Le peuple rejette l’initiative UDC sur les criminels étrangers
Nous publions ici la chronique mensuelle de notre ami Jean-Claude Rennwald, militant socialiste et syndical suisse, ancien député (PS) au Conseil national suisse. Cet article est paru dans le numéro 233 de la revue Démocratie&Socialisme (mars 2016).
C’est à une très nette majorité (58,2 % de non) que le peuple suisse a rejeté, dimanche 28 février, l’initiative populaire de l’Union démocratique du centre (UDC) « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels », laquelle exigeait que les personnes sans passeport suisse soient expulsées automatiquement, même en cas de délit mineur et sans considération de leurs racines dans leur pays d'accueil.Cette initiative créait une justice à deux vitesses, bafouait les droits fondamentaux garantis par la Constitution, violait la Convention européenne des droits de l’homme et l’Accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Suisse et l’Union européenne.
Un tournant historique
Le rejet de cette initiative aux accents totalitaires constitue un tournant historique, puisqu’il intervient quatre mois après le succès de l’UDC aux élections fédérales, et surtout après l’acceptation de plusieurs initiatives du parti national-populiste, en particulier celle pour l’interdiction des minarets et encore davantage celle « contre l’immigration de masse », du 9 février 2014. Le rejet de cette initiative est dû à une bonne campagne des syndicats, ainsi que des partis de gauche et de la droite classique, mais autant à une mobilisation citoyenne remarquable : milieux sportifs, associations culturelles, organisations de défense des migrants, etc. La participation a atteint plus de 62 % ; elle n’avait jamais été aussi élevée (pour la Suisse s’entend !) depuis le rejet de l’Espace économique européen (EEE), en 1992. Preuve que les citoyens se déplacent aux urnes lorsqu’ils ont le sentiment de se prononcer sur des questions fondamentales.
Relancer le débat européen
Ce résultat doit conduire le Conseil fédéral (gouvernement suisse) et le Parlement à mener une politique moins agressive à l’égard des migrants et des demandeurs d’asile, mais aussi à relancer la dynamique des relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE). Car il reste désormais moins d’une année pour mettre en œuvre l’initiative « contre l’immigration de masse ». Il faut maintenant avoir le courage d’organiser un nouveau vote sur le sujet. En effet, la Suisse ne pourra pas vivre éternellement avec un article constitutionnel contraire à la libre circulation des personnes d’un côté, et de l’autre avec des accords bilatéraux dont cette même libre circulation constitue l’élément fondamental. Au préalable, il faudra faire passer la révision de la loi sur l’asile, le 5 juin, révision combattue par l’UDC.
Bon résultat des jeunes socialistes
S’agissant des autres objets soumis au vote du peuple suisse, les résultats sont relativement satisfaisants :
À gauche, l’unité paie
Parmi les scrutins cantonaux également organisés le 28 février, plusieurs montrent que la gauche a assez bien joué :
Ce dernier cas est le plus intéressant, car Lausanne, deuxième ville de Suisse romande, est certainement la localité suisse où l’unité de la gauche fonctionne le mieux. Cela pourrait peut-être inspirer les camarades français…