GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Le Parti Socialiste est-il socialiste ?

À propos de la crise mondiale, D&S titrait un communiqué

: « Mais qui sont les responsables ? C’est le monde de

Sarkozy qui est en cause ! »

Raoul-Marc Jennar, auteur de plusieurs ouvrages, dont un

judicieux « Europe, la trahison des élites », répondait à

Gérard Filoche :

« C'est un peu court, cher Gérard :

Qui a fait voter la loi de déréglementation financière ? Le

gouvernement Fabius.

Qui a conçu et proposé l'Acte unique européen (sans

lequel la directive Bolkestein était impossible) et le traité de

Maastricht (qui interdit aux pouvoirs publics d'emprunter

auprès de banques publiques ; qui programme la libéralisation

notamment des services financiers, etc) ? Jacques

Delors, soutenu par 13 gouvernements sociaux-démocrates

sur quinze.

Qui a soutenu la stratégie de Lisbonne et les décisions de

Barcelone sans lesquelles la privatisation de certains services

publics n'aurait pas pu être décidée par la droite ? Le

gouvernement Jospin.

Qui a pris les décisions en France concernant certains produits

financiers aujourd'hui remis en cause ? Le gouvernement

Jospin.

Qui a soutenu le TCE et qui soutient aujourd'hui son copiécollé

le traité de Lisbonne où est prohibée toute restriction

aux mouvements des capitaux ? Le PS.

Qui soutient, au Parlement européen, une Commission

européenne gardienne dogmatique de la dictature des marchés

? Le Groupe socialiste.

Qui soutient, au Parlement européen, la création d'un marché

commun transatlantique avec ce que cela signifie de

dérégulations et d'adaptation aux règles américaines chez

nous ? Le Groupe socialiste.

Qui donc pilotent les deux institutions internationales les

plus nuisibles pour les peuples, l'OMC et le FMI ? Deux

membres éminents du PS.

Ce que tu appelles “le monde de Sarkozy”, cher Gérard,

c'est aussi celui de Pascal Lamy et de Dominique Strauss-

Kahn. C'est aussi celui de celles et ceux au PS qui portent

la responsabilité d'avoir soutenu toutes les politiques néolibérales

dont nous souffrons depuis 1983. Et qui, avant de

gauchir leurs discours depuis quelques jours, proclamaient

haut et fort leur adhésion à la “modernité” du libéralisme

économique et de l'économie de marché il y a quelques

semaines.

Le PS ne redeviendra pas vierge aux yeux des millions de

femmes et d'hommes, qu'il a trompés et trahis, en mettant

tous les malheurs du monde sur le seul dos de Sarkozy.

Qu'il commence par battre sa coulpe. Qu'il reconnaisse

publiquement ses erreurs. Il y a un devoir d'inventaire

incontournable avant de passer à autre chose. Si tant est

que le PS soit en mesure de redevenir socialiste.

Bien cordialement, Raoul »

Le monde de Sarkozy

est-il celui de Pascal Lamy et de DSK ?

Le monde de Sarkozy est-il celui de

Pascal Lamy et de Dominique Strauss-

Kahn ? Telle est la question explicite

posée par Raoul-Marc Jennar, à propos

de ces « deux membres éminents du

PS », et sa réponse est « oui ». Il en

déduit que font fausse route tous ceux

qui, comme les rédacteurs de D&S,

sont résolument militants du Parti

Socialiste et combattent honnêtement

pour l’ancrer à gauche. C’est pourquoi

Raoul-Marc Jennar a choisi de militer

avec le NPA.

Selon RM Jennar, le Parti Socialiste

n’est plus socialiste, c’est la conclusion

logique à laquelle il est conduit en

constatant que ses membres éminents

peuvent appartenir au monde de

Sarkozy. En effet, RM Jennar est quelqu’un

de logique et d’éthique. Il a été

licencié de son emploi parce que son

activité politique déplaisait à son

employeur : il a choisi sa liberté de

parole. Un raisonnement rigoureux

l’attache aux valeurs de gauche, il met

en accord ses paroles et ses actes : il ne

se taira pas. C’est un militant que nous

apprécions.

Deux statuts contradictoires

Comme l’affirme RM Jennar, le monde

de Sarkozy, le monde du capitalisme,

est bien celui à la construction duquel

participent Pascal Lamy et Dominique

Strauss-Kahn, comme directeurs de

l’OMC et du FMI, organismes internationaux

dont ils dirigent la politique

néolibérale. C’est bien le monde de

leurs actes.

Mais est-ce le monde de leur cœur ?

Eux seuls le savent, mais c’est du

moins ce qu’ils nient en étant membres

du PS : ils affirment être (encore) de

gauche tout en dirigeant l’OMC et le

FMI.

Étant convaincus que le PS est un parti

de gauche, nous pourrions supposer

qu’il leur est difficile de gérer deux statuts

aussi contradictoires.

Mais rien n’est moins sûr quand on sait

que l’incohérence entre les sentiments

et les discours est une chose très

répandue, sans que la santé mentale

de ceux qui en sont affectés ne paraisse

en danger : il leur suffit de mentir

sur leurs sentiments ou… d’avoir perdu

toute boussole ! Ou encore, plus simplement,

de ne pas chercher à être

cohérents.

Tels dirigeants, tels adhérents ?

Les exemples choisis par Raoul-Marc

Jennar (Fabius, Delors, Jospin, Lamy,

Strauss-Kahn et les groupes parlementaires

socialistes) mettent en cause les

principaux dirigeants socialistes. La

question à laquelle répond Raoul-Marc

Jennar est donc celle de la nature de la

direction du PS : il ne considère plus

cette direction comme socialiste. Mais,

dans ce jugement sur la direction, il

englobe tout le PS : « Si tant est que le

PS soit en mesure de redevenir socialiste

» dit-il.

Ainsi, partant de la mise en cause de

deux personnalités, en raison de leurs

activités internationales, Raoul-Marc

Jennar en arrive à mettre en cause la

direction du PS, puis tout le PS. À ses

yeux, le PS se réduit à ses dirigeants, à

quelques-uns de ses dirigeants.

Au contraire, selon nous, le PS est

constitué de ses 170 000 adhérents. Il

ne fait pas de doute (ni pour nous ni,

vraisemblablement, pour RM Jennar)

que ces milliers d’adhérents sont

socialistes, se sentent de gauche.

Pour RM Jennar, la nature d’un parti se

ramène à celle de ses dirigeants. Or, la

direction d’un parti révèle son orientation

politique du moment, son programme

et sa stratégie. C’est sur la

base cette orientation qu’elle s’est fait

élire. La direction n’est qu’une photographie

prise au moment du congrès,

elle n’en révèle pas les profondeurs.

C’est pourquoi, selon nous, la nature

d’un parti est définie par celle de ses

adhérents.

Le parti c’est ses adhérents

C’est la réalité massive de ses adhérents

qui définit la nature du Parti

Socialiste. C’est dans cet attachement

des socialistes aux valeurs de gauche

que réside le potentiel de transformation

sociale du PS. Prendre en compte

ce potentiel, prendre en compte les 30

% d’électeurs qui se considèrent

comme électeurs socialistes, c’est vouloir

lancer une dynamique de réorientation

du Parti socialiste. C’est vouloir

que ses dirigeants soient vraiment

représentatifs de la base, qu’ils soient

représentatifs du PS.

En effet, plaçons-nous d’un point de

vue démocratique. Du point de vue de

la démocratie, ce sont ses milliers

d’adhérents qui font un parti, ce ne

sont pas ses dirigeants. Sans les adhérents,

les dirigeants ne seraient rien.

Privés de leurs dirigeants, les adhérents

en désigneraient d’autres, issus de

leurs rangs. Ne regarder que les dirigeants,

succomber aux préjugés élitistes,

c’est ignorer les adhérents, c’est

les mépriser. C’est prendre une photographie

où, au premier rang, posent les

dirigeants qui cachent les adhérents.

Dans tous les cas, que les dirigeants

soient vraiment représentatifs des

adhérents ou qu’ils disposent d’une

grande autonomie à leur égard,

prendre une photographie c’est figer

une réalité et ne prendre en compte

qu’une facette de cette réalité.

Pourquoi adhère-t-on au PS, au PCF,

au NPA, aux Verts ?

Pour quelle raison les membres du PS

adhèrent-ils à ce parti ? Parce qu’ils

sont de gauche. C’est simple, massif,

sans appel.

Pour quelle raison les membres du PCF

adhèrent-ils à ce parti ? Parce qu’ils

sont de gauche. C’est aussi simple et

massif. Mais pourquoi n’adhèrent-ils

pas, alors, au PS ? Ils auraient pu le

faire. Mais ils ont côtoyé des militants

du PCF et ont tissé des liens préférentiels

avec eux. Ou bien ils ont fait partie

de ceux qui prenaient (à tort)

l’ex-URSS pour la patrie du socialisme.

Ou encore ils ont été touchés par un

événement qui les a conduit à préférer

la position du PCF à celle affirmée par

le PS.

Pour quelle raison les membres du

NPA adhèrent-ils à ce parti ? Parce

qu’ils sont de gauche. C’est toujours

aussi simple. Mais pourquoi n’ont-ils

pas adhéré au PS ou au PCF ? Ils

auraient pu le faire ou l’avaient fait,

mais ils lui ont préféré la LCR ou ont

été séduits par la présence médiatique

d’Olivier Besancenot.

Pour quelle raison les membres des

Verts adhèrent-ils à ce parti ? Parce

qu’ils sont de gauche. Mais pourquoi

n’ont-ils pas adhéré au PS, au PCF ou

au NPA ? Probablement parce qu’ils ne

les trouvent pas assez écologistes.

Quand un parti se définit par son programme

et non par ses adhérents…

Être de gauche est une motivation suffisante

pour choisir d’adhérer au PS.

Pour certains, peut s’ajouter la perspective

tangible d’être élus.

Mais généralement, pour choisir d’adhérer

au PCF, au NPA ou aux Verts, à la

motivation d’être de gauche, s’ajoute

une préférence programmatique. PCF,

NPA et Verts se distinguent et justifient

leur existence indépendante par la

référence de chacun à un programme

qui se veut distinctif et qui est présenté

comme une base d’adhésion.

Toutefois, il n’est pas vrai que leurs

membres aient adhéré sur la base d’un

programme : ils ne connaissaient pas

le programme du parti qu’ils avaient

choisi et ne le connaissent peut-être

pas encore. Mais un élément décisif

d’orientation a généralement motivé

leur adhésion.

D’ailleurs, ces partis cultivent leurs

particularités programmatiques et leur

pluralisme est très limité : ils ont adopté

le principe « le parti c’est le programme

». Selon les partisans de ce «

principe », la nature d’un parti est définie

par la nature de son programme :

qui n’est pas en accord avec le programme

devrait quitter le parti. C’est

ce qui se passe en général mais ça

garde un goût de sectarisme.

L’adhésion en fonction du programme

du moment est lourde de scissions et

de refus du pluralisme. Quelle position

programmatique va être retenue

comme critère de choix du bon parti

ou comme frontière entre la gauche et

la droite ? Il y a autant de tracés disputés

que de jugements subjectifs, chacun

conduisant à un cadre d’alliance

différent.

Pas de démocratie sans pluralisme

En revanche, les adhérents socialistes

et les électeurs socialistes justifient

généralement leur choix par leur seule

identité de gauche. Certains affirment

néanmoins des options particulières.

Elles auraient pu les conduire à choisir

un autre parti, qui les a introduites

dans son programme. Mais ils savent

que leurs positions sont aussi défendues

à l’intérieur du PS puisqu’on y

retrouve le même éventail programmatique

que celui qu’offrent les « partis

programmatiques » de la gauche.

Membres du PS, ils se reconnaîtront

peut-être dans une sensibilité participant

à un courant particulier. Lors des

débats sur textes (conventions ou

congrès), ils auront à se prononcer et à

choisir entre différentes orientations.

Mais, la décision des électeurs de

gauche d’adhérer au PS ou de voter

pour lui résulte de leur identité de

gauche. Leurs convictions politiques,

plus particulières, participeront au pluralisme

du parti socialiste.

La démocratie demande le pluralisme.

Elle demande de confronter les positions

et d’écouter leurs arguments pour

choisir celle qui est préférable. Mais

comment choisir en connaissance de

cause quand un seul courant, agrémenté

des différentes sensibilités qui le

nuancent, est porté à la connaissance

des adhérents, comme dans les « partis

programmatiques » de la gauche,

construits autour de ce seul courant ?

La force du Parti Socialiste réside dans

la possibilité offerte à tous les courants

qui se réclament de la gauche, de présenter

leurs positions et de faire aussi

connaître les différentes nuances qui

traversent chacun d’entre eux. C’est

pourquoi, malgré le carriérisme qui

transforme certains courants en écuries

présidentielles et malgré le triomphe

du néolibéralisme depuis 1983, la

contributions qui ouvrent ses débats de

congrès sont aussi riches (mais restent

largement inconnues par ceux qui ne

voient que l’écume des présidentiables).

La nature d’un parti c’est son potentiel

« – Oui ! Mais cette ode au pluralisme

ne cache-t-elle pas une tolérance

envers des positions programmatiques

de droite ?

 – Mais qui décide qu’une orientation

est de droite et doit donc être rejetée ?

Il n’y a pas de révélation divine… En

bonne démocratie, ce sont les adhérents

qui doivent juger. S’il est vrai que

ces adhérents sont de gauche, alors les

meilleurs arguments de gauche doivent

emporter leur conviction !

 – Ce n’est pas une garantie absolue.

 – Il est vrai. Mais il n’y a pas d’arbitre

pour juger en dernière instance, au

dessus des adhérents. La meilleure

aide dont peut bénéficier une orientation,

réside dans la participation de ses

défenseurs au débat.

 – Mais ça peut être insuffisant pour

faire barrage à un programme droitier,

pour empêcher que la frontière entre la

gauche et la droite ne soit effacée.

 – En effet, ça n’a pas été suffisant pour

faire obstacle aux mesures politiques

citées par RM Jennar et prises, depuis

1983, par des gouvernements socialistes.

Mais, ce qui est un moment du

PS n’est pas une réorientation définitive

: tout dépend de la politisation des

adhérents, elle seule permettra d’ancrer

le PS à gauche. Le clivage gauchedroite

y est toujours pertinent, il vit

dans l’identité de gauche des adhérents

socialistes. Celle-ci constitue le

potentiel du PS, sa capacité maintenue

à retracer la frontière entre politique de

gauche et politique de droite. »

Le caractère élémentaire, basique, du

clivage gauche-droite

Pour comprendre les possibilités

d’évolution d’un parti et pouvoir peser

sur son devenir, il faut connaître sa «

nature sociale ».

Il faut d’abord comprendre sur quoi

repose le clivage gauche-droite. Le

préjugé « idéaliste » consisterait à croire

que c’est un clivage programmatique

ou idéologique auquel chacun

accèderait par un raisonnement

logique : c’est l’erreur de RM Jennar.

Le préjugé « mécaniste » consisterait à

croire que c’est un clivage qui reposerait

sur la composition sociologique du

parti.

Le clivage gauche-droite n’est pas un

clivage programmatique ou idéologique.

Il ne peut pas provenir d’un

jugement politique sophistiqué qui

mettrait en jeu des critères inaccessibles

à la majorité des citoyens parce

qu’ils demanderaient une formation,

une information et une confrontation

réservées à des militants avertis, ayant

une connaissance de toutes les questions

concrètes abordées. Il ne peut

pas résulter d’un débat délicat. Il ne

peut dépendre que d’un jugement élémentaire,

qui permet au plus grand

nombre de personnes de se situer

elles-mêmes, sans même pouvoir

situer les autres.

Ce n’est pas un clivage sociologique.

Dans un pays où les salariés constituent

plus de 90 % de la population, il

est assez logique que la gauche soit

politiquement majoritaire puisque la

droite s’attaque frontalement à leurs

intérêts. Mais, rançon de ce poids

sociologique, les salariés sont majoritaires

dans tous les partis, comme

adhérents et comme électeurs, si la

droite ne pouvait compter que sur les 2

% dont elle défend les intérêts, elle

perdrait toutes les élections malgré son

contrôle des médias.

C’est pourquoi il ne faut pas confondre

« nature sociale » et « composition

sociologique ». De même qu’il ne faut

pas confondre « nature sociale » et «

fonctions politiques ».

La nature sociale du parti socialiste

La nature sociale de gauche du parti

socialiste est le potentiel social de

gauche qu’il recèle.

C’est une propriété objective qui exprime

le constat que ses membres y adhèrent

parce qu’ils se sentent de gauche :

leur base d’adhésion est leur identité

de gauche.

Comme toute identité, c’est un sentiment

éprouvé en pratique et non la

conclusion d’un raisonnement, même

si la raison peut y aider : il est donc

individuel et subjectif. Que, pour les

individus, leur identité soit subjective

n’empêche pas que, pour le parti, sa

nature soit objective.

Pour connaître la nature d’un parti, il

faut revenir aux individus qui le composent,

non pour étudier leur état

objectif ou leur statut juridique, mais

les valeurs qu’ils partagent et qui fondent

leur identité commune et, en l’occurrence,

leur combat commun. En

effet ce sont eux, individus concrets,

qui agissent. Leur parti, entité collective,

n’est que l’instrument de leur

action et son potentiel dépend des

valeurs qu’ils défendent mais peut ne

se révéler qu’à long terme. C’est pourquoi,

par delà les variations conjoncturelles

d’orientation, la compréhension

de sa nature permet d’éviter de se

tromper de combat.

La coexistence de fonctions politiques

contradictoires

Cette nature sociale exerce un déterminisme

tendanciel (et non mécaniste)

sur l’orientation du parti. C’est pourquoi

elle n’exclut pas la coexistence

de fonctions politiques contradictoires

avec ce potentiel et contradictoires

entre elles.

Selon les mesures programmatiques

mises en oeuvre ou les options stratégiques

exécutées, une orientation politique

peut faire coexister des fonctions

démocratiques, donc de gauche, avec

des fonctions élitistes, donc de droite

(libérales, bonapartistes, nationalistes,

opportunistes, sectaires, etc). Ces

caractérisations politiques sont des

jugements politiques subjectifs qui

nécessitent chaque fois de débattre

sans que le résultat majoritaire soit une

garantie de cohérence avec les valeurs

affichées.

À notre avis, les mesures critiquées par

RM Jennar et qui furent prises par des

gouvernements de gauche, relèvent du

ralliement au néolibéralisme d’une

majorité de dirigeants socialistes.

L’inversion du calendrier qui, en 2002,

conduisit de la défaite de Lionel Jospin

lors de la présidentielle à la défaite de

la gauche lors des législatives, était une

dérive bonapartiste qui accentuait ce

caractère de la Ve République. Ces

mesures sont en conflit avec la nature

de gauche du PS, mais ne l’invalident

pas.

Parallèlement, la réduction à 35 heures

de la semaine légale de travail, prise

par Lionel Jospin et Martine Aubry,

était une mesure démocratique historique,

anti-libérale, malgré les hésitations

qui ont accompagné sa mise en

oeuvre.

Composition sociologique ou nature

sociale ?

La nature sociale du PS résulte de

l’identité de gauche de chacun de ses

adhérents. Pour la majorité de ceux-ci,

leur appartenance sociologique au

salariat explique cette identification

car il existe une communauté d’intérêts

des salariés. Mais l’existence de

ces intérêts individuels ne détermine

pas mécaniquement la prise de

conscience qu’ils sont communs,

notamment parce que d’autres intérêts,

divergents, peuvent cacher cette

convergence. En outre, la défense de

ses intérêts n’est pas le seul moteur de

l’action des individus : beaucoup de

non salariés sont très ancrés à gauche.

Le potentiel social d’un parti ne résulte

pas directement de l’état sociologique

objectif de ses adhérents, mais provient

de leur identité sociale subjective.

C’est par adhésion erronée à un

déterminisme mécaniste que certains

tentent encore de justifier la division

de la gauche en valorisant une implantation

parmi les ouvriers qui serait

celle du PCF, alors que le PS serait

représentatif des employés. C’est ignorer

que cette distinction est souvent

artificielle et que ces deux catégories

vendent leur force de travail (sont salariées).

C’est, surtout, ignorer que ce n’est pas

le salariat en soi qui constitue le potentiel

social d’un parti, mais le « peuple

de gauche », classe « pour soi » de

ceux qui partagent cette identité de

gauche. Force sociale qui peut se

reconnaître dans les droits démocratiques

qu’appellent les revendications

des salariés et de ceux qui subissent les

inégalités engendrées par le capitalisme.

La force du mouvement social qui se

lève

Le principal facteur qui va permettre

au potentiel social de toute la gauche

de s’exprimer et de sortir des profondeurs

du peuple de gauche où il semblait

enterré, est l’explosion sociale qui

semble s’approcher et qui, face à

l’épuisement de la génération militante

qui dirige la gauche, devrait faire sa

place à une nouvelle génération dirigeante.

Ce mouvement social promet

même d’être, pour la jeunesse, un

moteur de la conscience sociale aussi

puissant que l’a été Mai 68, il y a plus

de 40 ans.

Ce sont deux générations qui vont être

poussées en avant, l’une directement

sur le devant de la scène, plus ou

moins bien préparée mais mise à l’essai,

l’autre en cours de formation et

d’accumulation d’expérience.

Il n’est pas certain que les directions

actuelles de la gauche, des partis de

gauche, sachent se saisir du mouvement

social qui vient et sachent créer

le rapport de forces nécessaire pour

répondre aux conséquences de la crise

mondiale et pour apporter, partout où

c’est possible, les solutions démocratiques

capables d’assurer la transition

du capitalisme au socialisme.

Il n’y a pas de doute que certains dirigeants

actuels de la gauche iront au

bout de leur dérive et s’opposeront au

mouvement social et au débouché

politique qu’il appellera. En Mai 68 la

gauche est passée à côté ou s’est positionnée

en face de la grève générale et

a donc perdu les élections législatives

de juin 68. Il a fallu attendre 1972 et

l’Union de la Gauche pour qu’elle

réponde à l’attente sociale.

Stratégie d’unité de la gauche, stratégie

de division de la gauche ou stratégie

de collaboration avec la droite ?

Si la mobilisation sociale qui se lève

face au monde de Sarkozy, explose en

une grève générale, elle deviendra

immédiatement une force politique.

Les crises financières, économiques,

alimentaires, climatiques et sociales

qui secouent le monde auront alors

donné naissance, en Europe, à une

crise politique. Cette irruption sur le

terrain politique est d’ailleurs indispensable

pour pouvoir leur donner une

solution démocratique.

Circonscrite à la France, éventuellement

à l’Europe, elle ne résoudra pas

toutes les crises mondiales mais elle

pourrait montrer la voie à suivre.

Lors d’une telle crise politique, la victoire,

peut-être provisoire mais non

négligeable, appartient au camp qui

désigne le débouché politique immédiat

le plus démocratique : des élections

législatives anticipées.

Mais pour y appeler et pouvoir les

emporter, il faut être prêts. Il faut donc

avoir proposé de constituer l’unité de

la gauche autour d’un programme de

gauche. Si elle n’est déjà faite, il faut

proposer de la réaliser immédiatement

avec un programme d’urgence qui

réponde aux revendications sociales.

C’est pourquoi il ne faut pas se tromper

sur la nature du Parti Socialiste. Sinon,

on tombe dans une stratégie de division

de la gauche ou de collaboration

avec la droite.

La gauche a besoin de construire son

unité : le plus tôt est le mieux.

Ainsi on en finirait avec une division

de la gauche qui dure depuis 90 ans.

Ainsi on renouerait avec 1905.

14 février 2009,

Pierre Ruscassie

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