La titrisation, la "subprimisation", le prêt des salariés
Huit députés UMP, drivés par Jean-Frédéric Poisson, se
sont attelés à une nouvelle dégradation des droits du
contrat de travail. Un temps, Frédéric Lefèvre les a parasités
en proposant que les salariés en congé maladie, maternité ou
parental, puissent continuer à travailler. Créant trop de scandale,
les amendements Lefèvre ont été rejetés, mais la loi
Poisson reste au fond du filet.
Il s’agit d’une « Proposition de loi pour faciliter le maintien et
la création d’emplois » vise aussi à accroître la « mobilité», le
télétravail, en « transformant le lien managérial encore très
pyramidal dans les entreprises françaises ». Elle est en discussion
cet été à l’Assemblée.
Accrochez-vous : il s’agit «d’articuler les temps partiels entre
eux pour permettre à des salariés d’accéder à des emplois à
temps plein partagé ». Votre employeur pourra vous « prêter à
but non lucratif » et sera payé mais sans marge bénéficiaire,
donc moins cher qu’un intérim. Les « groupements d’employeurs
» (il y en a 5000 maxima à ce jour dans ce pays) vont
être autorisés dans les entreprises de plus de 300 salariés.
Donc les grands groupes pourront dorénavant opérer des
transhumances saisonnières, expulser puis récupérer des milliers
de salariés, selon les aléas de la conjoncture et de la production.
Il n’y aura plus de délit de fausse sous-traitance, de
marchandage, de prêt illicite de main-d’oeuvre. Quand ils le
voudront, vos actionnaires pourront vous facturer, à l’euro
près, à d’autres : ce sera un bon coup pour le prêteur, il
dégraissera ses effectifs sans licencier, et pour l’emprunteur,
temporaire, ce sera sans frais.
LES SALARIÉS SERONT TITRISÉS, SUBPRIMÉS,
MULTI SOUS-TRAITÉS, TONDUS À PLUSIEURS MAINS
Vous serez censé être volontaire… mais essayez donc de refuser!
Ce qui caractérise un « contrat de travail » étant «un lien de
subordination juridique permanent », il n’existe pas de « volontariat
» en droit du travail. Vous n’aurez pas de vrai choix et devrez
aller dans les Alpilles au printemps et au fond de la vallée en
hiver. Il paraît que c’est bon pour « le parcours professionnel »,
même si la crise venue, les entreprises n’étant plus prêteuses,
elles vous renvoient au troupeau du « pôle emploi » avec le million
de chômeurs en cours d’inscription cette année 2009
(Sarkozy, c’est l’homme qui va « chercher le chômage avec les
dents », 2000 chômeurs de plus par jour). Vous aurez alors le
droit de travailler au logis, car les articles 9 et 10 de cette future
loi poussent les « maisons de l’emploi » à promouvoir le « télétravail
» : vous serez comme les dentellières du 19e siècle, des «
travaillants à domicile », isolés, mal payés, et surtout ne faisant
pas partie de ces syndiqués comme on en rencontre dès qu’il y a
des groupements pérennes, trop facilement solidaires, de salariés.
Peu à peu, en « recodifiant », Medef et UMP essaient de cuire
notre droit du travail à petit feu sans qu’on s’en aperçoive. Ne
soyons pas moutons.
D’après Siné Hebdo n°41 (lire chaque semaine la rubrique travail).