GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Le 25 mai, une « manif. sans précèdent…» et un mystérieux chiffrage !

Pourquoi n'a-t-il pas été reconnu un million, voire un million et demi, de manifestants le 25 mai ?

Est-ce parce que les organisateurs » ont dit « 600 000 » ? Qui l'a dit ? Tous ensemble ? En accord ? Et pourquoi l'ont-ils dit ? Dans quelles conditions, au milieu, à la fin ? Après avoir vraiment estimé, mesuré l'ampleur des cortèges ? Avant de se rendre compte ?

Parce qu'en vérité, regardons-y de plus prés, il y a eu un million et plus !

Le gouvernement avait besoin de minorer l'ampleur du défilé pour dire « niet ». Mais les syndicats, pourquoi auraient-ils eu besoin d'estimer l'ampleur des différents cortèges en-dessous de ce qu'elle était ?

Ce n'est pas seulement une affaire de chiffre mais de dynamique. De toute façon, la manifestation du 25 mai était ce qu'on appelle une manifestation « ascendante », ce n'était pas « un sommet », un « point culminant », mais pour beaucoup un début d'engagement, ils étaient nombreux à démarrer ce jour-là, ils entraient dans la lutte pour la première fois pour le retrait du plan Fillon. Ensuite, les cortèges étaient extrêmement animés, inventifs, vivants, toniques, on sentait un « moment extraordinaire », comme il y en a rarement, un soulèvement de fond, une grande conscience, une lucidité sur les enjeux graves de l'affrontement qui se dessinait. Ceux qui ont l'habitude des « manifs » savent discerner les « ordinaires » des « extraordinaires », celles, du « premier type », qui sont de « témoignage », qui expriment et clôturent à la fois une mobilisation, et celles qui sont des « geysers », qui la relancent, qui sont transcendées par une dynamique plus importante que le moment même du défilé. Tous ceux qui savent faire ces différences ont reconnu une manif du « deuxième type », transcendée, porteuse de prolongements…

Tous ceux qui ont défilé… et n'ont pas pu défiler (ils sont nombreux à avoir fait du surplace, à avoir abandonné en cours de route) le 25 mai 2003 à Paris ont été estomaqués par l'ampleur du cortège. De mémoire de manifestants chevronnés, il n'y a pas eu souvent autant de bousculade, tant d'attente et tant de cortèges différents. Cela rappelait à la fois la célèbre manif. de janvier 1994, (un « million ») en défense de l'école publique contre la loi Falloux que Bayrou voulait remettre, à l'époque, remettre en cause. Ce jour-là, le cortège à parcours unique, s'étirait du boulevard Pereire à la place de la Nation en passant par la place de l'Opéra. .Comme en ce dimanche 25 mai 2003, des dizaines de milliers de personnes n'avaient pas pu défiler, avaient été contraintes de faire du surplace et de rentrer chez eux. Autre comparaison où l'on avait aussi parlé d'un million de manifestants, ce fut le 1er mai 2002 : ce jour-là, il y eut aussi un blocage tel qu'au bout de plusieurs heures, il y eut ouverture, par la police, de trois voies différentes d'écoulement de la manifestation.

Pour un participant aux trois manifestations, et observateur expérimenté des défilés parisiens, en ce 25 mai 2003, il y avait davantage de manifestants, de bousculades, d'attente qu'en 1994 et 2002, et il y avait trois voies différentes d'écoulement du cortège. Comme chaque cortège était extrêmement animé : davantage qu'en 1994 (elle eut lieu sous la pluie) et davantage qu'au 1er mai 2002 (cette fois il y avait des cortèges venus de province, régionalement structurés) ils étaient plus « tassés » plus serrés, combatifs…

Beaucoup de banderoles, beaucoup de slogans, beaucoup de groupes qui se connaissent, se sont vu dans les cars, dans les trains, dans des entreprises et services, pratiquement pas de « passages traîne-savates » ou les cortèges d'habitude s'étirent…

Même dans la montée des Gobelins, à l'arrivée, la densité des cortèges était exceptionnelle à 19 h 30 du soir. La manif commencée avant midi, s'est terminée à 20 h place d'Italie, mais avec les trois voies, les blocages, les attentes, on n'a pas eu une mais trois manifestations différentes, passant par des grandes voies, des distances à rallonge, complémentaires du point de vue du chiffrage.

Notons que Boulevard Diderot, vers 14 h, la densité est telle que les bousculades deviennent étouffantes, au bord de l'asphyxie et même du drame, impossible d'avancer ou de reculer sur les trottoirs ou dans les rues adjacentes toutes archi-pleines ! Il y avait des « liaisons » et des groupes qui cherchaient à avancer d'une rue à l'autre, d'un cortège principal à l'autre, toutes rues confondues. Ceux qui attendaient, étaient tassés comme des sardines entre Nation et Gare de Lyon…

En début d'après-midi, les radios ont diminué selon leur « usage », parlant de 150 000 puis de 250 000 manifestants, mais ensuite, les organisateurs ont parlé d'un million, avant de se rabattre sur le chiffre de 600 000 ce qui a réjoui les commentateurs, la police et le gouvernement et surpris les manifestants qui s'estimaient beaucoup, beaucoup plus forts !

Qui, parmi « les organisateurs » a pris la responsabilité de donner un chiffre aussi bas et pourquoi ?

Par sous-estimation réelle, sincère ?

Tout de même pas pour minorer l'impact ! Un chiffre énorme aurait donné un tel élan que la grève devenait plus vite irrépressible… Pour faire signe au gouvernement qu'il y avait vraiment place pour négocier ? Cela s'est avéré un très mauvais calcul, si c'est le cas.

Non pas que cela soit une question de « communication » totalement décisive, mais quand même cela compte : des « pessimistes » se sont fait jour depuis… Des commentateurs peuvent parler du « Pont de l'Ascension » comme si on n'avait pas de conflit social dur en vue. Des tentatives de division du front syndical se font jour pour empêcher les 2 et 3 juin de démarrer en force…

Obtenir que les médias ne donnent pas au mouvement social la conscience de sa propre force est décisif pour Raffarin : c'est pourquoi tout est minoré, la méthode Coué est utilisée pour dire que les Français sont « pour » une « réforme », et pour « celle-là » puisqu'il n'y en aurait « pas d'autre possible » !

Cela permet au gouvernement de se donner l'apparence de la fermeté…

Mais justement, tout cela est mis en scène pour contrôler le mouvement, chercher une issue qui ne soit pas la grève générale…

Pourtant la lame de fond, au-delà de la querelle des chiffres, est bel et bien là : dés mardi 27 mai, on l'a revu, 250 000 et plus à Marseille, 8 000 au Puy (sur une agglomération de 21 000 habitants, et c'est la 9° manif…) 15 000 a Clermont-Ferrand, des chiffres bruts records - supérieurs à nov-déc 95 et à mai 68 - au Havre et à Rouen, dans toutes les petites villes, au fin fond de la province… On voit les signes d'occupation augmenter, des entreprises du privé entrer dans la bagarre, des facs concernés en plus des lycées…

Pour les observateurs attentifs, qui regardent depuis le 1er février tout ce qui se passe, le mouvement est toujours ascendant ! Mais le rendre palpable, informer et communiquer là-dessus est un élement fondamental de la bataille face à des medias qui le masquent.

Le « niet » de Raffarin-Thatcher n'est pas une surprise, il sait l'ampleur de la lame de fond, mais il veut la masquer, la stopper désespérément, cette ultime manoeuvre est un grand classique :

après avoir tergiversé la semaine dernière avant le 25 mai, ils ont donc resserré les boulons en s'arque boutant sur les chiffres du 25 mai, et en refusant toute concession, ouverture, négociation.

Enfin, un dixième de porte est laissé ouvert, car Raffarin s'y est repris à deux fois, le 27 et le 28 mai et a faussement parlé de « discuter » sans toutefois « négocier », on ne comprend pas bien… À la fois, il cherche à piéger et à démobiliser, à la fois il ne peut tout à fait ignorer qu'une totale fermeture méprisante devant une rage profonde et massive, radicalise des millions de gens en face de lui…

Dans tout mouvement, de ce type, il y a comme cela des « entre-deux », des zones d'incertitude ou les deux camps s'examinent, se jaugent, ou le rapport de force est hésitant.

Nous sommes dans cet « entre-deux » : il faut donc du moral et de la détermination, car c'est le camp qui en aura le plus qui l'emportera…

Rappelons-nous Balladur et le CIP, en mars 94, au milieu du mois de mars disant « non » aux centaines de milliers de jeunes qui venaient de faire une manif « énorme » de plus… Il croyait faire retomber le mouvement, puis, deux jours après cela continuait, et il annonçait le « gel' du projet… et alors tout se déchaînait, il etait contraint de prononcer le mot « retrait ».

L'histoire fut la même avec Nov-déc 95 ou le débat était déjà au Parlement, dès le 15 novembre, quand Juppé retira son projet après avoir proclamé qu'il ne le ferait jamais…

On nous dira que cette fois Raffarin, et Chirac sont engagés plus à fond.. qu'ils y jouent leur « peau politique » et que bien des forces sont prêtes à se déchaîner (y compris des sociaux-libéraux, voir l'article d'Elie Cohen dans Le Monde daté du 28 mai…) pour que les millions de salariés ne gagnent pas…

Mais c'était déjà le cas de Juppé (cf. dissolution en avril 97).

On nous dira Chirac ne peut pas faire cela deux fois ? Pourquoi pas ? Raffarin vient de rappeler le changement de majorité du 21 avril : justement le 21 avril, Chirac a été mal élu avec 19 % des voix… Il y a comme un parfum de revanche du 21 avril. Car, dans ce pays, la force sociale majeure est le salariat : pas le FN qui disparaît dès que les luttes et l'espoir se développent (et revient quand il y a démoralisation et prolifération de la misère sociale).

S'il y avait réferendum, Chirac le perdrait : on le sent, on le sait, il y a une majorité de l'opinion contre Chirac-Raffarin.

Plus de 60 % de l'opinion, de façon constante, (avec des questions posées de façon contestables dans les sondages) soutient le mouvement, sans défaillir malgré les mensonges du gouvernement et les complicités patentes des médias. (le 3 avril dernier alors que Chérèque faisait déjà diversion, 72 % des Français soutenaient la manif…).

Regardons depuis le vote des salariés Edf (le tournant !), 1er février, 3 avril, 1er mai, 13 mai, la profondeur, la durée, la constance de la « lame de fond ». Les enseignants ne veulent pas avoir fait tout ça pour rien. Et même les « appareils » syndicaux, Cgt, FO, Fsu, Unsa, ont maintenant intérêt à ne pas perdre la face (ils auraient dû dire 1,5 million de manifestants dans toute la France le 25 mai…). Il y va de leur crédibilité, car s'ils ne ramènent rien de plus que Chérèque… Quel avenir sinon ?

C'est pourquoi tout devrait se radicaliser la semaine prochaine, chacun doit y aller, car c'est le va-tout, privé, public, jeunes, profs, fac, lycées… S'il n'y a pas place pour compromis, si Chirac-Raffarin se croient tout permis on est à la veille de quelque chose d'imprévisible. Acculer des millions de gens au désespoir, leur annoncer la fin de la Sécu, de leur retraite, de leur école publique, leur mentir par une propagande éhontée, et les trahir, c'est faire sauter la poudrière !

Les appels qui circulent ont intègré le « pont de l'ascension ». C'est un « marathon » pas un « sprint' a dit Bernard Thibault. En Haute-Loire, en Auvergne, les appels unitaires (ci-joints) - faits rarissimes - à la « grève générale reconductible » ont été signés dans des dizaines de boîtes du privé ! Et cela se propage dans toute la France…

Autres commentaires reçus par mel :

« Autrefois, il était de bon ton de dire qu'il fallait faire une moyenne entre les chiffres de la police et ceux des syndicats pour connaître le nombre de participants à une manifestation. Aujourd'hui, je me demande s'il ne faut pas les additionner.

COMMENT CALCULER SANS SE FATIGUER LE NOMBRE DE PARTICIPANTS A UNE MANIFESTATION ?

Commençons par le court central de Roland Garros. 15 000 personnes sur un périmètre d'environ 150 mètres. De bas en haut, 30 personnes. Prenons l'arrivée de la manifestation du 25 mai : Bas des Gobelins - Place d'Italie. 750 mètres - 20 personnes dans le sens de la largeur. Si l'on mettait le Central dans la rue, cela représenterait donc 200 mètres de défilé.

C'est-à-dire 3,75 fois 200 mètres, donc 3,75 fois 15 000 personnes : 56 250 personnes. Il fallait (en comptant large) 30 minutes pour effectuer ces 750

derniers mètres. (1,5 km/h) Ce qui donne pour une heure : 56 250 personnes X 2 = 112 500 Il reste donc à calculer le nombre d'heure entre les premiers arrivés

(14h30 + 30 minutes) et les derniers, arrivés vers 19h30. En tout : 112 500 X 5 = 562 500 + 56 250 = 620 000 (arrondi). Sans compter le troisième cortège qui n'a pas fait la jonction aux Gobelins, sans compter ceux qui ne sont pas allés jusqu'au bout. Il y a eu en tout 15 kilomètres de cortège, mais ce genre de calcul ne peut s'effectuer que sur un parcours très dense, comme c'était le cas avenue des Gobelins. »

« Après un départ dimanche tôt de Grenoble par train spécial. Discussion dans le train avec des personnels en grève de l'éducation de l'Isère (beaucoup d'établissement touchés) et débat pour savoir si mardi, il ne faut manifester pour les retraites et la décentralisation où s'il ne faut manifester que contre la décentralisation. Et aussi que les organisations syndicales de toute la fonction publique appellent à une grève dure. Il n'y a pas eu consensus.

Enfin arrivés à paris et direction place de la Nation, difficultés de s'y rendre et de se frayer un passage.

À signaler que la délégation de la région PACA était une des plus petites (manif à Marseille, difficulté de trouver des trains du sud et sud-est).Nous sommes partis en premier et tout le long, applaudis par des parisiens sur le bord de la manif. Nous sommes Place d'Italie et avons attendus jusqu'à 19h qu'une partie seulement soit arrivés. En redescendant vers la gare nous avons croisés des milliers de manifestants qui poursuivaient la manif vers la Place d'Italie. Dans le train, certains de la région Rhône-Alpes nous ont expliqués qu'ils n'ont pas manifesté car à 18 h 00 ils n'étaient pas encore partis de Nation encore. Nous avons eu droit avant d'arrivés place d'Italie à une haie d'honneur des établissements de la région parisienne en grève. Enfin retour dans les Hautes-Alpes tôt ce matin.

Joël

Cher(')s camarades

Nous étions quelques Calvadosiens à la manif. Nous ne nous sommes pas tous vus, car bloqués place de la Nation, avenue Dorian. Nous sommes plusieurs à avoir participé au trajet par le Fbg St Antoine, Place de la Bastille. Certains n'ont quitté l'avenue Dorian que pour se rendre à la Gare St-Lazare afin de ne pas rater leur train qui partait à 18 h et n'ont donc pas pu défiler

Salut à tous, Réjane

France-Monde dans « l'Union » de Reims-Chalons, Marne, 51

Plus de 730.000 personnes dans la rue

Des centaines de milliers de personnes ont défilé dimanche à Paris pour réclamer le retrait du plan Fillon sur les retraites et obtenir l'ouverture de nouvelles négociations, une mobilisation d'envergure avec également d'importants cortèges en province.

600.000 personnes selon les syndicats ont défilé dans les rues parisiennes (300.000 selon la police), une mobilisation comparable à celle du 1er mai 2002 quand de 400.000 à 600.000 manifestants, selon les sources, avaient condamné la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle.

Au total, quelque 730.000 personnes, selon un décompte effectué par l'AFP à partir de chiffres syndicaux, ont défilé dans toute la France, plusieurs manifestations ayant été organisées en province pour les militants qui n'avaient pu monter à Paris.

La crise a pris une connotation plus politique avec l'appel des partis de gauche au retrait du projet Fillon, alors que Jean-Pierre Raffarin a exprimé « sa détermination sereine ».

Le premier secrétaire du PS, François Hollande, présent dans la manifestation parisienne, a jugé que le gouvernement ne devrait « surtout pas présenter mercredi » en conseil des ministres un texte « aussi contesté ».

Organisée par la CGT, FO, la FSU et l'Unsa, la manifestation nationale et interprofessionnelle, outre une très forte participation de la Fonction publique, a aussi réuni des salariés du secteur privé (Citroën, Alstom, Air Lib, Toyota).

Devant l'afflux de manifestants, dont un très grand nombre d'enseignants, trois parcours ont été ouverts entre la place de la Nation et la place d'Italie. Les derniers manifestants n'ont commencé à défiler que vers 17 heures, quatre heures et demie après le départ du carré de tête.

La gauche monte au créneau

Au milieu d'une forêt de drapeaux et de ballons, les pancartes proclamaient : « Dis papy, c'était quoi l'Education nationale ? » ou « Une retraite solidaire ! Pas de fonds de pension précaires ! ».

Les militants CFDT opposés à la ligne confédérale étaient venus en nombre, arborant des autocollants : « Non à l'accord Fillon/Chérèque ! ». Le secrétaire général de la fédération des Transports CFDT, Claude Debons, avait pris place au côté des chefs de file des syndicats organisateurs.

En province, des dizaines de milliers de personnes ont également manifesté : à Marseille 40.000 selon les organisateurs, 10.000 selon la police et 18.000 ou 10.000 selon les sources à Avignon, 2.200 à 6.000 à Toulouse, 7.000 à 20.000 à Bordeaux.

Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, s'est félicité de la mobilisation en affirmant : « si le gouvernement n'entend pas la demande de réouverture des négociations maintenant, ce qui apparaîtrait alors comme une volonté de passer en force, nous nous retournerions vers les salariés et avec eux, nous définirions d'autres formes d'action ».

Marc Blondel, secrétaire général de FO, a affirmé être « prêt à repartir le 27 mai avec une grève franche », soulignant qu'il est encore temps de « négocier ».

Une rencontre CGT-FO-UNSA-FSU est prévue mercredi après le Conseil des ministres.

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