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La grande évasion

Promis, juré, Eric Woerth, ministre du Budget, a décidé de « prolonger l’action » contre les contribuables coupables d’évasion fiscale. Ceux-ci avaient jusqu’au 31 décembre 2009 pour régulariser leur situation en échange de pénalités moins lourdes.

Nombre d’entre eux ayant fait la sourde oreille au chant des sirènes ministérielles, le ministre a donc décidé, dans la grande lignée du « retenez-moi ou je fais un malheur », … de leur accorder un délai supplémentaire !

Pas de quoi trembler du côté de Saint-Martin, petit paradis fiscal (cf : eco.rue89.com) des Antilles françaises où l’on peut trouver le siège social de plusieurs dizaines de sociétés françaises qui ont entre autres la particularité d’être gérées… par la propre femme du ministre.

Pas de quoi non plus affoler les réfugiés fiscaux séduits par les charmes de l’Helvétie voisine. Si, certes, l’utilisation par les services fiscaux d’une liste de fraudeurs titulaires de comptes en Suisse a permis de récupérer 500 millions d’euros pour les caisses de l’Etat, cela n’en reste pas moins bien léger comparé aux 50 milliards d’euros de manque à gagner que représenterait la fraude fiscale.

Profitons donc de l’occasion, en ces temps de caisses vides et de débat sur « l’identité nationale » pour attirer l’attention du ministre sur ces vaillants patriotes, émérites représentants de la France qui gagne plus… en plaçant son pognon à l’étranger. C’est le magazine suisse Bilan de décembre 2008 qui indiquait que sur les 300 habitants les plus riches on recensait 32 exilés français, dont 10 milliardaires. Et, précisait le magazine helvète, « cette liste est loin d’être exhaustive car leur recensement n’est guère aisé. S’installant en toute discrétion, il n’est pas facile de retrouver leurs traces. »

Citons-en quand même quelques-uns : on y trouve, par exemple, certain membres de la famille du poivrier Ducros. Ceux qui se demandaient «pourquoi Ducros se décarcasse ?» ont la réponse. C’était pour échapper au fisc. On trouve aussi l’héritier Guerlain, qui a trouvé un deux-pièces à Gstaad, la ville de Johnny Hallyday. Ou encore Paul Dubrulea, fondateur du groupe hôtelier Accor, premier groupe hôtelier européen. Ou encore Eric Peugeot, Jean Taittinger (champagne), Benjamin de Rothschild (finance), Gérard Wertheimer (Chanel), Philippe Hersant (presse), Michel Reybier (ex-Cochonou et Justin Bridou), Claude Berda (AB Group) ou encore les familles Bich (groupe Bic), Lescure (société Seb) ou Defforey (Carrefour). Sans oublier les champions des sports mécaniques : Alain Prost, Jean Alesi, Patrick Tambay, Sébastien Bourdais, Frank Montagny, Stéphane Peterhansel, Sébastien Loeb. Ou les tennismen et women Jo-Wilfried Tsonga, Paul-Henri Mathieu, Arnaud Clément, Gaël Monfils, Richard Gasquet ou encore Guy Forget, Arnaud Boetsch, Amélie Mauresmo et Marion Bartoli. Signalons aussi les skieurs Antoine Dénériaz et Jean-Claude Killy ainsi que le cycliste Christophe Moreau.

Une « liste quasiment interminable », précise le magazine qui ajoute que « le monde du spectacle n’est pas en reste, avec Charles Aznavour, Patricia Kaas, Alain Delon ou encore Marie Laforêt. Ces deux derniers ont même opté pour la nationalité helvétique. Ils côtoient quelques riches héritières, à l’image de Corinne Bouygues, Caroline Arpels (Van Cleef Arpels) et Michèle Bleustein-Blanchet, la fille du fondateur de Publicis. »

Toutes et tous visiblement plus soucieux de bénéficier du forfait fiscal offert par la Confédération que de la protection du bouclier fiscal sarkozyen.

Non d’un minaret, une invasion pareille ça mériterait un référendum.

Christian Gourdet

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