La bataille pour une autre politique de la santé continue
Nous publions ici un article de notre ami Jean-Claude Rennwald, militant socialiste et syndical suisse, ancien député (PS) au Conseil national suisse. Cet article fait suite à l’article paru dans le numéro 217 de la revue Démocratie&Socialisme : « Pour une autre politique de la santé »
Habitués à voter fréquemment contre leurs intérêts (refus des 6 semaines de vacances, opposition à l’instauration d’un salaire minimum légal à 4'000 francs (CHF) par mois…), les citoyens suisses ont repoussé, le 28 septembre dernier, l’initiative du Parti socialiste et de l’ensemble des forces de gauche en faveur d’une caisse maladie publique. Chez des milliers de militants, la déception est grande. Les résultats de ce référendum offrent toutefois quelques motifs de satisfaction.Les millions des caisses
Le rejet de l’initiative pour une caisse publique s’explique de multiples façons :
Le « oui » progresse
La votation sur l’initiative en faveur d’une caisse maladie publique a malgré tout fait apparaître des tendances positives :
Quelles perspectives ?
Sur de multiples sujets, la droite ne cesse de répéter qu’il faut laisser une marge de manœuvre importante aux cantons pour appliquer le droit fédéral.
Avec l’acceptation de l’initiative pour une caisse maladie publique par quatre cantons romands, la même droite est prise à son propre piège. En effet, et sous réserve de quelques vérifications techniques, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher ces cantons de créer leur caisse publique, soit séparément, soit ensemble, ce qui serait évidemment une solution plus intéressante et plus intelligente. Les primes d’assurance-maladie sont en effet un véritable casse-tête pour les familles à revenu modeste ou moyen. Car la Suisse, contrairement à la plupart des pays d’Europe, connaît un système de primes par tête particulièrement injuste. Sous réserve de subsides accordés aux plus défavorisés, une vendeuse ou un maçon paie la même prime que le directeur de Nestlé ou le PDG de Novartis !
Près d’un milliard d’économies
L’acceptation de l’initiative n’aurait pas entraîné automatiquement une réduction des primes, mais elle aurait au moins permis de mieux contrôler leur évolution. Député socialiste au Conseil national et président de la commission de la sécurité sociale et de la santé, Stéphane Rossini estime toutefois que grâce à l’initiative en faveur d’une caisse publique, on aurait pu économiser 800 millions à 1 milliard de francs (830 millions d’euros) par année, ce qui est considérable pour un pays aussi petit. Ces économies auraient été réalisées dans les domaines suivants : frais de gestion, coûts des changements de caisse, publicité, réduction du volume (élevé) des réserves. La réalisation de cet objectif aurait aussi été réalisée par une plus grande transparence dans l’ensemble du système. La caisse publique aurait aussi mis fin à la chasse aux « bons risques », c’est-à-dire aux assurés jeunes et en bonne santé, que les caisses préfèrent aux personnes âgés souffrants d’une maladie chronique !
Réforme globale
Dans l’idéal, la création d’une caisse publique d’assurance maladie, qui reviendra sur le tapis, d’une manière ou d’une autre, devrait s’inscrire dans une réforme globale du système suisse de santé qui, malgré les louanges de l’OCDE, présente de multiples incohérences. Non seulement député PS, mais aussi chercheur en sciences sociales, Stéphane Rossini livre des pistes intéressantes dans un ouvrage très documenté La gouvernance des politiques suisses de santé (Lausanne, Éditions Réalités sociales, 2014) : allocation optimale des ressources publiques, économicité et efficience des prestations de santé, « dans l’esprit du service public et de l’intérêt général », meilleure planification hospitalière, utilisation plus soutenue des génériques, et ceci d’autant plus qu’en 2010, les coûts de la santé consacrés aux médicaments ont dépassé 6 milliards de francs.
Jean-Claude Rennwald
Ancien député (PS) au Conseil national suisse
Militant socialiste et syndical