La longue lutte pour une réelle indépendance Malgache
La destitution
de Marc Ravolomanana
par les militaires a régénéré
la lutte du peuple malgache
pour son indépendance.
Le coup d’état militaire chagrine lesinstances internationales et les
bailleurs de fonds. La France qui a
accompagné ce coup de force en défense
de ses intérêts économiques s’est rapidement
défaussée se rangeant hypocritement
derrière le formatage démocratique
de l’Union Africaine présidée par le
Libyen Kadalfi et l’ONU , défenseurs en
réalité des intérêts du capital international.
La lutte sans concession de la bourgeoisie
Merina et des forces vives a
débouché sur la destitution de l’ex-président.
Face aux rapports de force créés par
la rue, la situation s’est normalisée juridiquement
à travers une ordonnance,
signée par Marc Ravolomanna lui-même,
qui conférait le pouvoir à un directoire
militaire. Ce processus a été validé par la
Haute cour constitutionnelle et s’est traduit
par la mise en place d’une haute
autorité de transition présidé par l’ancien
maire d’Antannarivo Andry Rajoelina,
tout en se dotant d’un premier ministre
Monja Roindefo Zafitsimivalo. Cet organe
de transition s’est engagé à organiser
des élections anticipées, mais à l’instar
du coup d’état gaulliste de 1958, elle
veut amender la constitution pour ouvrir
la voie à une 4e République et ensuite
organiser des élections législatives sur
l’ensemble de l’île rouge. L’élection présidentielle
au suffrage universel ne viendrait
alors que dans un deuxième temps.
Ce processus n’est pas validé par les instances
internationales imposant en rétorsion
un blocus financier et économique
au peuple Malgache au nom de la démocratie
institutionnelle. Pour desserrer
l’étreinte, la Haute autorité vient de
signer avec des opérateurs de l’Arabie
Saoudite des accords commerciaux, et
s’est dite prête à s’engager sur une charte
avec les forces politiques du pays pour
légitimer un processus démocratique et
institutionnel.
Ainsi, le 23 mai 2009 s’ouvrait une
réunion de concertation à l’Hôtel Carlton
d’Antananarivo initiée par l’Union
Africaine, la Sade (communauté de développement
de l’Afrique australe), l’OIF
(organisation internationale de la francophonie),
l’ONU. Ces quatre entités
dénommées Groupe international de
Contact (GIC) s’est réuni avec les quatre
principales mouvances politiques du
pays : mouvance Rajoelina, Ratsiraka,
Zafy et Ravolomanna pour élaborer une
charte de la transition, pour organiser des
élections justes et équitables. Face aux
demandes du GIC et l’intransigeance des
mouvances Ratsiraka (amnistie) et
Ravolomanna la réunion ne déboucha sur
aucun accord. Pourtant l’Elysée avec son
secrétaire Claude Guéant, avait préparé
cette réunion le 19 mai avec l’émissaire
de la Haute Autorité de Transition,
Patrick Leloup, métisse malgache, gérant
de la société Concept Global Madagascar
Transit, assisté de l’avocat Robert
Bourgi, spécialiste français pour les
affaires malgaches.
La Haute Autorité de Transition a certes
rejeté le processus proposé par le GIC,
mais n’a pas fermé la porte au processus,
pensant que le temps joue en sa faveur au
regard de l’essoufflement des mobilisations
journalières qu’organisent les amis
de l’ex-président que viennent renforcer
les salariés de ses sociétés : Magro, Tiko,
Alma. Ces manifestations sont sous surveillance
de l’Armée et en retour, Andry
Rajoelina se refuse à mobiliser les forces
vives. A cela, s’ajoute que l’ex-président
réfugié en Afrique du Sud s’est discrédité
un peu plus avec les dernières révélations
faites autour de la restauration du
Palais de la Reine. En effet, l’ex-président
se prenant pour un monarque présidentiel
n’a pas trouvé mieux que de
profaner le tombeau des rois en faisant
transférer sans informer les familles et
descendants, les ossements royaux au
Palais d’Ambohimanga, situé à 30 kms
de la capitale. La royauté symbolise aux
yeux des citoyens la nation malgache, et
ce transfert a violé sciemment le famadihana
(retournement des morts), rite
important pour les malgaches, ce dernier
constituant un trait d’union entre la vie
terrestre et l’univers.
Dans ce concert, la bourgeoisie Merina
cherche un compromis social entre sa
volonté d’indépendance, et les désidératas
des organismes internationaux à la
botte des bailleurs de fonds. Dans cette
voie, la bourgeoisie Merina n’arrivera
pas à obtenir son indépendance, et au
mieux réorganisera ses liens privilégiés
avec la France. La révolution sociale et
économique dans un pays dominés par
les intérêts néocoloniaux n’est possible
qu’avec la mobilisation des salariés et
des paysans ouvrant la voie à un
Gouvernement défendant leurs intérêts.
Aussi la construction d’une vraie organisation
de gauche est à l’ordre du jour
d’autant plus que les couches dites
moyennes s’appauvrissent un peu plus
chaque jour. C’est à travers ces médiations
que le peuple malgache pourra
accéder à son indépendance tant désirée
depuis l’insurrection de 1947.
Bernard Grangeon