GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

La politique d'immigrations de Sarkozy vécue dans le Val-de-Marne, et en particulier à Cachan

Cet été, les questions relatives à l'immigration ont tenu le devant de la scène, montées par Nicolas Sarkozy afin de capter l'électorat de l'extrême droite

  • Adoption par le Parlement de la loi sur l'immigration et l'intégration
  • Mise en application de la circulaire concernant une procédure de régularisation d'enfants immigrés scolarisés répondant à certains critères
  • Evacuation par la police du squat de Cachan
  • De nombreux militants et élus socialistes du 94 ont eu à affronter des situations difficiles, voire très difficiles à Cachan, et se sont engagés concrètement dans des actions de tout type à la fois pour des raisons humanitaires et pour faire échec à la droite. Ce document émane de plusieurs militants ayant participé comme membres du Ps aux collectifs contre l'immigration jetable et aux manifestations de soutien aux squatters de Cachan.

    Signataires : Danielle Gevrey, Maryse Gilibert, Thérèse et Daniel Ittah, Christophe Miqueu, Paule Mathonnat, Françoise Pottié, Robert Spizzichino

    Nous pensons que ces questions doivent être analysées selon trois points de vue, en prenant en compte le contexte de la politique actuelle de la droite au pouvoir :

  • Un point de vue humaniste et républicain vis-à-vis de personnes en grande souffrance sociale et déjà implantées en France
  • Le point de vue des municipalités de gauche confrontées à des situations urgentes et très difficiles à résoudre au niveau local
  • Le point de vue de la politique à mener au niveau national et européen sur l'immigration
  • Il paraît important de prendre en compte simultanément tous ces points de vue et de ne pas, par exemple, se réfugier derrière quelques considérations générales sur la politique de l'immigration et l'aide au développement qui ne répondent en rien aux réalités concrètes du moment

    1. La solidarité vis-à-vis des immigrés traités de manière honteuse par le pouvoir en place

    Elle doit partir d'un élément clair sur lequel tout homme et tout électeur de gauche peut se retrouver, quelles que soient nos opinions sur la manière dont il aurait fallu régler ce problème auparavant : l'évacuation du squat telle qu'elle a été réalisée (méthodes policières, violence) dans le contexte où elle a été réalisée (vacances scolaires, de manière totalement abrupte alors que la situation pourrissait depuis trois ans) et en raison des conséquences qu'elle entraîne (interpellations, campement pour les uns, relogements précaires dans des endroits le plus souvent éloignés de leur lieu de travail et insalubres pour la majorité des autres, question enfin de la scolarisation des enfants expulsés,) est inacceptable. Pour les personnes qui vivent cela et pour l'image de la France dans le Monde. C'est tout à l'honneur du maire Ps de Cachan, J.Y. le Bouillonnec, que d'avoir proposé un gymnase municipal pour éviter les violences et pour permettre à des familles de ne pas dormir dehors. On peut faire le même constat sur la manière dont a été géré l'application de la circulaire sur les enfants scolarisés : files d'attente interminables, critères farfelus, papiers multiples impossibles à fournir, etc.

    Dans ces conditions, notre devoir de socialiste est de nous opposer fermement à ces procédés et à essayer d'aider ces familles à faire face. D'où la participation de beaucoup d'entre nous aux collectifs contre l'immigration jetable, aux parrainages et aux manifestations, notamment celle du 23 Août concernant Cachan. Nous nous retrouvons là avec des associations, des syndicats, et d'autres partis de gauche et d'extrême gauche. Certains poursuivent des objectifs semblables aux nôtres ; d'autres cherchent à tirer parti de la situation pour faire de l'agitation.

    C'est vrai au sein de la gauche depuis le milieu du XIXème siècle ! La seule façon de ne pas être manipulé, c'est d'être présent en nombre, de parler haut et fort et d'imposer notre vision de socialistes responsables.

    2. Les élus socialistes et les municipalités de gauche face à ces situations dans lequel ils ont un faible pouvoir pour aboutir à des solutions.

    Dans les municipalités de gauche qui ont pratiqué le parrainage des familles vivant des procédures de régularisation, cela s'est en général bien passé.

    En particulier à Cachan, nous affirmons notre soutien au député-maire qui a pris des positions courageuses, malgré un risque politique certain, et nous sommes prêts à l'aider concrètement s'il nous le demande. Il est sûr, en tout cas, que les élus de gauche ont intérêt à parler d'une seule voie face au pouvoir d'Etat. Toute autre attitude nuit à la cause qu'on prétend servir.

    En tout état de cause, quelle peut être, aujourd'hui, l'action d'une municipalité de gauche face à des situations toujours très complexes administrativement et politiquement ?

  • Concernant l'application de la circulaire de régularisation, elle peut faciliter symboliquement les parrainages et appuyer les démarches administratives ; l'expérience a montré qu'à l'occasion de ces démarches se posaient d'autres problèmes à résoudre d'accès aux droits, de logement, d'aide sociale, ...la municipalité se trouve constituer de fait un centre de ressources pour des familles qui ont souvent vécu dans une semi clandestinité.
  • Pour un cas aussi dur et particulier que le squat de Cachan, en conséquence, l'évacuation de l'immeuble insalubre était inévitable ; il est vrai que, depuis trois ans, la situation était rendue difficile par l'idée répandue par certains délégués du squat que toute séparation des résidents fragilisait les familles en situation irrégulière. Mais les choix du moment et de la méthode d'évacuation sont des choix politiques émanant de l'Etat.
  • Les responsabilités de l'Etat sont donc totales ; et ce d'autant plus qu'on sait au travers d'études réalisées dans des cas similaires que l'évacuation ne résout rien si elle ne s'accompagne pas d'un travail anticipé et personnalisé en direction des familles qui, dans le cas de Cachan, ne s'est pas produit dans des conditions convenables.

    Dans ce cas, on peut seulement se demander, compte tenu d'une issue prévisible en cas de carence de l'Etat, s'il n'est pas nécessaire de doubler l'action de la municipalité par une action politique dans laquelle le Ps doit jouer un rôle essentiel: dénonciations de la situation, propositions de solutions avant toute situation de crise aigüe, mobilisation citoyenne, etc. De plus, comme de toute évidence, le problème est national, le Parti devrait prendre position de manière plus complète que le récent communiqué imprécis de Faouzi Lamdaoui.

    3. La politique de l'immigration :

    Tous les pays développés sont confrontés à des flux migratoires dont une partie (beaucoup plus faible qu'on ne le croit) reste incontrôlée. Selon une récente étude de l'Insee, il y aurait en France prés de 5 millions d'immigrés, dont 40 % ont acquis la nationalité française ; à noter que près d'un immigré sur quatre (24 %) est titulaire d'un diplôme d'enseignement supérieur, guère moins que les français de souche (29 %). On notera la très grande variété des types de migrations (motifs, durée, souhait de retour au pays ou de naturalisation, relations familiales, .....) ; ce qui amène à insister sur la notion de projet individuel de migration

    Que dit à ce propos le “projet socialiste” sur " une politique d'immigration partagée " ?

    D'abord, il met l'accent sur l'augmentation des efforts à opérer concernant l'aide au développement et aux pays pauvres. Il réaffirme que l'immigration est un atout pour la France, manifeste une volonté de revenir sur certaines dispositions de la loi Sarkozy et met l'accent sur la lutte contre l'immigration illégale, notamment au niveau européen, ainsi que sur la mise au point d'un "projet migratoire individuel pour une immigration réussie". Est-ce suffisant ? Bien évidemment, il s'agit de pistes de travail dont les modalités restent à préciser. Mais nous pensons qu'il faut aller plus loin et parler plus clair politiquement :

    La migration est d'abord le plus souvent un drame pour le migrant. Lorsqu'elle se produit en provenance de pays pauvres et notamment de l'Afrique sub saharienne, elle est la conséquence de l'exploitation des richesses, parfois non négligeables, de ces pays par des entreprises multinationales (dont une large part à dominante française et s'inscrivant dans la logique colonialiste). Il faut dire aussi que la politique d'immigration de la droite conduit de fait à accroître la précarité et à rendre le travailleur migrant plus exploitable par les patrons peu scrupuleux. La loi “Ceseda” privatise de fait la politique d'immigration, en ce sens que, pour beaucoup, lorsque le contrat de travail cesse, le droit de séjourner cesse aussi.

    L'abrogation des lois Sarkozy sur l'immigration ainsi que l'abrogation totale de la double peine sont donc une nécessité symbolique de rupture avec la logique d'instrumentalisation et de communau-tarisation de la question sociale qui y est liée et poursuivie avec méthode par la droite depuis 2002. Mais une telle décision impose un contrat clair avec toutes les forces de gauche qui aspirent à gouverner et avec la nation. Les quelques éléments qui suivent précisent de manière très synthétique les axes d'une politique socialiste d'immigration. Elles sont issues d'une part du rapport de la commission spécialisée du Parti et aussi des travaux du groupe " Pour la République Sociale ", proche de Forces Militantes.

    a. Un gouvernement de gauche devra solder la situation laissée par la droite notamment en procédant à la régularisation des personnes demeurant sur le territoire national depuis plusieurs années et présentant toutes les garanties d'une bonne intégration. Mais la régularisation massive ne peut être un mode de gestion régulier des flux migratoires. Il faut privilégier des régularisations permanentes selon des critères précis. Il s'agira alors de bien distinguer les différentes problématiques migratoires et d'apporter les réponses en termes de dispositif adapté, en se rappelant que l'asile ne peut être confondu avec l'immigration, et avec de nouveaux instruments juridiques. Cela implique :

    1) le respect intégral du droit d'asile selon la Convention de Genève et la construction d'une offre de protection systématique (hébergement- accompagnement) à chaque demandeur d'asile présent sur le territoire, la réactivation du rôle que doivent jouer nos réseaux consulaires à l'étranger dans la délivrance de visas de longs séjours aux personnes qui fuient une persécution. De manière générale, le respect strict des droits universels figurant dans les textes nationaux et internationaux doit être la règle en France

    2) la réaffirmation du droit de vivre en famille, par la clarification des procédures de regroupement familial et de mariage avec un(e) ressortissant(e) Français.

    3) la définition d'une politique d'immigration de travail d'intérêt partagé et de développement durable. Un gouvernement de gauche sécurisera notamment la migration temporaire de travail, la mobilité en l'organisant. Il mobilisera l'immigration pour le développement du pays d'origine par le soutien à des projets de co-développement économique (épargne,...aide à l'investissement), le soutien au développement du système éducatif et les plans de formation. Il facilitera le recrutement d'étrangers possédant des qualifications n'existant pas en France et s'opposera fermement à toute politique de quotas. Le co-développement et les échanges décentralisés devront faire l'objet d'une réforme profonde

    4) une migration de savoirs attractive et responsable. La France doit améliorer son attractivité auprès des étudiants étrangers. Cela ne saurait conduire à diminuer la part des étudiants venant des pays les plus pauvres dans nos universités (54 % des étudiants étrangers présents en Françe sont originaires du continent Africain). Mais dans le même temps, il est nécessaire de ne pas favoriser la fuite des cerveaux et diminuer ainsi la dotation en personnels qualifiés, ressource rare pour les pays en développement. Nous proposerons des parcours d'éthique et de responsabilité aux étudiants et aux pays qui le souhaiteront. Par exemple, avant de se voir autoriser à un changement de statut à la fin de sa formation et avant d'obtenir une carte de résident de longue durée à entrée/sortie permanente, l'étudiant étranger non communautaire ayant achevé ses études en France devra servir son pays d'origine pendant une période déterminée et avec une rémunération garantie par un fonds social de développement

    c. Une majorité de gauche privilégiera la sécurisation des parcours de séjour et la délivrance de la carte de résident de longue durée aux personnes admises à séjourner sur notre territoire pour des motifs liés à l'immigration familiale (regroupement familial, conjoint de Français), à la protection au titre de l'asile ; (protection subsidiaire), en raison de conventions internationales (lutte contre le trafic d'êtres humains) ou dans le cadre d'une immigration de travail d'interêt partagé (La multiplication des titres de séjour de courte durée est un facteur de précarité des parcours d'intégration en ce sens qu'ils agissent comme autant de freins à l'embauche, à l'accès au marché locatif, au crédit bancaire. )

    d. La question de la citoyenneté dans la cité doit être repensée. L'introduction du droit de vote aux élections locales pour les personnes ayant la nationalité d'un pays membre de l'UE a relativisé la force du couple citoyenneté nationalité. Donner le droit de vote et le droit d'être élu aux élections locales aux étrangers non communautaires résidant régulièrement sur le sol français depuis au moins cinq ans apparaît comme une mesure de justice et d'intégration politique.

    e. La droite a initié en 2003 l'esquisse d'un service public de l'accueil des primo-arrivants étrangers suivant en cela les recommandations de la Cour des comptes ou des services de l'Igas. Il y aura lieu d'établir un audit sur les conséquences des nombreuses réformes engagées dans ce secteur et de s'assurer de leur pertinence et viabilité. La droite a notamment initié en 2003 un contrat d'accueil et d'intégration pour tout nouvel arrivant. Elle souhaite le rendre obligatoire par l'intermédiaire de la loi CESEDA et en faire un instrument d'évaluation des capacités d'intégration supposées. Faute de contenu, ce contrat est aujourd'hui déséquilibré, mettant à l'unique charge du primo-arrivant la question de l'intégration sociale. Un gouvernement issu de la gauche développera une démarche inverse ; elle proposera un contrat d'intégration et d'inclusion sociale aux primo-arrivants admis à séjourner sur le territoire national. Son contenu privilégiera un parcours de formation linguistique -accompagnement à l'emploi et d'apprentissage des devoirs et d'accès aux droits républicains. Il mobilisera les différentes administrations en charge de l‘accueil des étrangers de manière à mieux rationaliser leur action pour mieux accueillir et les regroupera sous l'égide d'un ministère chargé des migrations.

    Il n'est pas sur non plus que tout cela suffise. Une politique de l'immigration aussi exige des mesures renforcées en matière de lutte contre les discriminations et d'éducation ; de même, la politique européenne de l'immigration est aujourd'hui dans les limbes; il importe donc que le PSE fasse dans le cadre de son prochain congrès de Décembre 2006 des propositions sur ce thème.

    Enfin, nous nous sommes rendu compte lors de cet été à quel point il était difficile de parler de ces questions, en particulier en direction de publics populaires ; ils ont parfois le sentiment d'être des laissés pour compte de l'action publique et de l'action sociale au bénéfice d' " immigrés clandestins ". La-dessus, se dressent toutes les images véhiculées par la droite et l'extrême droite. Là encore, c'est notre responsabilité de militants socialistes que d'expliquer et de focaliser les solidarités.

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