GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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La TVA antisociale de Sarkozy

Avec la TVA « sociale », Sarkozy affirme avoir trouvé une mesure miracle. Augmenter de 3 ou 4 points le taux de la TVA permettrait, selon lui, de gagner sur tous les tableaux à la fois : augmenter les salaires directs, ne pas augmenter les prix, lutter contre les délocalisations, financer la protection sociale....

Il voudrait nous faire croire qu’en fin de règne il aurait trouvé le moyen de multiplier les petits pains alors qu’il s’agit là de son dernier cadeau au Medef et à ses amis du Fouquet’s.

L’UMP s’est, en vain, cassée la tête pour essayer de trouver une appellation (TVA sociale, TVA anti-délocalisation…) qui puisse camoufler la réalité de la mesure que veut imposer Sarkozy. Cette réalité est pourtant bien là, sous nos yeux : une augmentation massive de la TVA, le plus injuste des impôts et un transfert massif de revenus (33 milliards d’euros pour 4 points de TVA), du salariat au patronat.

Le Parti Socialiste a annoncé qu’une majorité de gauche abrogerait cette mesure dès son élection. En cherchant à nous infliger cette augmentation de la TVA, Sarkozy ne fait, finalement, qu’indiquer à quel point il est nécessaire de l’empêcher de nuire et pour cela de le chasser du pouvoir en mai prochain.

Augmenter les salaires directs grâce à l’augmentation de la TVA ?

Pour Sarkozy et le Medef, les cotisations sociales patronales diminueraient et seraient compensées par une hausse de la TVA. Les employeurs n’auraient donc pas d’autre urgence que d’augmenter les salaires directs.

C’est pourtant exactement le contraire qu’ils pratiquent depuis vingt ans : ils empochent toutes les exonérations de cotisations sociales qui se présentent mais n’augmentent les salaires qu’au compte-gouttes. Quelle raison y aurait-il pour que cela change ? C’est sans doute, d’ailleurs, ce qui explique le farouche soutien de Laurence Parisot au projet de Sarkozy.

Les prix n’augmenteront pas ?

Pour Sarkozy et le Medef, l’augmentation de 3 à 4 points de la TVA serait neutralisée par la diminution (de 7,5 points ou plus) des cotisations sociales patronales.

A moins que, comme en Allemagne (où 78 % des habitants se disent mécontents des conséquences de la hausse de 3 points de la TVA en 2007), les employeurs choisissent d’augmenter leurs prix de 3 ou 4 %. Qu’est ce qui les en empêcherait alors qu’ils ont toujours sauté sur la moindre occasion pour augmenter leurs profits ? Pour l’INSEE, les employeurs finissent toujours, d’ailleurs, par répercuter intégralement les hausses de TVA sur les consommateurs.

Le plus vraisemblable - et de loin - est donc que les salaires directs (nets) n’augmenteront pas, ou très peu mais que les prix augmenteront de 3 à 4 % et que le patronat empochera la différence sous forme de profits supplémentaires.

Lutter contre les délocalisations ?

Il faudrait pour cela que les prix des entreprises françaises n’augmentent pas. Nous venons de le voir, c’est un vœu pieux : les employeurs ont toujours choisi d’augmenter leurs marges bénéficiaires dès qu’ils le pouvaient. C’est d’ailleurs cet objectif qui les pousse à délocaliser.

Faire financer notre protection sociale par les pays dont notre pays importe les produits ?

Pour Sarkozy et Parisot, chaque produit importé serait frappé par l’augmentation de 3 à 4 % de la TVA. Cette augmentation irait donc alimenter la protection sociale de notre pays.

Ce plan sur la comète suppose que les partenaires commerciaux de la France se contenteraient de lire le journal pendant qu’augmenterait le taux de notre TVA.

Les partenaires commerciaux de notre pays ne se contentent pourtant pas d’acheter les produits fabriqués en France, ils y vendent aussi leurs propres produits. C’est notamment le cas de l’Allemagne dont le taux de TVA n’est que de 19 % alors que le projet de Sarkozy augmenterait les taux de la TVA, en France, de 19,6 % à 22,6 % ou 23,6 %.

Pourquoi, dans ces conditions, l’Allemagne et les pays qui exportent leurs produits en France résisteraient-ils à la tentation d’augmenter également leurs taux de TVA pour faire participer les consommateurs français au financement de leur propre protection sociale ? A moins de penser que la France puisse vivre en autarcie et produire tout ce qu’elle consomme.

En augmentant la TVA, Sarkozy ne ferait qu’allumer une nouvelle guerre fiscale en Europe.

Un tour de passe-passe aux dépens des salariés.

Ce que veut nous imposer Sarkozy est, en réalité, un tour de passe-passe : baisser les cotisations patronales et financer la protection sociale en augmentant la TVA payée essentiellement par les salariés, retraités, demandeurs d’emplois qui représentent 93 % de la population active de notre pays.

En effet, la TVA est l’impôt le plus injuste qui soit : il frappe du même pourcentage d’imposition le pauvre comme le riche. Son taux est aujourd’hui, pour la très grande majorité des produits et services, de 19,6 %. Pour tout achat de 12 euros, c’est 2,3 euros de TVA qui sont prélevés et versés à l’Etat par le commerçant chez qui l’achat a été fait. 2,3 euros pour le bénéficiaire du RSA comme pour le PDG. ! Demain, avec ce que veut nous infliger Sarkozy, ce serait 2,7 ou 2,8 euros.

Pour le Conseil Économique et social, le taux d’effort demandé par le paiement de la TVA aux 10 % des ménages les plus pauvres est de 8,1 % de leur revenu et celui des 10 % les plus aisés de 3,4 %. Cela se comprend aisément : plus un ménage est riche, plus la part de son revenu destinée à la consommation diminue et plus la part destinée à l’épargne augmente.

Un plongeon encore plus profond dans la récession

Au moment où l’INSEE annonce que la France entre en récession, augmenter les prix à la consommation, c’est ajouter un 3ème plan d’austérité aux deux premiers, diminuer encore la demande et accentuer le plongeon dans la récession.

Une fragilisation de notre protection sociale

Ce qui garantit aujourd’hui le financement de notre protection sociale (assurance-maladie, retraites, assurance-chômage, allocations familiales…) c’est l’obligation légale que les cotisations sociale soient affectées à la protection sociale et uniquement à la protection sociale.

Il n’en va pas du tout de même de l’impôt dont le Parlement décide souverainement de la destination. Si nous laissions dépendre le financement de la protection sociale de la TVA, c’est-à-dire d’un impôt, il ne faudrait pas nous étonner si demain, cet impôt servait à tout autre chose qu’à financer nos retraites ou notre assurance-maladie : à financer, par exemple, le remboursement de la dette publique, un nouveau plan de sauvetage des banques ou la construction d’un nouveau porte-avions.

C’est le capital qui coûte cher, pas le travail

Sarkozy reprend le refrain de tous les néolibéraux : le travail coûte trop cher.

Il essaie tout d’abord de faire croire que le coût de la protection sociale repose sur les salariés. C’est totalement faux, les salaires ne servent que de base de calcul des cotisations sociales et, lorsque les cotisations sociales patronales augmentent, les salaires nets perçus chaque mois par les salariés ne sont pas impactés, les profits patronaux sont les seuls à être taxés.

Il essaie, ensuite, de nous faire croire que le coût du travail est le seul facteur à prendre en compte pour assurer la compétitivité d’un pays.

Pourtant, le salaire moyen allemand (salaires + cotisations sociales) est plus élevé que le salaire moyen français. Si l’Allemagne est plus compétitive, c’est parce que son tissu industriel, sa formation, sa recherche sont plus performants qu’en France.

Pourtant, le cours de l’euro pénalise les exportations des pays de la zone euro. Entre 2001 et 2011, le cours de l’euro par rapport au dollar a augmenté de 44 % (de 0,9 à 1,3 dollars pour un euro). Ce n’est pas une augmentation de 3 ou 4 % de la TVA qui compenserait cette surévaluation insensée de l’euro.

Pourtant, il n’y a pas que le coût du travail dans le prix d’un produit ou d’un service, il y a aussi le coût du capital. Et ce coût a augmenté de façon exorbitante. Entre 1982 et 2007, le montant des dividendes versés aux actionnaires a augmenté de 5,3 points de PIB : de 3,2 % à 8,5 % du PIB. Selon Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE, ce montant dépasse aujourd'hui 9 % du PIB. Selon Michel Husson, économiste à l’IRES, en 1980, les dividendes représentaient 4,2 % de la masse salariale et cette proportion est passée à 12,9 % en 2008. Autrement dit, les salariés travaillaient 72 heures par an pour les actionnaires en 1980 et 189 heures en 2008.

Il suffirait de baisser le montant des dividendes pour que les prix diminuent radicalement. Madame Parisot, tirez la première !

Le sommet social de Sarkozy : un leurre

Sarkozy prétend organiser, le 18 janvier, un sommet social avec les syndicats. En affirmant, en même temps, à propos de l’augmentation de la TVA « Nous allons la proposer aux syndicats lors du sommet social » et « Nous allons la faire et nous allons la faire avant la l’élection présidentielle », la ministre du Budget, Valérie Pécresse avoue que ce sommet social n’est qu’un leurre et que quoi qu’il arrive, Sarkozy fera ce qu’il a décidé de faire.

Jean-Jacques Chavigné

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