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La « compassion » de Christine Lagarde

Dans une interview au quotidien britannique The Guardian, la directrice générale du FMI estimait que les Grecs devraient « s’entraider mutuellement en payant leurs impôts ».

Elle aurait dû préciser qui était visé par ses propos : le salarié à 800 euros par mois, l’armateur grec que la Constitution et la loi dispensent de tout impôt, l’Eglise orthodoxe qui ne paie qu’un impôt dérisoire alors qu’elle est (de très loin) le premier propriétaire foncier du pays ? C’est bien évidemment le salarié à 800 euros (ou moins) que vise Madame Lagarde. Si ce n’était pas le cas, pourquoi n’aurait-elle pas demandé à l’Union européenne et à la Suisse de mettre en place les moyens juridiques pour taxer les centaines de milliards placés dans les banques suisses par les Grecs fortunés ?

Christine Lagarde trouve normal que la faute des parents retombe sur leurs enfants (les enfants des armateurs, ceux des popes ?). Les parents ne paient pas d’impôts, il est logique que les enfants grecs soient privés de services publics. Ce qui veut dire, si l’on écoute vraiment Christine Lagarde, qu’il est normal que les enfants grecs soit privés d’école et de soins médicaux.

La Directrice générale du FMI ajoute que sa compassion va d’abord aux enfants du Niger car « ils ont encore plus besoin d’aide que les gens d’Athènes ». Mais si les enfants du Niger sont dans une grande pauvreté, le FMI en porte toute sa responsabilité. Il a « aidé » le Niger et les pays africains comme il « aide » aujourd’hui la Grèce. Utilisant comme moyen de pression la dette publique des pays africains, le FMI et la Banque mondiale ont, en effet, imposé leurs « plans d’ajustements structurels » à ces pays. Cela veut dire qu’ils les ont obligés à renoncer à satisfaire les besoins de leur population pour tourner leurs économies vers l’exportation afin d’obtenir les capitaux nécessaires au remboursement et au paiement des intérêts de leurs dettes publiques. Les cultures vivrières (mil, sorgho …) ont donc dû faire place à des cultures destinées à l’exportation (coton, riz…). Voilà pourquoi les enfants africains souffrent de famine et de malnutrition. Ils n’ont pas besoin de la compassion de Christine Lagarde. Ils auraient plutôt besoin que la FMI change de politique et ne soit plus au service de la Finance mais des Êtres humains.

Les propos de Madame Lagarde, aussi odieux soient-ils, ont au moins un mérite, c’est de prévenir les peuples européens de ce qui les attend. La Finance dont madame Lagarde est l’une des plus éminente porte-parole, est prête à les affamer (c’est là que serait censé commencer la compassion de la Directrice générale du FMI), à les priver de leurs droits sociaux les plus élémentaires plutôt que de renoncer à la plus petite partie parcelle de ses intérêts.

La seule chose qui fonctionne avec la Finance, comme avec la Commission européenne et le FMI, c’est le rapport de forces. Chercher à « rassurer les marchés » nous mène partout à la catastrophe sociale, démocratique et financière : en Grèce, en Espagne, dans toute l’Union européenne. « Dominons la Finance », comme l’avait proposé François Hollande. Menaçons-la de ne pas rembourser la dette publique (pour l’essentiel aux mains des banques), organisons partout des audits de la dette publique pour déterminer publiquement, collectivement, démocratiquement quelle part de la dette est illégitime et ne doit pas faire l’objet de paiement d’intérêts ou de remboursement du capital. Nous la verrons aussitôt perdre de sa superbe et reculer pour essayer de sauver ce qui resterait à sauver de ses créances. L’intervention de Madame Lagarde dans l’élection législative grecque de juin prochain, au moyen de l’entretien accordé à « The Guardian », indique sans ambiguïté à quel point la Finance est au bord de la crise de nerf. C’est le second mérite de cet interview.

Jean-Jacques Chavigné

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