GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

La laïcité et les femmes

" Je suis pour la laïcité car les religions ont

toujours été contre les femmes "

(Ségolène Royal à Toulouse, le 9 novembre 2006)

Oui, Ségolène Royal a raison. Ce n'est pas grâce mais contre l'église catholique que les lois dépénalisant et garantissant contraception et avortement ont été votées, en France et en Europe (cf le référendum récent à ce sujet au Portugal et les arguments développés par l'église). C'est à cause de l'église que le divorce est resté si longtemps impossible dans la très catholique Italie. Les droits des femmes dans les pays musulmans sont bafoués et les codes de la famille y sont liberticides pour les femmes. Contre cette volonté des cultes de régir des pans entiers de la vie de tous mais surtout de toutes, nous avons un rempart formidable : le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat. C'est un acquis fondamental, souvent attaqué, obtenu au terme d'une lutte acharnée entre religieux et tenants de la laïcité. Il est essentiel pour les femmes. Il incombe à l'état et à ses institutions de le garantir contre d'éventuelles ingérences religieuses.

Or, comment faire confiance à François Bayrou qui s'est illustré quand il était Ministre de l'Education Nationale en voulant faciliter le financement des écoles privées (majoritairement religieuses) par les collectivités publiques ? Des milliers de manifestant-es, qui avaient bien perçu le danger, étaient alors descendu-es dans la rue pour défendre la laïcité, et François Bayrou avait retiré son projet de loi.

Comment faire confiance à Nicolas Sarkozy, lui qui a légitimé l'UOIF au Conseil du Culte Musulman, au détriment d'une représentante d'un islam modéré qui a préféré démissioner ? Lui qui a plaidé pour une révision de la loi de 1905 ?

Ces deux candidats n'accordent absolument pas la même valeur que moi au terme de laïcité. Ils souhaitent " moderniser " cette loi qui serait devenue " ringarde ". Et bien moi, je ne veux pas de cette modernisation. Ces deux candidats veulent en fait se débarrasser de ce qui fait sa force. Je juge cette remise en cause dangereuse, particulièrement pour les femmes qui ont beaucoup à y perdre. Et il n'y a pas de position intermédiaire : les lobbys religieux sont très puissants et savent utiliser la moindre brèche. Alors, voter Ségolène Royal, c'est voter pour que les religions restent à leur place : le domaine privé, pour que l'état s'en porte garant, et pour le maintien des droits des femmes si difficilement acquis.

Le travail et les femmes, version Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy déclare que bien évidemment il souhaite que la situation des femmes s'améliore et qu'elles deviennent égales aux hommes. En particulier au travail.

Dont acte.

Prenons son leitmotif : pouvoir travailler plus pour gagner plus. Mais toutes les femmes qui sont à temps partiel subi ne demandent que ça ! Sauf que ce n'est pas la loi sur les 35h qui les empêche de travailler plus, mais leur employeur qui préfère embaucher une autre femme à temps partiel plutôt que fournir un temps complet car c'est plus rentable pour lui ! 80% des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes. Pénaliser la multiplication des temps partiels au détriment des temps complets : voilà ce qui améliorerait la situation des femmes ! Et que dire du projet de généralisation du CNE, qui permet à l'employeur de se séparer de la personne embauchée sans aucune justification, et ça pendant 2 ans. Allez annoncer à votre employeur que vous êtes enceinte. Il peut tout à fait vous répondre " très bien, félicitations " et ... vous licencier une semaine ou un mois après. Et vous n'aurez aucun recours puisqu'il n'a aucune justification à fournir. C'est une atteinte scandaleuse au droit du travail qui pénalise doublement les femmes : comme embauchées et comme femmes.

Idem pour les situations de harcèlement, sexuel ou moral, dont les femmes sont les premières victimes.

Nicolas Sarkozy est attaché aux valeurs familiales et affirme que toute femme doit pouvoir choisir entre élever ses enfants et mener une activité professionnelle. Très bien. Toutes ces femmes, employées de la grande distribution ou des grandes entreprises de nettoyages, aux emplois du temps complètement fractionnés, qui sont, à cause de leur travail, absentes de chez elles aux moments où justement leurs enfants auraient besoin qu'elles soient là, et tout ça pour un salaire insuffisant, toutes ces femmes : ont-elles vraiment le choix ? Peuvent-elles faire autrement ? Alors, M Sarkozy, que proposez-vous pour améliorer leur situation et celle de leurs enfants ? Un CNE ?

Toutes vos mesures concernant le travail ne visent qu'à réduire le droit du travail, c'est à dire à permettre de plus en plus aux employeurs et de moins en moins aux employé-es. Votre société est celle de la concurrence, de la loi du plus fort, de l'élimination des plus faibles. Vous organisez la précarité, sous couvert de liberté. Or la majorité des précaires, ce sont des femmes. Les lois que vous voulez abolir protègent les faibles. Parmi ces faibles, les femmes sont les plus nombreuses.

Alors M Sarkozy, un peu de cohérence ! N'essayez pas de nous faire croire que vous défendez l'égalité des femmes et des hommes au travail alors que toutes vos propositions pénaliseraient les femmes au premier chef ! Ne nous dîtes pas que vous défendez la famille !

"Je suis venue à la politique par le féminisme "

(Ségolène Royal à Toulouse, le 9 novembre 2006)

Et bien oui cette phrase m'inspire confiance. C'est un condensé qui implique son auteure. De la prise de conscience d'inégalités de traitement entre les femmes et les hommes à l'analyse de leurs causes qui conduit à l'engagement politique, cette démarche me convient. Qu'une candidate prononce tranquillement le mot de féminisme, et défende clairement la cause des femmes, oui cela me convient. Que notre candidate décrive la multiplicité des situations défavorables aux femmes mais ne réduise pas pour autant la question des femmes aux violences subies par ces dernières (comme le font Nicolas Sarkozy et François Bayrou), oui cela me convient. Qu'elle parle du machisme ambiant qui remet sans cesse en cause la légitimité de sa candidature ou de ses compétences, oui cela me convient. Une candidate à la Présidence de la République doit donner à voir sa propre vision du monde. Je perçois chez Ségolène Royal que l'organisation des rapports sociaux entre les femmes et les hommes en est un élément structurant, qui traverse tous les domaines. Cette vision me convient. Nous avons tellement l'habitude que la " question des femmes " comme on dit soit toujours secondaire, ou incongrue. La candidature et le propos de Ségolène Royal légitiment cette question : elle n'en fait pas un paragraphe que l'on ajoute pour un discours politiquement correct, mais une préoccupation normale qui alimente la réflexion et nourrit les propositions.

Et ça, ça convient à la féministe que je suis ! V.H.

Remarque en ces temps de journée internationale des femmes

Camarades, encore un effort. Evitez dans les meetings les tribunes entièrement masculines ! Ne mettez pas pour autant une femme alibi qui est à la tribune mais est la seule à ne pas prononcer de discours : ça fait vraiment potiche (vu la semaine dernière dans l'agglomération toulousaine)

Josette Costes

BONNES LECTURES

  • «loi salique, femmes et pouvoir»
  • «Histoire de France, Histoire des femmes, Histoire du pouvoir»
  • Deux livres remarquables de la loi salique (908) à la loi sur la parité (2002)

    Deux livres à lire absolument par les temps qui courent. “La France, les femmes et le pouvoir, l'invention de la loi salique” (Ve-XVIe siècles) de Éliane Viennot et “Parité ! l'universel et la différence des sexes” de Joan Wallach Scott. Deux livres qui remettent les pendules à l'heure sur les femmes et le pouvoir en France.

    On nous a tous rebattu les oreilles avec la loi salique qui interdisait en France aux femmes d'exercer le pouvoir. En lisant le livre d'Eliane Viennot on apprend que cette loi est un faux réalisé au XIV ème siècle pour des besoins de politique intérieure française. On apprend également que les femmes ont toujours gouverné la France parfois durant de très longues périodes et que ces femmes de pouvoir ont été gommées de l'histoire officielle. Joan Wallach Scott nous donne à voir comment il a fallu sexuer l'individu pour désexuer le politique.

    Document PDF à télécharger
    L’article en PDF

    Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




    La revue papier

    Les Vidéos

    En voir plus…