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La FSU s'engage vers l'unification syndicale

Le congrès national de la FSU, le cinquième depuis la création de cette fédération en 1993, s'est tenu à Lille début février. Sur fond d'évolutions assez profondes mais mal assumées du « modèle fédéral » construit après l'explosion de la FEN dont elle est issue, la FSU s'est surtout penchée sur son avenir et celui du syndicalisme, ouvrant grand les portes d'une démarche d'unification.

Le congrès de Lille semblait relativement mal engagé. Constituée à plus de 80 % de personnels de l'éducation nationale, la FSU, fédération des services publics depuis son congrès de Perpignan (2004), avait connu une période de fort tangage en 2009, lié à des divergences internes sur la question de la formation des enseignants.

De fait, la fédération n'avait pu réaliser de synthèse entre les différents syndicats nationaux représentant des secteurs dont l'appréciation de la réforme était divergente : le premier degré (SNUipp) n'en voyait pas l'intérêt, vingt ans après l'accès des instituteurs à la catégorie A, le supérieur (SNESup) l'interprétait comme la fin des second cycles universitaires de recherche, vidés de leurs étudiants par les nouveaux masters « de recherche », le second degré (SNES) y trouvait surtout la concrétisation, dans des conditions difficilement acceptables cependant, de sa revendication très ancienne d'élévation du niveau de qualification des professeurs des lycées et collèges.

A cela s'ajoutait la stratégie des courants minoritaires consistant à enfoncer le clou de la discorde entre ces syndicats, tous dirigés par des militants du courant majoritaire, avec en toile de fond une remise en cause du modèle fédéral de la FSU, qui veut que la fédération ne se dote pas de mandats opposés à ceux de ses syndicats nationaux dans leur champ de syndicalisation. Au final, en mai 2009, le conseil national de la FSU s'était trouvé dans l'incapacité d'adopter un texte général du fait de ces blocages.

Contre toute attente, le débat au sein du congrès a été très serein. Dans un contexte où les règles de la FSU favorisent les courants minoritaires (qui disposent d'une délégation numériquement supérieure au résultat du vote des syndiqués) et imposent que les textes obtiennent 70 % des voix pour être adoptés, la motion sur la formation des enseignants, malgré une opposition ferme des courants minoritaires, a été approuvée par 80 % des délégués. Les autres motions, sur l'éducation, sur le service public, sur les alternatives économiques et sociales et sur le syndicalisme, passant avec des majorités supérieures à 90 % des voix.

Le « modèle FSU » a donc montré sa capacité à faire de ses faiblesses une force, même s'il est, désormais, clairement en évolution.

Un modèle fédéral en transition ?

Par bien des aspects, le modèle fédéral de la FSU est cependant de plus en plus inadapté à la réalité. Fondé en 1993 dans la suite du rejet des dérives autoritaires de la FEN dont la FSU est issue, il correspondait à un état des forces internes et des formes d'organisation externes qui sont largement dépassées.

Le « trépied » (syndicats nationaux – sections départementales – tendances) de la fédération semble ainsi aujourd'hui en complet décalage avec le syndicalisme réel de la FSU.

Ainsi, le fonctionnement en tendances bat de l'aile. Rejeté de fait par un nombre important de syndicats nationaux, notamment ceux qui ont rejoint la FSU après sa transformation en fédération des services publics, il se heurte aussi à une bipolarisation qui fait du courant Ecole Emancipée (18 % des voix, en progression) l'unique interlocuteur des majoritaires Unité et Action (72,9 %, stable) alors que les trois autres tendances se sont marginalisées à moins de 4 % des voix chacun.

Ce système, censé garantir le caractère unitaire, permettant à chacun de trouver un mode d'expression de ses orientations, est donc loin de satisfaire à cet impératif, et ce d'autant plus que l'homogénéité des tendances est de moins en moins assurée, au sein du courant majoritaire, ce qui est logique, mais aussi au sein de l'EE, dont l'assise est essentiellement politique, et qui voit les relations se tendre entre les militants proches du NPA, les plus nombreux, et ceux qui ont choisi de suivre la Gauche Unitaire.

Les sections départementales, elles, peinent à répondre à la régionalisation des politiques publiques : créés il y a trois ans, les structures fédérales régionales n'ont ni moyens humains, ni représentation dans les instances nationales, et doivent se contenter de fait de coordonner comme elles le peuvent les interventions des uns et des autres.

Enfin, le champ des syndicats nationaux est profondément mis en cause par la décentralisation et la RGPP. Ainsi, plusieurs syndicats ont des chevauchements de champs de syndicalisation dans la fonction publique territoriale, tandis que la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) qui fusionne les services de différents ministères aux échelons départemental et régional, va rendre obsolète la structuration en syndicats de métier et de corps.

Cette triple crise va de pair avec des interrogations sur le fonctionnement de la fédération elle-même. Si l'attention s'est portée sur la succession de Gérard Aschiéri, secrétaire général depuis 2001, qui avait annoncé il y a trois ans son intention de se retirer à l'occasion de ce cinquième congrès, par Bernadette Groison, de quinze ans sa cadette et issue du premier degré, le débat assez serré sur la modification de la composition de l'exécutif national est passé relativement inaperçu.

Pourtant, en décidant de doter la FSU de secrétaires nationaux chargés de dossiers fédéraux, le congrès de Lille a pris acte de l'impossibilité pour une seule personne de suivre l'ensemble du champ de compétence de la fédération, et pris le contre pied d'une logique qui, voulant éviter les dysfonctionnements de la FEN, avait refusé la création de postes de « grands fédéraux ».

Un appel à l'unification syndicale

Mais l'événement majeur de ce congrès a été l'appel lancé à l'ensemble du mouvement syndical pour une « dynamique » visant à la création d'un « nouvel outil syndical ».

Si les mots qui pourraient fâcher ne sont pas prononcés, le sens est clair : la FSU a écarté l'idée de créer une nouvelle confédération s'ajoutant aux autres, et a marqué sa volonté d'en finir avec son autonomie, héritée du passé.

Pour se faire, elle entend poursuivre et élargir les initiatives d'élaboration commune qu'elle a déjà prises avec la CGT d'une part et Solidaires d'autre part. Ces initiatives, qui se traduisent par des colloques publics communs aux organisations, s'est prolongé par la décision de présenter des listes communes CGT-FSU-SUD pour l'élection des comités techniques paritaires des personnels des préfectures.

Si, contrairement à ce qui avait été dit par le congrès du SNES en mars dernier, la CGT n'est pas citée explicitement comme partenaire principal de cette dynamique, il est clair dans l'esprit de la FSU que rien ne pourra se faire sans l'engagement de la première confédération ouvrière dans cette perspective.

Le discours de Bernard Thibaut, moins applaudi mais plus écouté que lors du congrès précédent, a donné une impression mitigée : d'une part, il a exprimé son souhait d'approfondir le travail en commun, mais d'autre part, il n'a pas dis un mot du fond de la démarche engagée, alors même que le congrès était en train d'en débattre.

Désormais, il est clair que la balle est dans le camp de la CGT qui ne pourra éternellement rééditer son silence du 49ème congrès. A ne pas vouloir regarder l'évidence en face, elle risquerait fort de décevoir ceux qui, aujourd'hui, comptent sur elle pour renouveler et unifier le syndicalisme en France.

Daniel Marceau

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