GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

La violence n’est ni ouvrière, ni syndicale

Nous reproduisons ici une tribune de notre ami Jean-Claude Renwald pour « L’Événement syndical », hebdomadaire du syndicat suisse Unia dont il est le directeur de publication. Unia est le plus grand syndicat en Suisse, actif dans les secteurs de l'industrie, de la construction et des services privés.

« Je demande à la CGT de ne plus organiser ce type de manifestation à Paris. » Le premier ministre français Manuel Valls a ainsi sommé la centrale syndicale la plus combative de ne plus mettre sur pied des défilés contre la loi travail, François Hollande se réservant le droit d’interdire les rassemblements (les derniers interdits remontent à la guerre d’Algérie, voici plus de 50 ans !) « si les conditions de sécurité des biens et des personnes ne sont pas garanties ». Il y a certes eu des débordements violents lors de la grande manifestation parisienne du 14 juin, mais ceux-ci n’étaient ni ouvriers, ni syndicaux. Ils ont pour l’essentiel été le fait de casseurs du type « black bloc », sans compter que terroristes et hooligans ont généré une violence beaucoup plus dramatique.

La stratégie de l’amalgame

Plus tôt, Manuel Valls s’en était pris à la « responsabilité » de la CGT, critiquant son attitude « ambigüe » à l’égard des casseurs. Cette stratégie de l’amalgame ne vise qu’à discréditer l’opposition d’une bonne partie de la gauche politique et syndicale au projet de loi de la ministre du travail Myriam El Khomri. Porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll a quant à lui déploré que les violences n’aient « suscité aucune condamnation de la part de M. Philippe Martinez », secrétaire général de la CGT. Or, la CGT a condamné « sans réserve les violences commises », en dénonçant « des actes aveugles ».

Une petite minorité casse

Actes aveugles il y a eu, en particulier contre un hôpital pour enfants et un institut pour aveugles, mais ceux-ci ont été exclusivement le fait de casseurs. Ces affrontements ont fait une trentaine de blessés parmi les policiers et une quinzaine chez les manifestants. Ce n’est pas rien, mais la dernière action terroriste des milieux djihadistes en région parisienne a tué deux policiers, alors que dans le cadre de l’Euro foot, les comportements éhontés des hooligans, en particulier russes, anglais et croates, ont blessé davantage de personnes et causé d’énormes déprédations. Un terroriste et ses comparses, quelques centaines de casseurs et de hooligans ont ainsi causé bien plus de dégâts humains et matériels qu’un million de manifestants sur les pavés parisiens (et 1,3 million dans toute la France).

La mobilisation ne faiblit pas

1,3 million de manifestants vraiment, soit 100 000 de plus que le 31 mars ? La police s’est ridiculisée, en publiant des chiffres dix fois plus bas ! Mais l’essentiel n’est pas là, il réside dans le fait qu’en l’espace de quatre mois, la lutte contre la loi travail a été constante. Même Le Figaro, qu’on ne saurait soupçonner de sympathies gauchistes ou syndicales, l’a reconnu dans son édition du 16 juin, sous la plume de Sophie de Ravinel : « Commencée le 19 février, la mobilisation contre le texte n’a jamais véritablement faibli ». Quant à l’opinion, elle est toujours du côté des manifestants. Selon un sondage publié le 19 juin par Ouest-France, 60 % des Français ne veulent pas de la loi travail. De quoi couper l’herbe sous les pieds de ceux qui soulignent que d’autres Etats européens (Italie, Espagne, Grèce, Royaume-Uni, plusieurs pays de l’est) ont fait cette « réforme » et que ses mesures font partie d’un document proposé en mai 2015 par la Commission européenne. Mais l’Europe, n’est-ce pas d’abord les peuples qui la composent ?

En Suisse, il y aurait référendum

En Suisse, le peuple se prononcerait sur un projet de ce type, car les syndicats et la gauche auraient annoncé depuis belle lurette le lancement d’un référendum, tant la loi El Khomri contient des dispositions dépassant l’entendement. « L’inversion des normes », signifierait pour nous qu’une convention collective de branche ou d’entreprise pourrait déroger « vers le bas » à la loi, en prévoyant une durée hebdomadaire du travail supérieure à 45 heures ! Dans une telle hypothèse, nous l’emporterions haut la main.

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