueraient à mettre en place des formes de « blocages ».

2 - Un certain style de gouvernement

2.1. Le recours aux ordonnances

Le projet de loi prévoit le recours aux ordonnances dans de nombreux domaines. Ce recours permet de faire passer des mesures impopulaires et privilégie la rapidité au détriment de la consultation démocratique.

2.2. Le recours au 49-3

La dernière fois où cet article anti-démocratique avait été appliqué, c’était par Dominique de Villepin, en 2006, pour imposer le Contrat Première Embauche (CPE). Mal lui en avait pris, la mobilisation de la jeunesse du salariat l’avait obligé à, très vite, l’abroger. Nicolas Sarkozy, lui-même ne l’avait pas utilisé.

3 - les principales mesures qui touchent au marché du travail et aux relations sociales

3.1. Le temps de travail

3.1.1. L’extension du travail dominical

Le champ de la dérogation au principe du repos dominical a été élargi. A chaque type de dérogation correspondrait un régime différent de garanties pour les salariés.

Les organisations patronales sont partagées. Le MEDEF est pour. La CGPME considère que les mesures d’ouverture dominicale « recèlent un danger mortel pour le commerce indépendant de proximité » et estime qu’elles ne profiteront qu’à la grande distribution. L’UPA voit dans ce projet « le risque d’un vrai gâchis économique assorti d’un vaste plan social. Plus de 200 000 emplois sont menacés dans les entreprises de proximité ».

Cette réforme affecterait un secteur où se trouvent les salariés les plus fragiles, les plus précaires, les plus malléables. Les femmes qui occupent 80 % des emplois dans le commerce sont les premières concernées.

Comment déplorer le délitement du lien social, la montée de l’individualisme tout en décidant de passer par profits et pertes le seul jour que la tradition a consacré pour entretenir des relations sociales au sein de la famille et ailleurs ?

  • Les « dimanches du maire »
  • Le nombre possible d’ouvertures dominicales des commerces de proximité passe de 5 à 12 dimanches par an, soit, en moyenne, un dimanche par mois.

    Les contreparties déjà fixées par la législation sont maintenues (double de la rémunération et un repos compensateur équivalent en temps). Le volontariat est introduit dans le projet de loi. Mais le volontariat n’a strictement aucune place dans une entreprise privée dans laquelle chacun craint pour son emploi…

  • Les « zones particulières »
  • Aux zones touristiques actuelles vont s’ajouter les « zones touristiques internationales » (ZTI) créées par décret sans que les autorités locales soient amenées à donner un avis.

    Les « zones commerciales » se substituent aux PUCE (périmètre d’usage et consommation exceptionnelle). Le travail tous les dimanches y serait autorisé ainsi que le travail jusqu’à minuit qui ne serait pas considéré comme un travail de nuit. Un accord collectif d’entreprise, de branche ou territorial serait nécessaire à sa mise en place et fixerait les contreparties salariales et celles destinées à compenser les charges induites par la garde des enfants.

  • Les commerces intramuros dans 12 grandes gares
  • Ils pourraient ouvrir 52 dimanches par an et le droit d’ouverture jusqu’à minuit pourrait s’appliquer. Comme pour les ZTI, seul le gouvernement aura la main sur les autorisations d’ouverture.

    3.1.2. Le travail de nuit

    Jusqu’à maintenant, la législation faisait commencer le travail de nuit à 21 heures. Or, dans les ZTI, le PDL ferait commencer le travail de nuit à 24 heures.

    L’ouverture des magasins le soir serait conditionnée à un accord collectif prévoyant la mise à disposition d’un moyen de transport permettant au salarié de regagner son domicile et la compensation des frais de garde des enfants.

    Là encore, les femmes salariées se trouvent directement concernées. En plus des emplois précaires et des bas salaires, elles seraient exposées aux dangers pour la santé du travail de nuit.

    3.2 La « modernisation » de la justice prud’homale et de l’inspection du travail

    3.2.1. La réforme des prudhommes

    En amont, un mode de règlement alternatif des litiges liés au contrat de travail est ajouté, la médiation conventionnelle. Le projet de loi généralise ce recours auparavant très encadré et rend, même, possible l’homologation par les conseils de prud’hommes d’accords extra judiciaires conclus entre le salarié et l’employeur.

    Lorsque le litige porte sur un licenciement, une nouvelle procédure est créée. Si les deux parties l’acceptent, elles pourront passer devant un bureau en formation restreinte de seulement deux juges.

    Le projet de loi dote, ce qui est positif, le défenseur syndical d’un statut et d’une protection.

    Le projet de loi prévoit l’établissement, au bénéfice des entreprises qu’il faudrait « sécuriser », d’un référentiel indicatif pour fixer le montant des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués aux salariés.

    L’article 83 du projet de loi supprime la disposition de l’article 2064 du Code civil qui excluait la possibilité de régler à l’amiable des litiges relevant d’un droit du travail protecteur pour le salarié. Dans cette perspective, un pas serait fait, vers la transformation du contrat de travail en contrat de civil ordinaire où toutes les parties sont supposées égales…

    3.2.2. L’inspection du travail

    L’article 85 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures modifiant le code de procédure pénale, le code du travail… afin de réformer l’inspection du travail.

    L’objectif est de pouvoir dépénaliser le droit du travail. L’inspecteur du travail ne pourrait plus déclencher lui-même une procédure pénale en transmettant un procès-verbal au procureur. Il devrait en référer au DIRECCTE (Directeur régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) qui déciderait de l’opportunité d’une sanction et d’en déterminer le montant. Le droit pénal serait contourné.

    3.3. Les licenciements économiques et les plans de sauvegarde de l’emploi

    Le projet de loi assouplit les règles sur les licenciements collectifs, déjà bien assouplies par la loi Sapin du 14 juin 2013. Ce projet prévoit qu’en cas de liquidation judiciaire, l’administration apprécierait le plan social « au regard des moyens dont dispose l’entreprise » et non plus au regard de ceux dont dispose le groupe auquel l’entreprise appartient.

    Les critères d’ordre qui déterminent les licenciements (charges de famille, ancienneté…) pourraient être décidés au niveau d’un établissement (un niveau inférieur à celui de l’entreprise) et, à défaut d’accord collectif, l’employeur décidera unilatéralement.

    3.4. Réforme du délit d’entrave

    Un employeur qui faisait entrave à la mise en place ou au fonctionnement d’instances représentatives du personnel était passible d’une amende et d’un an de prison. Cette dernière peine, jamais appliquée, était cependant très dissuasive, les employeurs craignaient comme la peste que les tribunaux finissent par appliquer cette sanction. Le projet de loi prévoit sa disparition.

    Il s’agit, une fois de plus, de réduire les sanctions pénales au profit de sanctions administratives. Un nouvel exemple de la dépénalisation du droit du travail pour satisfaire les employeurs.

    3.5. La lutte contre la fraude au détachement des travailleurs

    C’est un des rares aspects positifs du PDL (toujours la recette du pâté d’alouettes : une alouette pour les salariés, un cheval pour l’employeur). Certaines dispositions vont dans le sens d’un durcissement de l’arsenal répressif contre la concurrence sociale déloyale.

    3.6. Les obligations d’emploi des travailleurs handicapés

    Les entreprises doivent atteindre un quota de 6 % de travailleurs handicapés. Pour leur facilité la tâche, l’article 92 du projet d eloi prévoit la possibilité de conclure des contrats de sous-traitance à des travailleurs indépendants handicapés. L’article 93 prévoit l’accueil de personnes handicapées pour des périodes d’initiation à une profession. L’article 93 bis prévoit d’accueillir des élèves de moins de 16 ans pour leur stage « parcours de découverte ».

    De nombreuses associations y voient la possibilité pour les employeurs de se dérober à leurs obligations plutôt que d’embaucher. Au final, on fournirait de la main d’oeuvre gratuite sous couvert de « découvrir un métier ».

    Faut-il, cependant, s’étonner qu’au nom de la compétitivité les handicapés se voient privés un peu plus des possibilités concrètes de s’insérer durablement dans le monde du travail ?

    3.7. Encadrement des retraites chapeaux

    L’article 64 du projet de loi prévoit, ce qui est positif, de conditionner le versement des retraites chapeaux à la performance de l’entreprise. Leur hausse annuelle ne pourra excéder 3 %.

    On saluera cet effort vers un peu moins d’inégalités dans le partage de la valeur ajoutée.

    3.8. L’ouverture du marché du sang aux capitaux privés

    Le laboratoire de fractionnement de biotechnologie (LFB) constitue l’armature du système de transfusion sanguine français. Ce laboratoire produit, hors de tout circuit commercial, les médicaments dérivés du sang à partir du plasma que lui cède l’établissement français du sang (EFS). Le projet prévoit la privatisation du LFB et la fin d’un système qui reposait, jusque-là, sur le don et refusait la commercialisation du sang.

    Le projet de loi Macron n’est pas encore une loi !

    Il ne faut pas que ce projet de loi libéral, dicté par le Medef, destructeur des droits sociaux, acquière force de loi. Le projet de loi Macron a été adopté à l’Assemblée Nationale, après le recours à l’article 49.3 de la Constitution de 1958 car de nombreux députés socialistes, écologistes et du PCF ont refusé de voté un tel projet de loi.

    Le projet de loi de Monsieur Macron qui s’est vanté à plusieurs reprises de « ne pas être carté au PS » (ouf !) n’est pas adopté pour autant. Congrès du Parti Socialiste oblige, la loi ne reviendra qu’en juin devant l’Assemblée nationale.

    L’usage du 49-3 est une preuve de faiblesse qui indique clairement, aux yeux de tous, qu’il n’y a pas de majorité de gauche à l’Assemblée nationale pour une politique néolibérale, aussi contraire aux engagements de 2012.

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