GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Le congrès de Dijon est loin d'être joué

  • 1 Le débat au sein du Parti socialiste connaît des rebondissements qui intéressent toute la gauche. Ce qui se passe, ce qui bouge dans ses courants, n'est pas une affaire de personne.
  • La contribution « Nouveau parti socialiste » (Nps) n'appartient pas à un trio mais à ses militants. Le 26 octobre, le 7 décembre, le 12 janvier, le 1er février, et dans toutes les fédérations, dans des centaines de réunions, ce sont des milliers de militants venus à Nps, qui l'ont construit, et la contribution politique qui émane d'eux, les rassemble par-delà leur diversité. Un collectif d'animation a été constitué par consensus et s'est réuni pendant plus de douze semaines, c'est la seule instance qui représente NPS au plan national. « Faire de la politique autrement », c'est s'insérer dans le cadre des réunions, travailler en équipe, en se respectant, à égalité d'écoute.

    Il faut absolument continuer

    Nul ne peut « exclure » quiconque par imprécation. Toute « exclusion » de ce type ne peut avoir aucune portée. Chacun doit, en retour, jouer le collectif. Personnaliser la politique, c'est dépolitiser les personnes. Mais on doit apprendre à faire travailler ensemble des personnes très différentes. Chacun est libre adhérent comme dans tout courant du parti à la veille de ce congrès de Dijon. C'est aux militants de dire démocratiquement leur opinion sur le contenu et les formes de la future motion dont le fond politique, seul comptera.

  • 2 D'autant que le congrès de Dijon est loin d'être joué.
  • « Nps » a une dynamique telle qu'il peut prétendre à 20, 25 % des voix des militants, tandis que Nouveau Monde peut prétendre à 20 % et peut-être davantage. C'est énorme. Une feuille de papier à cigarette sépare les deux contributions dont le contenu aurait pu, ironie, faire largement le bonheur de l'ex-Gauche socialiste qui s'est divisée pour rien. D'autres forces et sensibilités sont en mouvement. La clarification politique, cela se voit, n'a pas été opérée par la contribution déposée le 18 janvier par le Premier secrétaire. La majorité du Parti socialiste est concrètement en cause, dès lors qu'à un niveau bien supérieur à 40 %, les militants veulent, pour tirer les leçons du 21 avril, le refonder, faire bouger sa direction, l'ancrer à gauche.

    Le moment pour Nps et Nouveau monde, ne devrait pas être à la division mais à l'addition. Ce n'est pas le moment de se différencier mais de s'ajouter. Pas dans une démarche fermée mais dans une vocation majoritaire. Il y a une immense opportunité à saisir, rien ne justifierait de ne pas réussir pour des questions de personne.

    Nous devons bâtir une VI° République « sociale »

    La troisième voie de Tony Blair peut être battue en Europe et en France. On peut rapprocher la gauche dite de gouvernement et le mouvement social combatif. On peut définir un vrai plan de bataille pour l'Europe sociale et une altermondialisation, mobiliser lors du G8 à Evian les 1 et 2 juin, et lors du Forum social européen en novembre à St-Denis et Paris. On doit rassembler ceux des socialistes européens qui voudront, avec nous, développer le mouvement de masse anti-guerre contre l'agression de Bush en Irak.

    S'il y a une chance à saisir pour y arriver, c'est de faire une sorte de coalition « arc-en-ciel » au sein du Parti socialiste, un peu semblable à celle que nous souhaitons au sein de toute la gauche. C'est de créer un rapport de force tel qu'il permette d'inclure, de modifier l'équilibre de direction, de clarifier, sans exclure, d'avec le social-libéralisme qui a échoué. Il faut, sans hésiter, s'investir dans des postes dirigeants, se placer au cœur du parti et non pas à ses marges, si c'est dans un esprit collectif et au service d'une cause. Mais cela signifie aussi « mettre la politique aux postes de commande », dans le respect des personnes, de toutes, par tous, y compris, bien sûr, du Premier secrétaire s'il souhaitait in fine, aller dans cette voie.

  • 3 Mais à l'heure actuelle, il n'y a pas de signe politiques lisibles de François Hollande sur le fait qu'il aille dans ce sens.
  • Le Premier secrétaire affirme que le 21 avril « Nous n'avons pas perdu parce que nous n'étions pas assez à gauche mais parce que nous n'avons pas assez écouté les français ». Alors que le 21 avril, la droite a perdu 4,4 millions de voix, l'extrême droite n'en regagne que 900 000. Le Pen ne récupérait même pas toutes les voix de de Villiers ni de Pasqua. Le total des voix de gauche atteignait 42,96 % des voix. Par contre, la gauche plurielle perdait 1,5 million de voix tandis que l'extrême gauche gagnait 1,35 million de voix. Voilà la vérité du 21 avril : le centre de gravité de la gauche se déplaçait à gauche, et pour la première fois le Parti socialiste perdant 1,8 millions de voix était minoritaire au sein de la gauche. C'est la gauche que nous n'avons pas assez écouté ! Ce sont les salariés auxquels nous n'avons pas su proposer de mesures-phares.

    Ce n'est pas seulement le contenu de la contribution de François Hollande qui pose problème mais l'action pratique actuellement mise en œuvre. Le ton de l'actuelle direction du Parti socialiste face au gouvernement Raffarin est nettement insuffisant pour dénoncer son entreprise de démolition sociale. Raffarin et Sarkozy font régresser l'Etat social au profit de l'Etat pénal, investissent dans des prisons à la place des écoles, dans un porte-avion à la place des hôpitaux, abaissent l'impôt sur la fortune et mettent en cause l'Apa, le Rmi, font stagner le Smic, s'attaquent aux retraites et à la Sécurité sociale !

    Presque rien n'a été fait par le Parti socialiste pour défendre les 35 h pour tous : 950 amendements à l'Assemblée alors que nous nous apprêtions à en déposer 12 000 sur la question du mode de scrutin. Les 35 h, la contribution de François Hollande en parle à peine, alors que c'est la question-clef du bilan de la législature de Lionel Jospin. L'autre question centrale de la hausse du Smic et des salaires, de la redistribution des richesses entre capital et travail n'est jamais posée - pas plus que celle d'une réforme fiscale profonde, veillant à réhabiliter l'impôt direct républicain, à diminuer les impôts indirects, à protéger les budgets séparés de la protection sociale.

    500 000 manifestants défilent le 1er février, le Premier ministre tient un discours hypocrite le 3 février : mais hélas, le communiqué du bureau national du Parti socialiste, le 4 février, ne défend ni la retraite à 60 ans à taux plein, ni le maintien des fonctionnaires à 37,5 annuités de cotisations, ni la remise en cause des mesures de Balladur de 1993, ni le retour aux 10 meilleures années, ni l'indexation des retraites sur les salaires !

    Nous n'avons presque rien fait contre l'abrogation de la loi de modernisation sociale alors que les plans « sociaux » pullulent. Le contenu social de la contribution du Premier secrétaire est largement en retrait par rapport aux documents socialistes des conventions de 1996 et de 1998, aussi bien sur le contrôle des licenciements, que sur les droits syndicaux, la démocratie sociale et les élections à la Sécurité sociale, les droits des comités d'entreprise… On ne reconquerra pas notre base sociale naturelle, le salariat (88 % de la population active) sans clarifier ces points.

    Faire des amendements à la motion de François Hollande sur ces questions clefs ? Sauf surprise substantielle qu'il faudrait évidemment analyser, on s'entendra répondre qu'ils sont « contradictoires » comme cela fut le cas précédemment ! Dans ce cas, écrire et soumettre une motion aux militants s'impose. Il vaut mieux, à défaut et à tout prendre, être éventuellement minoritaire mais ferme sur ses idées que « majoritaire » sur celle des autres. Ne pas défendre à Dijon, le fond de ces questions serait affaiblir le combat pour tirer les leçons du 21 avril, pour reconstruire un Parti socialiste fort et une gauche unie.

    Gérard Filoche (membre du Bureau national du parti socialiste)

    Le mercredi 19 février 2003

    Document PDF à télécharger
    L’article en PDF

    Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




    La revue papier

    Les Vidéos

    En voir plus…