« La jeunesse, un enjeu pour le syndicalisme »
Jérôme Vérité, 28 ans, est un des
responsables de la fédération
CGT des Transports. Il est un
des représentants de la CGT au
sein du collectif des
organisations de jeunesse contre
le CPE (*). Dans cet entretien à
DS, il explique que « la
jeunesse est un enjeu primordial
pour l'avenir du syndicalisme ».
Un collectif d'organisations de
jeunesse s'est constitué au plan
national pour lutter contre le CPE.
Peux-tu nous dire comment il s'est
constitué et en quoi il est utile pour la
mobilisation?
Dès l'annonce par le Premier Ministre
du contrat première embauche, un
certain nombre d'organisations de
jeunesse ont décidé de se réunir pour
envisager une riposte commune à cette
attaque sans précédent contre la
jeunesse. Une première réunion a eu
lieu à la bourse du travail de Paris fin
janvier. Elle a permis de tracer les
contours de ce collectif qui comprend
les principaux syndicats lycéens et
étudiants, deux organisations syndicales
de salariés, dont la Cgt au travers «
Jeunes Cgt », les organisations de
jeunesse des partis politiques de gauche
ainsi que des associations. Depuis lors
nous nous réunissons toutes les
semaines pour faire le point de la
mobilisation et envisager les initiatives
de la semaine suivante. Pour concrétiser
notre travail, des collectifs locaux Stop-
Cpe ont vu le jour dans les
départements.
Le collectif national et les collectifs
locaux ont sans nul doute eu un rôle
majeur dans la montée de la
mobilisation. Le message unitaire que
nous avons adressé à travers la presse,
devant les lycées, dans les facs mais
aussi devant les entreprises et dans les
quartiers à toute la jeunesse et plus
globalement à tous les citoyens a petit à
petit porté ses fruits. La diversité du
collectif nous permet d'avoir une vision
globale de la mobilisation de la
jeunesse et nous avons constaté au fil
des semaines une réelle prise de
conscience des dangers du Cpe.
Aujourd'hui, la contestation a atteint un
tel niveau que nous avons décidé
d'écrire au Président de la République
pour lui demander d'écouter la jeunesse
et d'avoir le courage
politique de ne pas
promulguer la loi sur
l'égalité des chances.
Peut-on parler de jonction
entre les jeunes salariés et
les jeunes scolarisés?
Les jeunes salariés vivent
aujourd'hui une situation de
grande précarité. Le taux de
chômage des jeunes est
élevé. La multiplication des
contrats spécifiques (35
depuis 1973!) a flexibilisé à
outrance ce marché du
travail et éloigné la
perspective de l'emploi
stable. Le dernier rapport de
l'Insee est édifiant. Le
nombre de salariés de moins
de 29 en CDI baisse d'année
en année. Pour les jeunes
scolarisés, la situation n'est
pas meilleure. De nombreux
jeunes scolarisés doivent
travailler pour payer leurs
études. La société s'était
habituée à voir les étudiants travailler à
Mc DO, dorénavant ce sont en plus les
lycéens qui, avant d'aller en cours,
distribuent les journaux gratuits.
La conséquence de tout ceci est bien
connue, notre génération courre le
risque de vivre moins bien que celle de
nos parents. En ce sens le mouvement
actuel de la jeunesse contre le Cpe est
bien plus profond. C'est un ras le bol
contre cette société qui n'offre aucune
perspective d'avenir, qui ne donne plus
les moyens d'étudier, qui précarise ceux
qui ont un emploi. Ce combat est donc
bien celui de toute la jeunesse. Au
niveau de la Cgt nous essayons de le
faire vivre au quotidien en intervenant
dans les assemblées générales des facs
chaque fois que nous sommes sollicités
par les étudiants pour apporter la vision
salariée ou en multipliant les initiatives
communes avec les lycéens devant les
lycées professionnels ou les CFA.
Comment les jeunes trouvent-ils leur
place dans la CGT? "Jeunes CGT"
est-ce une structure autonome au sein
de la CGT?
La question de la jeunesse devient un
enjeu primordial pour l'avenir du
syndicalisme. La Cgt va connaître des
dizaines de milliers de départs à la
retraite dans les prochaines années. Elle
est donc synonyme de renouvellement
mais aussi de renforcement. A la Cgt, la
syndicalisation des jeunes est de la
responsabilité de toutes les
organisations professionnelles et
interprofessionnelles, et en particulier
des syndicats qu'ils soient d'entreprise
ou territoriaux. Pour autant la Cgt a
décidé, depuis 1968, de se doter d'un
outil jeunes chargé d'animer notre
démarche en direction de cette
population. Cet outil, à l'origine
uniquement confédéral, s'est peu à peu
décentralisé dans les fédérations
professionnels, les unions
départementales et locales, et les
syndicats. Il ne s'agit de structures
autonomes, telle que peuvent les
connaître les mouvements de jeunesse
des partis politiques mais plutôt des
lieux d'échange ouverts à tous les
jeunes syndiqués.
(*) Ce collectif réunit : Les Alternatifs,
ATTAC Campus, Confédération
étudiante, FIDL, JC, JCR, Jeunes CGT,
Jeunes Verts, JOC, JSRAG, Fédération
Léo Lagrange, MARS jeunes, MJS,
PRS Jeunes, UEC, UNEF, UNL, UNSA
Jeunes."
Propos recueillis par Éric Thouzeau