GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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La République sociale comme projet

"Refaire de la politique",

tel est le mot d'ordre du dernier livre de Denis Collin, Revive la République! Grâce à une démonstration qui trouve peu d'égale en ce moment, l'auteur parvient à sonder l'urgence de la crise politique qui ne cesse de secouer la France afin de proposer un programme d'émancipation clair et précis : le programme social-républicain.

Revive la République! est le livre d'un militant et d'un philosophe pour qui le socialisme, la République, la sociale ne sont pas des mots d'un autre temps. Car Denis Collin est de ces penseurs qui n'ont pas renoncé à la finalité pratique de leur geste théorique. Pour lui, et contrairement à tous ceux pour qui le glas de la politique, des idéologies, voire de l'histoire ont sonné, il est encore utile de penser la politique, et il va de soi que face à l'urgence, on se doit de trouver des solutions plutôt que de se contenter de fausses adaptations qui ne cessent de laisser les plus faibles au bord de la route, et d'exploiter tous les autres. Bien plus, pour Denis Collin, penser la politique aujourd'hui revient à élaborer les moyens d'agir sur notre réalité commune pour la transformer lorsqu'elle nous apparaît inadéquate. Et en l'occurrence, il y a de quoi transformer, de notre système démocratique qui ne cesse de s'affaiblir pour n'être plus qu'un système oligarchique que les classes populaires, en conscience, ont déserté et qui transforme la sûreté en sécurité pour mieux réduire à néant les droits individuels, à notre organisation politique qui en laissant libre court à la "corruption de l'esprit public" (p. 47) tendrait à faire croire que l'art de gouverner est aujourd'hui réduit aux modes de gestion de la gouvernance.

Mais Denis Collin ne se contente pas de ce constat que d'autres avant lui auront sans doute dressé. Il s'efforce de faire ce à quoi beaucoup, si ce n'est tous les autres, renoncent, c'est-à-dire de proposer une solution politique réalisable. La politique se doit effectivement d'être émancipatrice, du moins tant que nous ne sommes pas devenus tous sages - ou bien tous esclaves.

En philosophe politique, Denis Collin montre en quoi cette solution requiert d'abord une analyse des principes communs susceptibles d'orienter notre action.

Celui sur lequel s'est fondée la modernité politique occidentale est sans aucun doute la liberté - principe que les libéraux paradoxalement détestent comme en témoigne la manière dont ils détruisent les libertés fondamentales en donnant la priorité aux principes du libéralisme économique et aux relations asymétriques de domination, mais que les antilibéraux, tout aussi paradoxalement, ne privilégient pas non plus, tant les mouvements altermondialistes sont dans leur réaction au capitalisme mondial très proches des libéraux du fait de leur haine de l'État-nation. Quant à la République française, elle est loin, comme le dit l'auteur, d'être républicaine, tant son incapacité à garantir l'égalité des conditions est flagrante. Or il n'y a de liberté que lorsque "les inégalités ne sont pas arbitraires mais conformes à certaines règles de justice acceptées par tous" (p. 129). La liberté n'existe qu'égale pour tous.

Toute transformation sociale exige ensuite un projet. Le marxisme en portait un, dont Denis Collin analyse avec lucidité l'effondrement. Il faut donc une nouvelle perspective émancipatrice pour notre temps. Pour Denis Collin, celle-ci a pour nom la République sociale. Il faut entendre par là ce programme "porteur de valeurs toujours vivantes" qui unit "le républicanisme et sa conception de la liberté aux revendications séculaires du mouvement ouvrier" (p. 5).

Il s'agit donc dans ce projet dont l'auteur parvient à expliquer de manière très concrète la richesse et la justesse, de faire une synthèse entre la tradition républicaine et la tradition socialiste afin qu'une communauté politique, où "le citoyen dans l'ordre politique ne soit plus esclave au travail" (p. 165), puisse être reconstruite. "Autrement dit, la seule véritable république, la république achevée, serait la république sociale, instrument de la liberté de tous" (p. 177).

C'est donc un essai authentique pour revenir à la politique que nous propose Denis Collin. Un essai d'utilité publique à mettre entre toutes les mains, en particulier entre toutes celles de nos concitoyens, qui osent affronter l'idéologie dominante et se placer à contre-courant pour faire face aux difficultés de notre époque. Pour ne pas gâcher le plaisir, la pensée clairement exprimée l'est souvent dans des termes acérés, ne faisant aucune concession à l'air du temps que bien souvent les intellectuels contemporains - ou ceux que les médias adoubent comme tels - épousent sans scrupule, ni recul.

Aux antipodes des programmes "républicains " qui croient nécessaire le dépassement de tous les clivages et en appellent en permanence au retour à l'ordre public, aux antipodes de la manière des beaux-parleurs qui singent la pensée républicaine pour être dans l'air du temps, aux antipodes de thuriféraires d'une troisième voie - ni républicaine ni socialiste - dont la seule solution politique consiste à accepter les choses telles qu'elles sont et à définitivement renoncer à toute transformation sociale réelle, aux antipodes donc de tous ceux qui ont jusque là vidé de son sens les concepts de république et de socialisme, Denis Collin nous propose un slogan et un programme, la République sociale, qu'il résume en ces termes : "La république sociale est le commencement du socialisme et le socialisme est la république achevée" (p. 186).

Jacques Cotta - Christophe Miqueu

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