La "Révision générale des politiques publiques"
La RGPP est dans sa phase opérationnelle
depuis maintenant plusieurs
mois. La crise n’a pas ralentit sa
mise en œuvre.
Le cap «réduction des dépenses
publiques» pour le service public est
maintenu, avec notamment le dogme du
remplacement d’un agent pour deux
départs.
Au regard de la dette publique, aggravée
par les dons aux entreprises et aux
banques sans aucune contrepartie et sans
aucun contrôle démocratique, les gains
financiers obtenus par ce dogme ne permettront
pas de réduire de façon significative
la dette publique. Il s’agit avant
tout de reformater le service public pour
des raisons purement idéologiques et
pour le bénéfice de quelques grands
groupes. Alors que tout le monde se plaît
à vanter les effets positifs du système
social et du service public français, élevés
au rang «d’amortisseurs de la crise »,
le président de la République et son gouvernement
s’activent à les démanteler.
Les effets les plus visibles sont les réorganisations
des missions et des services
déconcentrés de l’Etat aux niveaux
régional et départemental. Les volets RH
(ressources humaines) et mutualisation
sont moins visibles mais tout aussi
importants.
D’une façon générale, la mise en place
des nouveaux services régionaux et
départementaux se fera au 1er janvier
2010, soit demain.
Échelon régional
La RGPP a donné à l’échelon régional le
premier rôle dans le pilotage et la conduite
des politiques publiques de l’Etat. La
décentralisation a également donné à la
Région un rôle essentiel. La réforme
annoncée des collectivités territoriales, la
crise systémique actuelle, le développement
durable renforcent aussi les enjeux
territoriaux régionaux. L’Union européenne
donne également une place
importante aux régions. Conclusion,
nous devons donc intégrer dans notre
projet politique que la Région devient
bien le niveau territorial essentiel en
France.
Le préfet de région devient un personnage
très important au niveau régional, bien
sûr, mais tout en ayant autorité sur les
préfets départementaux. La réorganisation
des directions régionales par regroupement
des services et des missions nous
fait passer de 20 directions régionales à 8
directions ministérielles, structurées
selon les missions. Un changement
important : c’est le seul échelon déconcentré
par ministère.
L’état du dossier des directions régionales
(DR) est le suivant.
Les DREAL (direction régionale de l’environnement,
de l’aménagement et du
logement), créées par regroupement des
DRE, DIREN et la partie environnement
des DRIRE sont déjà en place, depuis le
1er janvier 2009, dans neuf régions
(Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées,
Haute-Normandie, Pays-de-Loire, Nord-
Pas de Calais, Picardie, PACA, Corse).
Dans cinq régions (Aquitaine, Franche-
Comté, Rhône-Alpes, Languedoc-
Roussillon, PACA), ce sont les DIRECCTE
(directions régionales de l’entreprise,
de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l’emploi), créées par
regroupement des directions départementales
et régionales de l’emploi, du
travail et de la formation professionnelle
(DDTEFP et DRTEFP), les inspections
du travail de l’agriculture et des transports,
les services développement industriel
des DRIRE, les directions régionales
de la concurrence (DRCCRF), du tourisme
(DRT), du commerce et artisanat
(DRCA) et du commerce extérieur
(DRCE), les services régionaux intelligence
économique, qui sont en cours.
Les DIRECCTE sont organisées en trois
pôles (développement des entreprises et
des compétences, emploi et marché du
travail - politique du travail - concurrence,
consommation et répression des
fraudes). Nous pouvons noter le changement
politique important puisque c’est
l’employeur qui est mis en avant et non
plus le salarié… Huit expérimentations
sont en cours pour la création des
DRJSCS (direction régionale de la jeunesse,
des sports et la cohésion sociale).
Les décrets de création des DIRECCTE
et des DRJSCS sont en cours de signature.
Les DRAAF (direction régionale de
l’alimentation, de l’agriculture et de la
forêt) ont été créées au 1er janvier 2009.
Les DRFIP (direction régionale des
finances publiques) et les DDFIP (direction
départementale des finances
publiques), résultat de la fusion de la
direction des services fiscaux et des trésoreries
générales, sont créées (décret du
16 juin 2009) avec mise en oeuvre dans
huit régions et départements (arrêté du 18
juin 2009) (DRFIP: Bourgogne,
Languedoc-Roussillon, Champagne-
Ardenne, Nord-Pas de Calais, Picardie.
DDFIP : Indre, Landes, Hauts-de-Seine).
La mise en place des ARS (agence régionale
de santé) regroupant en principe
l’Agence régionale de l’hospitalisation
(ARH), le pôle santé et médico-social
des directions régionales des affaires
sanitaires et sociales (DRASS) et des
directions départementales des affaires
sanitaires et sociales (DDASS), les
unions régionales des caisses d’assurance
maladie (URCAM), groupements
régionaux de santé publique (GRSP), les
missions régionales de santé (MRS) et la
partie sanitaire des caisses régionales
d’assurance maladie (CRAM), est un peu
plus difficile mais les textes nécessaires
sont en train de sortir dont la loi portant
réforme de l’hôpital et relatif aux
patients, à la santé et aux territoires,
adoptée le 24 juin au sénat.
Le rectorat et la DRAC ne connaissent
pas de modifications équivalentes aux
autres DR, ce qui ne veut pas dire qu’il
n’y a pas de réforme « interne ».
Certaines DR auront des unités territoriales
(UT) au niveau des départements :
emploi.
Mais le choix a été fait de rattacher la
Concurrence, Consommation, Répression
des Fraudes à la direction départementale de la protection de la population
et non pas à la DIRECCTE. La CCRF va
devenir un simple service local de
contrôle chargé de mettre en oeuvre les
arbitrages des préfets entre les entreprises
et les consommateurs.
ex-SDAP
ex-subdivisions de la DRIRE
C’est au niveau régional que seront gérés
les BOP (budget opérationnel de programme)
de la LOLF qui attribueront
donc les crédits (moyens de fonctionnement
et effectifs) au niveau des directions
régionales et des directions
départementales interministérielles.
Echelon départemental
Le département devient le niveau de mise
en oeuvre des politiques publiques pour
répondre aux besoins de la population,
d’après la version officielle. Ceci a
conduit au choix de suppression des services
déconcentrés ministériels remplacés
par deux ou trois directions
départementales interministérielles
(DDI), selon l’importance du département
et des enjeux en termes de cohésion
sociale. Les DDI sont des services
déconcentrés interministériels sous l’autorité
du préfet et non comme certains
l’auraient voulu des directions de préfecture.
Cela peut paraître une différence
mince mais c’est un premier recul imposé
au gouvernement. Au niveau des missions,
les DDI sont à géométrie variable
en fonction du bon vouloir du préfet.
Les DDI sont :
territoires) constituée à partir de la DDE,
de la DDAF sauf les services vétérinaires
et du service de l’environnement de la
préfecture. Il faut noter que des missions
comme le juridique, le contrôle de légalité
des actes des collectivités locales, voir
la sécurité routière, la gestion des risques
et des crises, la politique de la ville, etc..
peuvent être rattachées à la préfecture;
cohésion sociale et de la protection de
population) ou la DDCS + la DDPP
(département de plus de 400 000 habitants
et à enjeu spécifique en terme de
cohésion sociale et selon la volonté du
préfet, regroupant les autres directions
départementales sauf l’inspection d’académie
qui demeure sauf réforme « interne
»), sécurité (police - gendarmerie) et
finances.
Les DDI pourront, bien sûr, travailler
pour effectuer les missions départementales
des DR dans un système de relations
qui apparaît encore assez flou.
Des réformes «internes»
Au-delà de ces regroupements, nous
constatons aussi des réformes internes
avec par exemple la restructuration du
réseau des CREPS et la suppression de
six établissements en septembre 2009, la
suppression en cours de l’ingénierie
publique concurrentielle au MEEDDM
(ministère énergie, environnement, développement
durable, mer) concernant
3500 agents, une réforme des haras
nationaux, réformes des services maritimes,
des services « aériens », la création
d’une grande direction générale des
patrimoines de France qui rassemblera
l’architecture, les archives, les musées, le
patrimoine monumental et l’archéologie
au ministère de la culture,…
Mutualisation au niveau
missions et fonctionnement
Cette organisation territoriale se construit
avec de nombreuses mutualisations soit
autour de la préfecture départementale
soit plutôt de la préfecture régionale.
Pour les missions, nous pouvons noter le
juridique, le contentieux, la communication,
les achats en liaison avec le service
national des achats (décret et arrêté de
création du 17 mars 2009), les questions
immobilières avec l’agence France
Domaine, la documentation, la gestion
de la qualité ou contrôle de gestion, l’accueil,
l’adresse postale et électronique
uniques, le numéro de téléphone unique,
les moyens généraux, les systèmes d’information,
la logistique. Le système
Chorus va permettre de mutualiser tout
ce qui est comptabilité au niveau régional
ou interrégional et de façon interministérielle
dans un système national.
La GRH (gestion
des ressources humaines)
C’est un domaine en pleine évolution
avec pour objectif du président la
République, la casse du statut de la fonction
publique et des acquis des salariés.
C’est la même logique que pour le privé
qui s’applique: employabilité, mérite,
performance, gestion individualisée,…
Le rapport Livre blanc de la fonction
publique ou rapport Silicani est une des
bases des réformes en cours. Par
exemple, il est proposé d’aligné la fonction
publique Etat (FPE) sur la fonction
publique territoriale (FPT) en créant des
cadres statutaires à la place des statuts
particuliers, mais dans le même temps,
des députés de droite déposent un projet
de loi pour supprimer le statut de la FPT
et le remplacer par des contrats… Déjà le
1er étage de la fusée est en route avec le
regroupement des statuts particuliers, qui
pourraient être une bonne chose s’il y
avait alignement par le haut, ce qui n’est
pas le cas, et si c’était dans un objectif de
développement des garanties et non de
suppression des acquis.
La rémunération au mérite franchie un
pas de plus avec la non revalorisation du
traitement indiciaire et la mise en place
de la PFR (prime de fonction et de rendement)
qui dépendra du poste tenu et de
la manière de servir de l’agent, tout cela
dans une masse salariale contrainte.
Prochainement, nous notons aussi la
mise en place de l’ONP (opérateur national
de paye) qui va gérer l’ensemble des
systèmes de paie et de pensions des
agents, entraînant de nombreuses suppressions
de services au niveau local et
pouvant être par la suite plus facilement
délégué au privé.
En terme de gestion des agents, de nombreuses
fonctions vont être mutualisées
au niveau régional, sous la
direction des préfets de région
(plate forme mutualisée) comme le
recrutement des agents de catégorie
C, la mobilité (bourse d’emploi
régionale interministérielle), la formation,
l’action sociale,…
La GRH vise à une plus forte individualisation
et à une mobilité
accrue des agents permettant de
gérer les évolutions structurelles et
de missions, le tout sous couvert de
parcours professionnel individualisé.
La finalité est de toute évidence
d’arriver à un système de contrat
individuel de type privé en lieu et
place des statuts actuels.
La loi mobilité qui vient d’être
adoptée rentre tout à fait dans ce
schéma général et comporte des
articles très dangereux largement
rejetés par les syndicats. Les élus
socialistes ont très largement voté
contre cette loi. Mais déjà des
décrets permettant ces mobilités, y
compris le départ de la fonction
publique, ont été publiés en avril
2008.
Dans les DDI, les agents continueront à
dépendre de leur ministère d’origine. Ce
schéma paraît être très transitoire vu l’ensemble
des dispositifs mis en place à côté
et la complexité de la gestion que cela
engendre. Des agents vont faire le même
travail mais avec des statuts différents et
des salaires différents…
Pour verrouiller un peu plus le système,
une charte de gestion nationale est en
cours d’élaboration qui s’appliquera à
toutes les DDI, voir à l’ensemble des services,
supprimant de fait les acquis
locaux. Au-delà des nombreuses suppressions
d’emplois, c’est toutes les garanties
des agents et la GRH fonction publique
qui sont remis en cause par la politique
gouvernementale. Il est fort regrettable
qu’aucune bataille d’envergure ne soit
développée sur ce point concernant plusieurs
millions de salariés et faisant souvent
référence pour l’ensemble du salariat.
RGPP : besoin de luttes
et d’un véritable
projet relatif au service public
La RGPP se met en oeuvre sans aucune
contestation à la hauteur des enjeux. Elle
ne fait pas l’objet d’affrontements et
même de débats politiques publics.
De nombreuses luttes locales existent
mais quasiment rien n’est fait pour développer
des actions plus globales, pour
coordonner ses luttes. La pétition «Le
service public est notre richesse », initiative
de syndicats européens, a connu un
certain succès mais insuffisant vu les
enjeux et les suites semblent compliquées.
Avec le développement de la crise,
les organisations syndicales sont plus
préoccupées par les fermetures d’entreprises
et le chômage qui va avec, et
délaissent, sans doute de façon inconsciente,
les luttes dans la fonction
publique, qui souvent apparaît encore
comme « privilégiée » car n’étant pas
soumise, tout au moins pas encore, aux
licenciements. Pourtant, le plus grand
plan social en France, ce sont les services
publics, vu l’ampleur des suppressions
de postes. Les organisations syndicales
sont globalement encore trop empêtrées
dans des visions corporatistes et manquent
d’une véritable approche théorique
croisant les réalités du terrain sur l’État,
les collectivités territoriales et les services
publics, visant une transformation
sociale. Elles ne sont pas aider en cela
par les partis politique de gauche, y compris
le Parti socialiste. L’approche «service
public» ne peut pas se faire sans une
approche territoriale en croisant privé-public.
L’approche territoriale permet de
réellement prendre en compte la vie quotidienne
des citoyens et d’ancrer le service
public dans la vie réelle. Le lien avec
le « privé » en termes de développement
économique est indispensable, car il
n’y aura pas de développement
industriel sans développement des
services publics et vice versa. Cette
approche doit s’accompagner d’une
mise en réseau interrégionale, nationale
et européenne.
Comment est-il possible de croire
que le gouvernement avec ses commissaires
à la ré-industrialisation
va-t-il redynamiser les territoires en
réduisant dans le même temps les
services publics à leur plus simple
expression ? Dans cette période, il
est assez étonnant de voir de plus en
plus de Régions utiliser les textes
européens sur les SIEG (service
d’intérêt économique général) et le
mandatement (nouveau système
européen de délégation de service),
non encore transcrits en droit français
pour essayer de sauver le service
public de formation
professionnelle en créant des services
publics régionaux de la formation.
Des Régions ont lancé des plans de
relance pour aider les entreprises,
combien se sont battues à la même
hauteur contre la RGPP, la casse des services
publics de l’Etat et l’abandon des
missions pourtant primordiales pour la
vie quotidienne des citoyens et des entreprises
?
La crise, la RGPP nous offre des possibilités
d’avancer dans le sens d’une transformation
sociale si nous savons
construire avec les citoyens les propositions
adéquates…
C’est bien le rôle d’un parti politique dit
de gauche…
Il est primordial dans cette période de
crise de retisser les liens « public- privé »
dans une démarche, type économie
mixte, appuyée sur l’économie, le social,
l’environnemental et la démocratie, axée
sur de nouveaux modes de production et
de consommation. C’est une potentielle
sortie de crise répondant à l’exigence
d’une société socialement plus juste et
plus démocratique.
Cette perspective donne un véritable sens
au travail quotidien des salariés des services
publics et à notre combat politique.
Mais quel rapport de force sommes-nous
capables de construire ensemble ?
Dans cette bataille, il convient de noter la
pétition «Pour le maintien du service
public » lancée par Michel Vauzelle, soutenue
par le PS (voir communiqué en
date du 5 mai 2009 précisant que la pétition
a déjà plus de 16000 signatures et
qu’une proposition de loi sera portée par
M. Vauzelle), pour gagner un référendum
visant à inscrire dans la Constitution une
charte des services publics. Cette
démarche avait l’avantage d’offrir un
débouché politique, mais cette initiative
semble également en sommeil.
Le groupe socialiste, apparentés et rattachés
a déposé, au Sénat, une proposition
de résolution sur le rôle des services
publics, le 28 mai 2009.
Si cette initiative est intéressante, elle
demeure assez confidentielle, démarche
de sommet et paraît quelque peu coupée
du terrain et des salariés. Mais, dans les
attendus, il est dit que le groupe a préféré
cette initiative à la solution d’une inscription
des services publics dans la
Constitution, dans une charte adossée à
celle-ci, sur le modèle de la Charte de
l’environnement de 2004, démarche
longue et incertaine. Une modification de
la Constitution aurait du être validée par
un référendum et le texte du groupe précise
« il est peu probable que l’actuel
chef de l’État eût accepté de l’organiser
» !!!
Est-il besoin de faire un commentaire ?
Le document du PS sur la société française
issu du séminaire de la
Reconstruction le 7 juillet 2009 analyse
succinctement les attentes des français
mais ne donne, à ce stade il est vrai, quasiment
aucune piste se contentant de préciser
l’attachement des français aux
services publics, le regain de faveur pour
l’intervention étatique, le besoin d’un
effort particulier pour affiner la représentation
des attentes des français en matière
de dispositifs publics.
Tout aussi symbolique : il suffit de taper
« Parti socialiste et RGPP » sur Google
pour voir le niveau de prise en compte de
ce sujet… Il apparaît quand même le
texte « Un État en mouvement aux services
des citoyens », rapport au BN sur la
réforme de l’État et daté du 21 mai 2008,
un communiqué de presse «La RGPP
dans la culture: le ministère ratiboisé ! », daté du 24 juin 2009.
Ce n’est pas cela qui va aider les militants
et les salariés dans leurs luttes quotidiennes…
Dans ce contexte, le scrutin régional
prend une importance particulière de ce
point de vue car le niveau régional est
maintenant le premier niveau territorial
de décision et avoir une approche de
développement territorial croisant le
public et le privé permet d’ouvrir des
perspectives.
Didier Lassauzay