GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

La prétendue théorie du déclin est de retour !

Théorie du déclin : le retour. C'est Nicolas Baverez qui s'y colle. « La France qui tombe ». Le thème de la baisse d'attractivité est récurrent à droite. Ernest-Antoine Seillière, expliquait ainsi la baisse de la croissance, et les plans sociaux : «Les entrepreneurs sont motivés, mais la compétitivité et l'attractivité de notre pays ne sont pas fortes et, de ce fait, il existe des tendances à la recherche du moindre coût, avec des implantations à l'extérieur, dans les services comme dans le secteur manufacturier.»

Le 12 février, le président de la République avait engagé le gouvernement à «mettre fin au recul, constaté depuis quelques années, de la capacité de la France à attirer les capitaux étrangers et à garder les salariés les plus qualifiés». Le Premier ministre, le 13 février, y revenait dans Paris Match : «Nous payons le déclin de l'attractivité de la France.» Seul Francis Mer semblait garder un regard lucide : le ministre de l'Economie avait qualifié de «bidon» une étude du forum de Davos, publiée en novembre, plaçant la France au 30e rang mondial. Une contre-performance pourtant abondamment médiatisée par la majorité UMP.

Le Premier ministre suit ce thème depuis plusieurs mois. Dès l'automne 2002, il demandait au Conseil économique et social (CES) de l'éclairer sur le sujet de la « revalorisation du travail ». Ce qui a donné lieu à une belle empoignade, les patrons voulant à toute force faire reconnaître les lois sociales, et notamment les 35 heures, le prétendu « coût du travail » comme un handicap de la France dans la compétition mondiale.

Revaloriser le travail pour Raffarin, c'était le rendre plus long, plus dur et moins payé. Finalement, le CES avait refusé ce piége, et accouché, fin janvier, d'un avis presque vide, recommandant au gouvernement de «diminuer les lourdeurs administratives». Plus récemment, la majorité s'est emparée du sujet pour justifier, à l'occasion du débat sur la loi Dutreil, les exonérations de l'ISF pour les sommes investies dans les entreprises. Même motif pour les baisses d'impôt des riches : pour stimuler leur « dynamisme » !

Ce prétendu déclin relève d'un mensonge éhonté :

Ils n'ont pas bien vu : c'est de l'autre coté de l'Atlantique, aux Etats-unis, que les déficits sont colossaux, c'est là-bas qu'il y le plus de pauvreté, le moins de service public, le moins d'épargne, le moins de protection sociale, ils sont au 37 ° rang mondial au classement Oms en matière de santé… (et pourtant ils dépensent plus que nous : 14,5 % de leur Pib pour la santé contre 12,5 % en France, mais voilà ce sont des « prélèvements privés » et pas publics ! ).

La France, en vérité n'a jamais été aussi attractive, productive, riche, elle est la quatrième puissance industrielle du monde : l'année dernière, les investissements directs étrangers en France (qui mesurent, en gros, les prises de participations et les rachats dans des entreprises françaises, et les créations d'entreprises par des étrangers) s'élèvent à 49,8 milliards d'euros.

En matière d'attractivité des capitaux étrangers nous arrivons en deuxième position devant la Grande Bretagne, en matière d'exportations de capitaux, nous arrivons en troisième position avec la Grande Bretagne.

C'est certes moins que sous la gauche en 2001 (58,8 milliards), mais cela demeure une fort bonne performance, dans la moyenne des cinq dernières années, les meilleures que la France ait jamais connues.

De fait, la France reste dans le trio de tête des pays d'accueil des investisseurs, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Fin janvier, la Banque de France avait d'ailleurs dressé une véritable ode au dynamisme du site France : «L'économie française a atteint au cours de ces dernières années un excellent niveau de compétitivité» vis-à-vis de tous ses partenaires, qu'ils se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union européenne…

Et les capitaux se portent bien dans notre pays, ils sont attirés et la France est attractive (services publics, communication, fiscalité basse…) aussi pour de mauvaises raisons, parce qu'en France, la part des profits accapare 40 % de la richesse annuellement créée contre « seulement » 33,5 % aux Usa et 31, 5 % en Grande Bretagne. On pourrait baisser cette part de profits et demeurer aussi attractifs que les Usa et la GB.

Les profits sont hauts mais les salaires, eux, sont bas, et eux, ils déclinent !

Un salarié sur deux gagne moins de 9000 L'enquête "Acemo", de la DADS, mai 2002 confirme le niveau bas des salaires en France. En 2000 le salaire mensuel brut moyen a temps complet dans les + de 10 salariés est de 2180 € (ou 14 270 F) tandis que le salaire net est de 1700 € (ou 11 135 F)

Un cadre a un salaire moyen net de 3 280 € par mois (21 520 F) un ouvrier a un salaire de 1250 net (8 180 F) proche d'un employé : ainsi un cadre gagne en moyenne 2,6 à 2,7 fois plus qu'un ouvrier ou un employé.

Le rapport entre les 10 % qui gagnent 868 nets par mois et les 10 % qui gagnent 2688 € nets est inchangé (égal à 3,1 c'est-à-dire 3,3 chez les hommes, 2,7 chez les femmes)

Le salaire mensuel médian brut est de 1377 (soit 9019 F) soit 1428 € hommes (9353 F) et 1292 € femmes (8462F)

La part des primes a diminué en 2000 : 86,3 % du salaire est fixe + 0,9 % provient d'heures sup' + 12,8 % sont des primes. (Plus importantes chez les ouvriers et professions intermédiaires que chez les employés et les cadres...)

8 millions de foyers fiscaux sont bénéficiaires de la Prime Pour l'Emploi : 60 % isolés, 23 % couples mono-actifs, 73 % va à la moitié la moins aisée de la population... Elle a coûté 2,5 milliards d'euros en 2001. C'est le fruit des impôts : ce sont des salariés qui la paye à des salariés... à la place de l'employeur qui, ainsi, n'a pas à augmenter les salaires.

Au total, 13,9 % des salariés au Smic, soit 2,68 millions dont moins de 4% sont concernés par la garantie mensuelle.9,9 % d'hommes contre 19,9 % de femmes sont au Smic. Dans les Très Petites Entreprises, il y a 30,1 % de smicards alors qu'il n'y en que 4,7 % de smicards dans les entreprises de plus de 500 salariés. Mais 43,3 % de smicards dans l'hôtellerie restauration... la branche la plus importante. Là où Raffarin veut faire un cadeau de 13,5 point de Tva aux employeurs… sans garantie ni pour l'emploi ni pour les salaires !


Au lieu de baisser les impôts des riches, de concentrer les gains vers des capitaux qui n'investissent pas, qui épargnent et spéculent, au lieu d'augmenter toutes les taxes qui frappent les pauvres et freinent la consommation, augmentez donc les salaires, ça revalorisera le travail et toute la France profitera de son attractivité, de sa productivité !

Si la part des salaires augmentait suffisamment pour en revenir à son niveau d'il y a 20 ans, la masse salariale serait plus élevée de 70 milliards d'euros : de quoi financer les retraites, la Sécu, et relancer la consommation !

Ca ne nuirait pas à notre attractivité au contraire : il y aurait relance, redistribution et notre économie s'en porterait mieux avec des salariés plus nombreux et plus heureux !

Gérard Filoche, pour D&S n°107, le 17 septembre


La part des salaires dans la valeur ajoutée de 1960 à 1995 (source INSEE)

La part des salaires dans la valeur ajoutée de 1960 à 1995 (source INSEE)

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