GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Le monde à travers des lunettes néo-libérales

Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) vient d’être publié. Ses propositions : suppressions de postes dans la fonction publique, gels des pensions et des prestations sociales. Comme si François Hollande n’avait pas été élu…

Le récent rapport de l’Inspection Générale des Finances, commandé par l’ancien Premier ministre François Fillon mais rendu public début juin, chiffre à 5 milliards par an les économies qui devraient être réalisées par l’Etat pour parvenir à l’équilibre de son budget en 2016 ou 2017, en fonction des « scénarios de croissance » envisagés.

Attention à la hausse des recettes publiques !

Les rapporteurs, Martine Marigeaud et Jean-Michel Charpin (à qui l’on doit déjà le rapport qui avait présidé à la contre-réforme de nos retraites en 2003), ne voient pas d’autres solutions que de faire porter l’essentiel de l’effort sur les dépenses publiques : « une trajectoire de retour à l’équilibre qui reposerait essentiellement sur une hausse des recettes […] singulariserait la France et serait contradictoire avec les efforts visant à améliorer la compétitivité de son économie et le pouvoir d’achat des ménages ».

L’idée que le gouvernement français puisse se « singulariser » et fixer comme objectif une hausse fiscale européenne par le haut en augmentant l’impôt des ménages les plus fortunés et des sociétés dans toute l’Union européenne n’est pas venue à l’esprit des deux rapporteurs.

L’idée qu’il puisse exister, comme le souligne Martine Aubry, « d’énormes marges de manœuvre en faisant rentrer des impôts complémentaires de ceux qui ont eu tant de privilèges aux dépens des autres » leur est, également, restée étrangère. Le « pouvoir d’achat des ménages » auquel fait référence le rapport de l’IGF n’a pourtant pas le moindre sens s’il ne distingue pas le « pouvoir d’achat » des plus fortunés et celui de la très grande majorité de la population.

Quant à la compétitivité de l’économie, il est pour le moins surprenant que le rapport de l’IGF n’ait pas soufflé mot de la valeur de l’euro qui rend les produits de l’Union européenne particulièrement chers à l’exportation hors de la zone euro. Il est tout aussi étrange qu’il n’ait pas évoqué la progression constante du montant des dividendes perçus par les actionnaires des sociétés françaises. Le montant des dividendes perçus par les actionnaires représentait 3,2 % du PIB en 1982 et 9,3 % en 2011. Une progression de 6,1 points, soit 120 milliards d’euros en 2011. Une progression qui, elle aussi, renchérit le prix des produits à l’exportation et les rend moins « compétitifs ». Ce dernier « oubli » indique clairement que, pour les rapporteurs, ce n’est pas tant la « compétitivité » des entreprises qui est en cause que leur rentabilité.

Diminuer les dépenses !

Mais attention, pas toutes les dépenses. Les intérêts payés pour la dette publique (48,8 milliards d’euros pour la seule année 2011 alors que selon le rapport de l’IGF c’est 56 milliards d’euros d’économie qu’il faudrait trouver en 5 ans) et les dotations à l’Europe qui ne cessent d’augmenter (FESF, MES…) sont incompressibles pour les deux rapporteurs.

Il ne reste donc plus que deux solutions pour le rapport de l’IGF.

La première est de réduire les dépenses en économisant sur les effectifs de la Fonction publique, sur les salaires, les évolutions de carrière, les pensions des fonctionnaires.

La seconde est de diminuer les prestations et les subventions.

Diminuer les prestations, cela signifie avoir en ligne de mire l’allocation adulte handicapé, les aides au logement, les bourses aux étudiants, qui représentent près de 15 milliards d’euros chaque année.

Diminuer les subventions, c’est avoir dans le collimateur les subventions au Réseau Ferré de France (2,6 milliards d’euros), les contrats aidés (1,8 milliards), l’assistance éducative (1,5 milliards d’euros)…

C’est, en moins destructeur, le même type de politique que celle qui a plongé la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Italie dans la récession. Une récession qui a, d’ailleurs, reculé d’autant la possibilité de résorber les dettes publiques ou les déficits publics de ces pays. Mais le rapport de l’IGF ne voit le monde qu’à travers des lunettes néolibérales et n’a su tirer aucune leçon de la catastrophe humaine, économique et financière que vivent ces pays.

La démocratie doit l’emporter sur la Finance

Le rapport de l’IGF ne semble tenir aucun compte du simple fait que François Hollande a été élu président de la République le 6 mai dernier et qu’il s’est engagé à mettre fin à la politique de « révision général des politiques publiques » de Nicolas Sarkozy. Il ne semble tenir aucun compte de l’engagement pris par le nouveau président de la République de créer 12 000 postes, chaque année pendant 5 ans, dans l’Éducation nationale. Le rapport aurait sans doute été le même si Nicolas Sarkozy avait été réélu. Entre la démocratie et les intérêts de la Finance, il paraît évident que le rapport de l’IGF n’a pas eu vraiment de difficulté à faire son choix.

Ce rapport considère que les intérêts de la dette publique constituent une dépense incompressible et qu’il vaut mieux s’attaquer au service public, diminuer les prestations sociales et les subventions, plutôt que de faire perdre un seul centime d’euros aux créanciers de la dette publique, c’est-à-dire aux banques, aux assurances et aux fonds spéculatifs. Là aussi, la démocratie devra l’emporter et la dette publique soumise à un audit public, un audit citoyen, pour déterminer quelle part de cette dette n’est pas légitime et ne doit pas être remboursée. Entre les profits des banques et les écoles ou les hôpitaux publics, les citoyens ont le droit de choisir.

Jean-Jacques Chavigné

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