GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

La France n'a jamais été aussi riche mais pas les salariés français, loin de là

" Fracture ou désagrégation sociale ? "

fait mine de s'interroger Sarkozy, " La France est malade du Smic ",

s'écrie Le Figaro.

Les grands groupes français du Cac 40 ont gagné 57 milliards en 2003, 66,2 milliards en 2004, 84,3 milliards d'euro en 2005. Jamais, de toute son histoire, la France n'a été aussi riche, jamais ses entreprises n‘ont fait de tels profits. Il est question de 100 milliards d'euros de bénéfices en 2006.

Jamais la " cagnotte " privée n'a été aussi importante de notre histoire.

La France n'est pas du tout " en déclin", elle n'a jamais été aussi attractive, productive, riche, elle est la quatrième puissance industrielle du monde : l'année dernière, les investissements directs étrangers en France (qui mesurent, en gros, les prises de participations et les rachats dans des entreprises françaises, et les créations d'entreprises par des étrangers) se sont élevés à 49,8 milliards d'euro.

En matière d'attractivité des capitaux étrangers l'économie française arrive en 2° position devant la Grande-Bretagne, en matière d'exportations de capitaux, elle arrive en 3° position avec la Grande-Bretagne.

De fait, la France reste dans le trio de tête des pays d'accueil des investisseurs, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Fin janvier, la Banque de France avait d'ailleurs dressé une véritable ode au dynamisme du site France :

" L'économie française a atteint au cours de ces dernières années un excellent niveau de compétitivité " vis-à-vis de tous ses partenaires, qu'ils se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union européenne...

La France est le premier pays exportateur, son excédent commercial étant le plus élevé au monde en moyenne dans la dernière décennie ! Et elle est le pays qui a le moins d'inflation, 1,7 % en moyenne depuis 10 ans ! C'est le premier pays au monde en matière d'épargne.

Où va cette immense richesse ? Ni aux impôts, ni aux salaires mais aux dividendes :

Elle ne va pas aux impôts : ceux-ci ont été baissés considérablement par Chirac, Raffarin, Sarkozy, depuis 2002, ce qui démunit l'Etat des moyens d'une action sociale, ce qui amplifie la dette de la nation, aggrave les déficits.

Elle ne va pas aux salaires. Le recul du pouvoir d'achat est significatif et Sarkozy, au gouvernement depuis cinq ans est obligé de l'avouer :

" En 25 ans, le pouvoir d'achat des salaires n'a, en moyenne, presque pas augmenté alors que le niveau de qualification n'a pas cessé de s'élever ! Et tout le monde sait bien que la réalité est pire, et qu'en vingt-cinq ans la France qui vit de son travail a subi une chute de son niveau de vie, qu'elle a plus de mal à joindre les deux bouts, plus de mal à se loger. " (discours d'Agen... de Nicolas Sarkozy, 22 juin 2006).

Sarkozy ose même affirmer : " La fracture sociale s'est transformée en désintégration sociale. " comme s'il n'était pas aux manettes depuis 2002.

En effet, 50 % des énormes profits réalisés par les grands groupes de notre pays, des milliards d‘euros, ne sont même pas ré-investis, ils sont reversés aux actionnaires.

Selon une étude de la Société générale, les entreprises du Cac 40 versent 17 milliards d'euro aux détenteurs de leurs actions, contre 14,5 milliards l'année précédente. La majorité des groupes ont décidé d'augmenter la part de bénéfices redistribués à leurs actionnaires. En moyenne, les dividendes représentaient 40 % des profits des entreprises en 2004, ils atteignent 46,5 % en 2005.

Cette forte distribution de dividendes provoque une hausse des rendements des titres du Cac 40. Avec de tels rendements, les groupes concurrencent les obligations et les emprunts d'Etat. L'Etat collectant moins d'impôts, il emprunte à des taux élevés à ces groupes, ce qui accroît la dette... Et ensuite, les libéraux feignent de s'en indigner puis donnent la " priorité à la réduction des déficits " en serrant la ceinture aux programmes sociaux...

En France, la part des profits accapare 40 % de la richesse annuellement créée et c'est bien plus qu'aux Usa (33,5 %) et qu'en Grande-Bretagne (31,5 %).

Tout ce qui précède prouve que l'on pourrait baisser cette part de profits et demeurer aussi attractifs que les Usa et la G-B. Mais ni le Medef ni Sarkozy ne veulent entendre parler de cela. Au contraire Sarkozy accuse à tort les socialistes : " Ils disent : faisons payer le capital ! Mais si le capital paye trop, il s'en ira. "

Là, en une seule phrase-aveu, le prétendu " volontariste " Sarkozy abdique toute volonté et tout contrôle par rapport au capital. Comme par hasard...

Le capital se porte très bien en France

Du coup, en France il y a 378 000 millionnaires soit 3,5 % de plus que l'année précédente. C'est le Figaro qui le dit : " La France est un formidable réservoir de grandes fortunes ". D'après ce journal, 367 000 Français sont à la tête d'un patrimoine financier de plus d'un million de dollars (en euro, plus de 796 000).

La France se classe au 5ème rang derrière quatre pays plus peuplés pour le nombre de millionnaires, mais devant la Grande-Bretagne et l'Allemagne, juste derrière les Etats-Unis. Dans le monde, il y a 8,2 millions de millionnaires, (+ 500 000 en 2005 soit 8 % de plus) dont 793 milliardaires en dollars, 33 000 milliards de dollars au total.

Le magazine " Challenges " a publié le classement 2006 des 500 premières fortunes professionnelles de France (issues de la possession d'actions d'entreprises). L'homme le plus riche de France reste Bernard Arnault, Pdg et principal actionnaire du groupe de luxe LVMH. En un an, la fortune d'Arnault est passée de 14,3 à 17,2 milliards d'euro. Elle a donc augmenté de 20,2 %. Combien de ses salariés pourraient en dire autant de leur salaire ? La fortune professionnelle de Gérard Mulliez, principal actionnaire d'Auchan, augmente de 40 %, passant de 10 à 14 milliards d'euro. Celle du marchand d'armes Dassault augmente de 15 %. Celle de la famille Bouygues, de 54 %.

Ces fortunes indécentes, les grands actionnaires les doivent à la spéculation boursière et à l'augmentation des profits dégagés par le travail de leurs salariés et la politique de licenciements, de blocage des salaires et de dégradation des conditions de travail qu'ils imposent depuis des années à toute la société. Parmi les noms les plus connus, on retrouve la famille Peugeot (3,4 milliards d'euro), la famille Michelin (1,1 milliard d'euro), ou la famille Durand (600 millions d'euro) principale actionnaire de la cristallerie d'Arques. Laurence Parisot figure en 276ème position dans la liste de ceux dont la fortune ne semble pas menacée de devenir, un jour, précaire.

Au total, en un an, les 500 plus grands actionnaires français ont accru leur fortune de 30 milliards d'euro. C'est près de trois fois le montant du déficit de la Sécurité sociale (10,3 milliards d'euro), et l'équivalent de... 2,3 millions de Smic mensuels à 1254 euro.

Mais alors pourquoi faire reculer la Sécurité sociale et les retraites ? Celles-ci ont été mises en place en 1945 alors que la France était en ruine ? Qu'est-ce qui peut justifier qu'elles soient rognées en 2005 alors que la France est cinq fois plus riche ? Pourquoi baisser les impôts des riches et bloquer le Smic des travailleurs pauvres et les allocations des chômeurs ? Pourquoi tout cet acharnement contre le Code du travail ?

La France malade du Smic ?

Paradoxalement, dans la même livraison du Figaro où paraissent des révélations sur les "rémunérations" des grands patrons et actionnaires, est publié un article d'André Babeau : " La France malade du Smic ! ".

Et cela correspond à ce que dit le Medef le jour où le gouvernement de Nicolas Sarkozy augmenta très modestement le Smic de 3,05 % : + 24 centimes d'euro par heure, ce qui aboutit à un salaire brut de 8,27 euro de l'heure, et de 1254,28 euro pour 151,66 h. M. Gauthier-Sauvagnac, au nom du Medef, condamne cette hausse " électorale ". C'est trop ! Il exprime aussi sa " crainte " d'un " écrasement des salaires " (sic), pariant d'avance que la négociation collective ne fera pas progresser les salaires au dessus du Smic...

Sarkozy : " Ils disent : augmentons le Smic, l'entreprise paiera ! Mais si elle ne peut pas payer, elle licenciera ou elle ira produire ailleurs ou elle se rattrapera sur tous les autres salaires. " C'est ainsi qu'à Agen, Sarkozy, avec son style bien à lui, justifiait par avance le chantage aux délocalisations ou au tassement des grilles salariales.

Parisot et Sarkozy essaient de nous faire croire que " les profits d'aujourd'hui nourrissent les investissements de demain qui font les emplois d'après-demain " mais tout prouve en pratique, depuis 25 ans, que cela ne se passe pas ainsi.

Qui peut vivre décemment avec un Smic net de moins de 1000 euro ? A Paris un calcul serré a établi qu'il fallait au moins de 1300 euro nets, par mois, pour survivre.

Voilà pourquoi on peut, on doit défendre un smic à 1500 euros avec 100 euros de hausse immédiate.

Petite histoire

du Smic


Au départ, le Smig :

Un " salaire minimum national interprofessionnel garanti " (smig) a été instauré par la loi du 11 février 1950. Il devait au départ être défini par les partenaires sociaux, sur la base du budget type d'un manœuvre célibataire dans la métallurgie en région parisienne. Mais faute d'accord, le gouvernement fixera lui-même le niveau du smig à 78 francs bruts de l'heure (soit 7,80 nouveaux francs) en région parisienne et 64 francs en province.

La loi du 18 juillet 1952 pose le principe d'un ajustement automatique du smig sur l'évolution des prix, dès que celle-ci dépasse 5 % depuis la date du dernier ajustement. Mais la possibilité de relèvements supérieurs par voie de décret est maintenue. La loi du 16 juin 1957 ramène ce seuil de déclenchement à 2 %.

Du Smig au Smic

La loi du 2 janvier 1970 transforme le Smig en salaire minimum de croissance (Smic), qui est étendu aux activités agricoles. Ses règles d'évolution sont modifiées. Il est indexé à la fois sur les prix à la consommation (hors tabac depuis 1992) et sur les salaires.Une conférence annuelle tripartite (gouvernement, syndicats, patronat) a lieu fin juin, pour débattre du taux du Smic et des salaires. Le Smic est révisé tous les 1er juillet dès que les prix augmentent de plus de 2 % et l'accroissement de son pouvoir d'achat " ne peut être inférieur à la moitié de celui des salaires horaires moyens des ouvriers enregistrés par l'enquête trimestrielle du ministère du travail ".Les revalorisations sont établies chaque 1er juillet. Mais le gouvernement est libre de porter le Smic à une valeur supérieure à n'importe quelle période de l'année. Ce sont les " coups de pouce ".

Les Smic 35 heures et les Smic 39 heures

Lors de la mise en place des 35 heures, la gauche se refuse d'aligner le Smic 35 h sur le Smic 39h. Pour ne pas pénaliser ceux qui étaient déjà passés aux 35 h, la loi du 13 juin 1998 crée une " garantie de rémunération mensuelle " (Gmr). Elle crée un mécanisme complexe qui aboutit à la création de six Smic différents (le Smic étant toujours calculé sur une base horaire). Celle du 17 janvier 2003 met fin à ce système en prévoyant un retour des 20 % de salariés bénéficiant de Gmr au Smic unique le 1er juillet 2005, par un mécanisme de convergence mais à mi-niveau.

Le Smic remis en cause par le Medef:

Mme Parisot veut que le Smic ne soit plus ajusté par le gouvernement mais par une " commission des sages indépendante ". Elle veut qu'il soit calculé annuellement au lieu de l'être mensuellement. Et elle veut en revenir à des Smic différenciés au niveau régional et par branche. En exigeant aussi la disparition de toute durée légale du travail, elle met du même coup à bas tout Smic de référence.

Les silences de Segolène Royal sur les salaires


Ségolène Royal a le chic pour communiquer sur des formules. Pourquoi n'y parvient elle pas sur l'éminente question des salaires ? Suggestions :

Plus de 15 % de salariés sont smicards soit prés de 3 millions dont 20 % sont des femmes.

Dans le commerce 40 % des salariés gagnent moins de 1000 euros.

36,9 % des smicards sont à temps partiel.

La part des cotisations sociales salariées est passée de 12,8 % à 21,36 % entre 1980 et 2005

Intéressement, participation, épargne salariale, sont des compléments de salaire "à la mode ". Ils ont surtout pour effet de pas abonder les caisses de protection sociale.

Les profits des grandes entreprises ont progressé de 33 %

La France est au 1er rang de la rémunération des dirigeants de grande entreprise, mais au 14° rang pour le salaire médian.

40 Pdg viennent de se partager 700 millions d'euros en stocks options, à lui seul le Pdg de Vinci a reçu 5677 années de la rémunération d'un salarié de Vinci.

Entre 1983 et 2003, les dividendes versés aux actionnaires, par les sociétés, ont été multipliés par 9 quand le taux horaire du Smic a été multiplié par 2.

21% des travailleurs pauvres occupent un emploi à temps partiel.

Le prix du loyer dans le secteur privé a augmenté en moyenne de 4,3 % entre 2004 et 2005.

L'écart de rémunération entre hommes et femmes se situe à 24,8 %.

Dans les entreprises de moins de 10 salariés, le salaire moyen est inférieur de 25 % au salaire des entreprises de plus de 10. La proportion de smicard atteint 34%.

Du 1er janvier 1983 au 30 juin 2006, la perte de pouvoir d'achat des personnels de la fonction publique est de 14,2%.

La plus grande partie des grilles salariales contenues dans les conventions collectives professionnelles est aujourd'hui en dessous du Smic, pour les premiers niveaux de classification. Pourquoi pas aligner tous les minimas, par loi, sur la progression du Smic ?

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