GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Le chômage et sa courbe (2)

Nous publions la deuxième partie d’un article de notre camarade Jean-Jacques Chavigné dans lequel il revient sur la définition et la mesure du chômage. La troisième partie sera dans la lettre électronique de D&S de la semaine prochaine.

>> Lire la première partie

3- La « courbe du chômage » s’est-elle inversée en janvier 2016 ?

Une leçon de choses

La façon dont est traité le chiffre des demandeurs d’emploi de janvier 2016, rendu public par la Dares, est une véritable leçon de choses.

Comme d’habitude, l’attention est focalisée, par le gouvernement et les médias, sur le chiffre quasi officiel du chômage, celui de la catégorie A, limité à la France métropolitaine. Selon ce chiffre, le chômage aurait diminué de 27 900 au mois de janvier 2016.

Le Monde du 24 février 2016 titrait : « La baisse du chômage gâchée par une incertitude statistique ». Le terme « gâchée » est d’autant plus étonnant que la suite de l’article indiquait clairement que cette incertitude statistique ne « gâchait » pas, mais expliquait plutôt ladite baisse du chômage : « La Dares avertit que le chiffre de 3,55 millions de chômeurs, après une baisse de 27 900 personnes, était à prendre avec des pincettes : à la fin de chaque mois, les demandeurs d’emploi sont tenus de déclarer leur situation au Pôle emploi, sous peine d’être radiés d’office. En janvier, 238 900 personnes sont sorties des listes pour ce motif, soit plus de 40 000 de plus qu’en décembre ».

La Dares précisait également que, loin de diminuer sur l’ensemble des trois derniers mois, le chômage avait augmenté de 0,3 % sur la France entière, si l’on prenait en compte les demandeurs des catégories A, B et C.

Un objectif confirmé

L’objectif de François Hollande et de Manuel Valls est confirmé par les propos de Myriam El Khomri qui se félicite de cette « stabilisation du nombre de demandeurs d’emploi, préalable à la baisse du chômage ». Il s’agit donc bien de se limiter à l’inversion de la courbe du nombre de chômeurs de la catégorie A, en France métropolitaine. La nature des emplois créés n’a aucune importance : une personne qui travaille 6 heures par semaine (catégorie B), par exemple, n’est plus, dans cette perspective, un demandeur d’emploi.

Un alignement sur les politiques de l’emploi de l’Allemagne, du Royaume-Uni et des Pays-Bas

Pour les néolibéraux, l’affichage d’un taux de chômage de l’ordre de 5 %, est considéré comme le « plein-emploi ». Ce dernier régnerait au Royaume-Uni, en Allemagne et les Pays-Bas n’en seraient pas très éloignés. La situation de millions de personnes y est, pourtant, catastrophique mais elles n’encombrent plus les statistiques.

Atteindre ce « plein-emploi » factice passe par un alignement sur ces trois pays en matière de politique de l’emploi. Une politique qui se traduit par la multiplication des salariés pauvres et des emplois ultra-précaires, favorisée par une fiscalité des entreprises qui les incite à multiplier ce type d’emplois plutôt que d’en créer à plein-temps.

Selon les chiffres de l’OCDE, les emplois à temps partiel (moins de 20 heures hebdomadaires) représentent 5,9 % de l’emploi total en France, 12,4 % en Allemagne, 12,7 % au Royaume Uni et 21,3 % au Pays-Bas. Les emplois à temps partiel des jeunes de 15 à 24 ans en pourcentage du nombre total d’emplois occupés par ceux-ci, représentent 9 % en France, 17 % en Allemagne, 24,2 % au Royaume-Uni et 59,7 % au Pays-Bas.

Il faut donc, pour retrouver le « plein-emploi », à la sauce néolibérale, multiplier les emplois de moins de 20 heures par semaine. Voilà l’avenir que nous prépare l’objectif de n’inverser que la courbe des demandeurs d’emploi de la catégorie A. Le gouvernement de Manuel Valls a largement commencé le sale boulot. La droite ou l’extrême droite, si l’une d’entre elles l’emporte en 2017, n’auront plus qu’à continuer ce travail.

Quelle alternative ?

Dans son article de La Tribune du 19/01/2016 « Chômage : l’Allemagne et la Grande-Bretagne font-elles mieux ? » Yvan Best tirait cette conclusion : « Vaut-il mieux avoir un ou deux jobs à temps très partiel, mal rémunérés, qu’être au chômage ? Là est toute la question… et le choix différent fait par le France ».

Pourquoi se résigner à une telle alternative ? Pourquoi ne pas continuer le partage du temps de travail, là où l’avait laissé la loi Aubry ? Les résultats de la politique de Lionel Jospin (réduction du temps de travail, hausse du Smic, emplois-jeunes…) étaient pourtant autrement plus positifs que ceux de la politique de François Hollande. En moins de 4 ans, entre mai 2012 et janvier 2015, le nombre des demandeurs d’emploi (toutes catégories) a déjà augmenté de 1,7 million et de 700 000, pour la seule catégorie A. Entre juin 1997 et février 2002, les résultats de la politique de Lionel Jospin avaient été bien différents. Le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories avait diminué de plus de 600 000, et celui de la seule catégorie A de plus de 900 000. Pourtant, de nombreux chômeurs qui avaient, auparavant, renoncé à tout espoir de retrouver un emploi et ne figuraient donc pas sur les listes de l’ANPE, revenaient en masse sur le marché du travail, augmentant d’autant les chiffres des demandeurs d’emploi. Les chiffres du chômage ne se résumaient pas, comme pour François Hollande, à un artifice statistique mais étaient directement liés à la réalité et à l’ampleur de ce chômage. Pour la première fois, depuis plus de deux décennies, l’espoir était revenu d’en finir avec le chômage de masse.

Pourquoi ne pas comparer le bilan de Lionel Jospin à celui de François Hollande et ne pas en tirer toutes les conclusions ? Comment ne pas voir que c’est là que se trouve le véritable « réalisme » dont se réclame tant Manuel Valls ? Un réalisme qui exige, certes, d’affronter le Medef et la Commission européenne, plutôt que le salariat et ses organisations syndicales.

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