GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

La démocratie casino selon Ségolène Royal

Ségolène Royal propose de créer des « jury populaires » dont les membres

seraient tirés au sort, pour instaurer « une surveillance sur la façon dont

les élus remplissent leur mandat ».

C'est une proposition démagogique. Elle s'appuie, en effet, sur une réelle

aspiration populaire mais en dévoie le sens et la conduit droit dans

l'impasse.

C'est une proposition qui s'appuie sur une réelle aspiration populaire

Cette aspiration est tout simplement l¹aspiration à la démocratie.

A chaque élection depuis 1995, notre peuple a systématiquement désavoué le

libéralisme, de droite comme de gauche : législatives de 1997,

présidentielle de 2001 (en raison du caractère mitigé du bilan de Lionel

Jospin et de son programme qui n'était « pas socialiste »), défaite

écrasante de la droite aux régionales et aux européennes de 2004, victoire

du « non » au référendum sur la Constitution européenne en 2005.

Mais, malgré ces désaveux constants, malgré les énormes mobilisations

sociales de 1995, 2003 et 2006, le libéralisme a continué à multiplier les

dégâts sociaux et les profits des grands groupes.

Que dans ces conditions, bon nombre de citoyens puissent éprouver l'envie de

faire passer devant « un jury populaire » les élus et « le mensonge de la

parole publique » n'a rien de vraiment étonnant.

Ce qui est étonnant, par contre, c'est qu'une responsable socialiste flatte

une telle envie plutôt que de mettre en évidence les véritables racines de

la crise très profonde qui frappe la démocratie représentative:

  • La Constitution de la Vème République, tout d'abord, qui dote de pouvoirs
  • considérables un Président dont l'irresponsabilité politique est totale.

  • Les institutions de l'Union européenne, ensuite. Aujourd'hui, en effet, plus
  • de 60% des actes législatifs et réglementaires adoptés en France sont

    directement issus de l'Union européenne. Mais l'Europe est une démocratie en

    trompe-l'œil : la seule institution élue au suffrage universel, le Parlement

    européen, est aussi celle qui a le moins de pouvoirs.

  • La concentration, enfin, des médias aux mains de puissances d'argent
  • (Bouygues, Rothschild, Lagardère). Des médias qui personnalisent la vie

    politique pour mieux la dépolitiser. Des médias dont les programmes

    politiques sont toujours soit absents, soit caricaturés.

    C'est une proposition qui dévoie l'aspiration à la démocratie

    Ségolène Royal ne propose aucune réforme des trois principaux instruments

    qui permettent de bafouer, avec une telle constance, la démocratie

    représentative.

    Le lendemain de la nomination d'Arnaud Montebourg comme son porte-parole,

    elle affirmait, haut et fort, sur France-inter son soutien aux institutions

    de la Vème République.

    Lors de sa conférence de presse sur l'Europe (le 11 octobre) elle n'a

    apporté strictement aucune précision sur le contenu d'une réforme des

    institutions européennes dont elle n'a, à aucun moment, indiqué le caractère

    profondément anti-démocratique.

    Elle ne remet pas en question la concentration qui confère un pouvoir aussi

    disproportionné aux médias. Il est facile de comprendre pourquoi : ce sont

    quatre hebdomadaires (Paris-Match, l¹Express, VSD et le Nouvel Observateur »

    qui ont simultanément lancé la promotion de son image. Ce sont, aujourd'hui

    encore, les grands médias qui la désignent systématiquement comme

    l'adversaire de Sarkozy en 2007 et qui font d'elle la « victime » de DSK et

    de Laurent Fabius.

    C'est une proposition qui conduit dans l'impasse

    La proposition de « jurys populaires » est complètement illusoire : en quoi

    ces jurys pourraient-ils s¹opposer à la nouvelle version de la « directive

    Bolkestein » que nous prépare l'Union européenne ? En quoi des « jury

    populaires » auraient-ils pu empêcher le démantèlement programmé de nos

    régimes de retraites par répartition, de l'assurance-maladie ou du code du

    travail ?

    Cette proposition permet de faire écran à un réel débat de fond sur la

    crise de la démocratie représentative. Elle n'a pas, pour autant,

    grand-chose à voir avec la « démocratie participative » dont Ségolène Royal

    ne cesse de se réclamer.

    La démocratie participative telle qu'elle s'exerçait au Brésil, dans la

    municipalité de Porto Alegre qui a « inventé » le terme, donnait un réel

    pouvoir de décision aux collectifs de citoyens. Il ne s'agissait pas

    simplement comme le propose Ségolène Royal d'organiser une nouvelle forme de

    sondage d¹opinion mais de permettre à tous les citoyens concernés de décider

    de l'affectation de budgets municipaux. Ces citoyens prenaient une décision

    collective après des délibérations où chacun pouvait s'exprimer citoyens,

    élus, « experts ») et où se construisaient des solidarités concrètes.

    C'est exactement l'inverse que propose Ségolène Royal : le tirage au sort

    est la négation de la délibération de tous, la négation de toute solidarité

    concrète, la négation de tout avis réellement collectif. Le tirage au sort

    renvoie chaque citoyen à son isolement et à la guerre de tous contre tous où

    le plonge l'économie néo-libérale.

    C'est la démocratie casino et, au casino, c'est toujours la banque qui finit

    par gagner.

    Jean-Jacques Chavigné,

    Gérard filoche

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