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Le 47 eme congrès de la CGT

Ambiance

Si les congrès confédéraux précédents étaient un plébiscite, un monument d'unanimisme pour la direction, le 47ieme congrès aura été marqué par la possibilité pour les opposants de s'exprimer largement. 85 % des 1000 délégués désignés après un découpage territorial complexe décidé par leurs fédérations, participaient pour la première fois à un congrès confédéral. Mais les débats vifs ont prouvé que le " filtre " de l'appareil utilisé pour mandater des délégués ne fonctionnait plus, du moins en faveur de l'orientation défendue par les partisans de Bernard Thibault. L'encadrement politique, historique, de la Cgt par les militants issus du Parti Communiste n'est plus la donnée principale de ces congrès, d'autant que ceux-ci, profondément divisés ont pour habitude de relayer les débats internes du PC au sein de la Cgt. L'organisation même du débat sur le bilan d'activité, les 4 résolutions dissociées et la question des retraites ont eu pour fonction de mettre au centre des débats les amendements des opposants. Ainsi nombre d'entre eux purent intervenir, de façon répétitive, au risque de prendre à rebrousse-poil la plupart des congressistes et d'obliger, à deux occasions, Bernard Thibault à recadrer le débat. Les délégués appartenant à l'extrême gauche étaient de l'ordre d'une dizaine pour chacune des organisations PT, LO et LCR. Les orthodoxes du PCF bénéficiant de réseaux plus institutionnels étaient de l'ordre d'une centaine. Cette composition du congrès contribua à donner un certain isolement de la direction confédérale.

Une situation contrastée


Au 46ieme congrès de Strasbourg, l'érosion des effectifs était jugulée. Au congrès de Montpellier, le nombre d'adhérents recensés par les Fédérations et Unions Départementales atteint 685.186 salariés actifs et retraités. Depuis le dernier congrès, ce ne sont pas moins de 220.000 nouvelles adhésions ou ré-adhésions qui ont été enregistrées ; mais le solde net n'est que de 49.000. Ainsi plus que tout autre organisation de masse, la Cgt subit le phénomène " passoire " et n'arrive pas à réellement augmenter ses effectifs. Certes Bernard Thibault peut se prévaloir d'un solde positif, d'un maintien de l'influence de la Cgt aux élections prud'homales et aux élections professionnelles, mais le vieillissement des cadres, la faiblesse persistante de la Cgt comme des autres syndicats dans les PME et dans le commerce pose l'urgente nécessité d'un redéploiement en dehors des bastions historiques du secteur public et des grandes sociétés du privé.

Bilan d'activité et orientation


Le bilan d'activité adopté à 91 % au dernier congrès ne fut approuvé qu'à 75 %. Les 15 % de votes contre donnaient la tonalité des débats de la semaine.


La première résolution, "solidaires pour de nouvelles conquêtes sociales", présentée par Maryse Dumas, soulignait l'éclatement du salariat, le développement de la précarité et la nécessité de revendications communes et fédératrices. Elle fut adoptée à 77 % avec 15 % de contre. Les idées d'une sécurité sociale professionnelle et d'un nouveau statut du travail salarié se voulaient l'axe central de ce document. Partant de la nécessité objective de droits nouveaux, de conventions collectives uniques et étendues aux salariés d'une même branche, de garantie des droits pour les chômeurs, de droit à la formation permanente ces propositions sont justes, mais apparaissent très conceptuelles. Plusieurs intervenants demandant le retrait de la Cgt du CIES (comité intersyndical d'épargne salarial), les responsables confédéraux réaffirmèrent l'opposition de la Cgt à la loi Fabius tout en soulignant l'importance de contrôler les sommes en jeu sans pour autant les gérer.

La seconde résolution, " renouveau du syndicalisme, franchir des seuils ", abordait les questions d'unité syndicale, de démocratie syndicale, de démocratie des assemblées de salariés, de la légitimité des consultations de salariés, du syndicalisme européen. On peut noter avec inquiétude que la référence à la recherche en permanence de propositions et d'initiatives avec les autres syndicats fut retirée du texte. Sans que cela ne change rien au texte lui-même, c'est un signe que les vieux réflexes sectaires matricent largement les militants syndicaux et politiques. Le retrait de CES (Confédération Européenne des Syndicats) exigé par les militants du PT et parmi les plus sectaires des orthodoxes n'a pas connu de succès. Plus habilement certains délégués exigeaient une ligne plus combative de la Cgt pour mieux peser sur les choix de la CES, notamment sur le contenu de charte européenne des droits sociaux. Le document adopté à 74 %, enregistra un vote contre de 15%.

La troisième résolution " la charte de la vie syndicale " aurait pu permettre un débat bien plus intéressant, tournant réellement la Cgt vers les déserts syndicaux, vers les zones de non droits dans lesquelles les syndicats n'existent pas. Après un débat assez consensuel, elle fut adoptée à plus de 83 %, mais recueilli quand même 8 % de contre. Timidement la perspective des 1.000.000 de syndiqués fut reprise par Bernard Thibault et lors de l'intervention de clôture. Alors que la Cfdt, malgré sa ligne confédérale, progresse grâce à son redéploiement vers les PME et son organisation méthodique de la syndicalisation, la Cgt peine à définir une méthode propre à ses traditions.

La quatrième résolution " adopter le nouveau système de cotisations " failli être minoritaire. Elle proposait une cotisation ventilée en pourcentage sur les différents champs confédéraux, fédéraux, régionaux et départementaux tout en garantissant un maintien de 33 % de la cotisation au syndicat. Les opposants craignant un renforcement du pouvoir de la direction confédérale avaient annoncé une attaque en règle. Dans les couloirs, et au sein de la commission, plusieurs fédérations soutenant la ligne Thibault exprimèrent leur veto face à la rédaction initiale. Le texte proposé au vote, complètement modifié, renvoya la décision à un congrès extraordinaire précédant le 48ième congrès recueilli à peine 51,48 %.

L'appel à l'action sur les retraites : un plébiscite


Le texte diffusé aux congressistes, reprenait l'ensemble des revendications de la confédération : "le droit effectif de la retraite à 60 ans", des retraites "au moins égales à 75 % des meilleures années d'activités et indexées sur les salaires", la remise en cause des "décrets Balladur de 1993 qui allongent à 40 ans la durée de cotisation du privé et programment la baisse des pensions", la référence à une "base d'une carrière de 37,5 ans" qui "doit continuer à prévaloir", tout en soulignant que les 37,5 ne peuvent suffirent et qu'il faut aussi prendre en compte les "périodes d'études, d'apprentissage, de recherche d'un premier emploi". Ayant pour fonction d'appeler aux manifestations du 3 avril, le texte réaffirmait la nécessité de l'unité d'action. Le texte tenait compte de l'état d'esprit des militants, de l'actualité des attaques du gouvernement contre les fonctionnaires et aussi anticipait les critiques des opposants. Ainsi les critiques maintenues de quelques délégués appartenant au PT ou aux courants orthodoxes du PCF furent balayées par un vote à 94 % des délégués.


Une direction réduite dans la douleur


La Commission Exécutive devait être diminué de 83 membres à 50 et le bureau confédéral de 17 à 10 avec une parité hommes femmes. Le refus d'intégrer un représentant des chômeurs suscita une énorme "bronca" d'une grande partie des délégués qui se levèrent et sifflèrent la direction sortante. Les dirigeants de la fédération Chimie, qui s'étaient distingués par des votes systématiquement contre, firent aussi une déclaration très violente. Alors que la direction rassemblée autour de Bernard Thibault affiche une volonté d'ouverture, de pluralisme, de démocratie, le refus d'intégrer un représentant des chômeurs et un représentant de la fédération Chimie reste une erreur. L'éviter aurait empêché une crise en plein congrès et n'aurait menacé en rien la majorité confédérale. Rester impérativement à 50 membres au niveau de la CE cachait la volonté de sélectionner des proches des trois principaux dirigeants de la Cgt : Bernard Thibault, Maryse Dumas et Jean-Christophe Le Duigou. Ainsi la plupart des dirigeants élus sont membres du PCF. Les rivalités entre factions " communo-communistes " ont abouti à laminer les autres sensibilités politiques notamment celle du Parti Socialiste. Plus aucun membre de la CE n'appartient au Parti Socialiste. On peut relier cela au fait que la délégation du PCF conduite par Marie-Georges Buffet ait été chaudement applaudie et que les représentants du Parti Socialiste, Bruno Leroux, secrétaire national et Jean-Pierre Bel, sénateur de l'Ardèche aient été copieusement sifflés.

La direction de la Cgt devrait refléter la diversité politique de sa base, mais les vieux réflexes d'appareils sont encore monnaie courante. Comme le disait un dirigeant confédéral " les responsables Cgt connaissent bien les paroles, mais certains chantent faux ". Malgré cela, l'orientation revendicative de la Cgt, la volonté d'unité d'action et de démocratie sociale lui assurent une grande porosité avec le mouvement social. Les actions reconductibles chez les enseignants, la mobilisation qui se développe pour les retraites avec la manifestation nationale à Paris proposée pour le 22 mai donnent à la Cgt une place centrale et incontournable.

Gilles Navarro

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