Le code du travail : un frein à la lutte contre le chômage ?
François Bayrou sur France 2, le 18 septembre, a manié la démagogie à la louche. Après avoir montré ce qu’il a qualifié de « code du travail suisse », un opuscule d’une centaine de pages, il a, ensuite, jeté sur la table avec dédain, un code du travail français d’environ 3 000 pages et attribué à la différence d’épaisseur de ces deux « codes » les différences de taux de chômage en France et en Suisse.
François Bayrou venait pourtant d’asséner, sous les rires et les applaudissements, trois contre-vérités.
1re contrevérité : les deux ouvrages, présenté ou jeté, par François Bayrou n’étaient pas de même nature
L’ouvrage présenté par François Bayrou comme le « code du travail » suisse ne contient qu’une partie des textes régissant le travail dans ce pays, de nombreux textes réglementant le travail figurant dans d’autres ensembles de textes. Le code du travail français, jeté par François Bayrou, n’est pas n’importe quel ouvrage mais le « Dalloz » qui, outre les textes réglementaires publie une épaisse jurisprudence et de très nombreux commentaires explicatifs.
2e contrevérité : bien des pages du Code du Travail en France sont remplies de dérogations voulues, exigées par le patronat
Prenons trois exemples, très simples.
Une bonne part des articles du Code du travail, ou presque, pourrait subir ce genre de nettoyage qui en réduirait considérablement le volume. Est-ce vraiment le souhait du Medef et de son porte-parole, François Bayrou ?
3e contrevérité : rien ne permettait à François Bayrou d’établir un lien de cause à effet entre la minceur de ce qu’il a présenté comme le « code du travail » suisse et le faible taux de chômage de ce pays
François Bayrou s’est contenté de montrer à quel point il est imprégné d’idéologie néolibérale mais il n’a rien prouvé. Pourquoi n’a-t-il pas fait le lien, par exemple, entre le montant élevé des salaires en Suisse et le taux de chômage de 4 % de ce pays ? Le salaire médian brut, en Suisse, s’élève à 5 000 euros par mois alors qu’il n’est que de 1 700 euros en France… N’est-ce pas ce qui permet aux entreprises suisses de remplir leurs carnets de commande ?
Michel Onfray, quelques minutes plus tard, a eu parfaitement raison de qualifier le geste de François Bayrou d’« obscène » car il s’était permis de jeter un code qui protège les salariés
Il serait théoriquement possible de réduire l’épaisseur du code du travail français en supprimant non pas les dérogations, voulues par le patronat, aux lois protectrices des salariés mais les lois protectrices elles-mêmes. Cela reviendrait, sous prétexte de modernité, à rayer les résultats d’un siècle de luttes sociales et à imposer un retour des conditions de travail des salariés à ce qu’elles étaient au début du XXre siècle. Avec François Bayrou, on n’arrête pas le progrès !
Il serait, toutefois, bien difficile de comprendre comment l’abrogation de la loi des 35 heures, la suppression du CDI, la suppression d’une inspection du travail indépendante ou des délégués du personnel pourraient créer des emplois.
Ce qui en résulterait ne fait aucun doute : le surtravail des uns (dont le paiement des heures supplémentaires ne serait pas majoré après la suppression de l’horaire légal des 35 heures) s’ajouterait, encore plus qu’aujourd’hui, au non-travail ou au sous-travail des autres : contrats de « mission » d’une semaine ou d’un mois, temps partiel de 10 heures par semaine, contrats « zéro heures » comme en Grande-Bretagne, où les salariés attendent qu’on les appellent et ne sont payés que pour les quelques heures qu’ils ont travaillées, multiplication des mini-jobs à 400 euros par mois comme en Allemagne, licenciements sans préavis et sans indemnité, comme aux États-Unis…
Au total, la frontière entre l’emploi, le non-emploi, le sous-emploi serait encore plus floue qu’aujourd’hui : le nombre de chômeurs de la catégorie A diminuerait peut-être mais la précarité, le sous-travail et la pauvreté envahiraient toute la société.