GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Le 29 mai allemand

Très tôt dans cette courte campagne allemande, le décor «people »fût planté par les plus invertébrés des médias européens : le « charisme » schroedérien et la «froideur » merkélienne, les costumes italiens de Gerhard et la coiffure très tendance d'«Angie l'Ossie ». Ces mêmes médias nous expliquèrent que cette élection était des plus importantes pour l'Allemagne et l'Europe entière. Le SPD et la CDU offraient - nous assurait-on - un « véritable choix de société » aux électeurs. D'un côté, Schroeder, ce « vieux socialiste » et « antiaméricain primaire », le promoteur de « timides réformes ». De l'autre, Merkel, « l'amie des États-Unis », une « réformatrice résolue » et grande admiratrice de Mme Thatcher. Il n'en a rien été. Le score des chrétiens-démocrates n'a pas été à la hauteur ce que promettaient les sondages et « Angie » est devenue une has been en l'espace d'une journée.

Giflés par les électeurs allemands, les invertébrés de l'information persistent et signent : la CDU aurait perdu car elle a présenté une « mauvaise candidate » à la Chancellerie. N'est-il pas troublant de constater que ce sont les jeunes, les sans-emploi, les ouvriers, les salariés qui ont rejeté en masse la CDU ? Et si le programme ultralibéral de ce parti en était la raison principale ? Nos commentateurs avisés pointent déjà un doigt accusateur sur le peuple allemand, « ignorant », « conservateur », « égoïste ». Voici le coupable ! Voici le 29 mai allemand !

Quant au « camarade des patrons », on salue aujourd'hui son génie politique, sa combativité, on découvre la sagesse de sa politique. Personne ou presque ne remarque que sous le gouvernement Schroeder, le SPD a réalisé son plus mauvais score depuis 1990, a perdu la plupart de ses bastions régionaux et près de 200 000 adhérents. Personne ou presque ne se penche

sur le bilan de ce

gouvernement « de gauche » : baisse des prestations sociales pour les chômeurs devenus sous Schroeder des "working poors" payés un euro de l'heure (le reste étant subventionné par l'État), privatisation des caisses maladies pour les hauts revenus (dont les cotisations font maintenant défaut à l'État), fermeture des bureaux de poste en zones rurales,

déplafonnement du prix des médicaments et taxe de 10 euros trimestrielles en cas de visite chez le médecin, allégement de l'impôt sur le Capital et sur les entreprises, libéralisation du marché de l'eau et de l'électricité, etc.

Et pourtant, la simple lecture des résultats nationaux nous apporte la clé de ce vote : la gauche est nettement majoritaire en Allemagne (SPD + Grünen + Linskpartei = 51,1% des voix contre CDU-CSU + FDP = 45%). Les scores respectifs du SPD et de la CDU sont en fait aisément explicables. Quand le salariat allemand, remonté contre le social-libéralisme schroedérien s'est rendu compte que la CDU allait lui infliger une potion ultralibérale, il a décidé de choisir le moindre mal ! Le « vote utile » a énormément joué en faveur du gouvernement sortant (« toute autre voix à gauche est une voix pour la CDU »). Le Linkspartei (la Nouvelle Gauche), nouveau venu dans le champ politique allemand, a dû faire face à une campagne haineuse de la part des médias et de la classe politique. Dans ces conditions, recueillir 8,7% est un résultat qui en dit long sur le désenchantement des salariés vis-àvis du social-libéralisme de M. Schroeder.

Le Linkspartei regroupe à l'Ouest, Oskar Lafontaine, ex-ministre des finances du SPD, d'ex-sociauxdémocrates, des syndicats et des représentants du mouvement social et, à l'Est, le PDS (ex-communiste).

Il est significatif de noter que le PDS est le seul ex-PC à l'Est qui n'ait pas adopté un agenda néolibéral. A ce titre, les médias le qualifient de parti « extrémiste », alors que son ambition est d'empêcher la destruction du modèle social rhénan. Le programme de cette coalition est une social-démocratie de gauche, rien de plus. C'est déjà trop pour le SPD qui ne trouve rien à redire d'une alliance avec les ultralibéraux de Ia,CDU et du FDP ou avec les libéraux-libertaires Verts, mais qui voit dans le Linkspartei une formation « infréquentable ».

Non à l'ultralibéralisme ! Non au social-libéralisme !

Après le 29 mai, les tenants de la « réforme » néolibérale en Europe viennent de se prendre une deuxième paire de gifles. Personne à gauche ne pleurera le départ de Schroeder. Mais il serait malvenu de se réjouir de la débâcle du SPD, qui va laisser à gauche un champ de ruines. A l'inverse du cas allemand, les directions sociales-libérales doivent ailleurs être combattues au sein même des partis sociauxdémocrates car elles ne sont pas une fatalité. L'alliance des gauches - sans exclusive - doit demeurer une ambition majeure. Ce sont les conditions sine qua non d'une rupture avec le néolibéralisme, avec la "grande coalition" entre le CDU et sa béquille socialelibérale.

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