GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

L’Union européenne libérale avance masquée (3)

Les dirigeants européens font aujourd’hui grand bruit autour de la « régulation » qu’il serait en train d’imposer à la finance. En réalité, cette « régulation » n’est que cosmétique et laisse intact le risque d’une nouvelle crise bancaire et financière. Et pour cause, loin d’être excroissance sur le capitalisme, la finance en est aujourd’hui le cœur.

La remise en question du vecteur principal de la propagation de la crise des « subprime » à l’Union européenne, la libre circulation des capitaux entre les pays européens et entre ces pays et le reste du monde, n’a, en effet, même pas été abordé dans les discussions des dirigeants européens.

Les banques en 2008 et 2009 étaient « trop grandes pour faire faillite ». Il avait donc fallu dépenser des milliards d’euros pour leur venir en aide et éviter que l’économie mondiale ne s’écroule comme un château de cartes. Sont-elles moins « grandes » aujourd’hui ? Non, bien au contraire puisque les plus « grandes » d’entre elles ont profité de la manne financière versée par les États pour absorber des banques moins importantes. Nous sommes donc, aujourd’hui, face à des mastodontes financiers qui plus encore qu’hier, sont « trop grands pour faire faillite », avec tous les risques aggravés, inhérents à une telle situation.

L’Union européenne a-t-elle au moins mis à l’abri les déposants des banques européennes ? Non, aucun pas n’a été fait en direction de l’indispensable séparation des activités des banques d’affaire et de celles des banques de dépôts. Les mastodontes bancaires européens restent des « banques à tout faire » et peuvent continuer, comme avant la crise de 2007-2008, à spéculer en utilisant les dépôts de leurs clients. Les files de clients, voulant retirer leur argent, qui s’étaient formés devant les banques anglaises en 2007, menaçant de faillite l’ensemble du système bancaire mondial, ont déjà été totalement oubliées par les dirigeants de l’Union européenne.

Plusieurs centaines de milliards d’euros d’actifs toxiques restent encore dissimulés (selon le FMI lui-même) dans les actifs des banques. Pourquoi cette bombe à retardement qui pourrait déclencher à tout moment une nouvelle crise bancaire n’a-t-elle jamais été désamorcée ? Parce qu’il aurait fallu pour cela que les banques soient nationalisées et que la démocratie ait pu en finir avec l’opacité qui continue, encore aujourd’hui, à régner dans leurs opérations, leurs avoirs et leurs engagements. Une telle solution est hors de propos pour des dirigeants néolibéraux européens qui s’empressent, au contraire, d’en finir avec les nationalisations bancaires qu’ils avaient été obligés d’effectuer sous la pression de la crise. Ils avaient à ce moment là socialisé les pertes, en gonflant les dettes publiques, prétextes aujourd’hui à leurs plans de « rigueur ». Ils n’ont qu’une hâte aujourd’hui, celle de privatiser les profits.

La « régulation » financière que se vantent d’instaurer les dirigeants de l’Union européenne, se limite, en fait, à bien peu de choses. La taxation des opérations financières dont personne ne précise si elle frapperait les profits ou le chiffre d’affaire des banques (ce qui n’a rien à voir en termes d’efficacité) joue les serpents de mer. La discussion sur les « fonds spéculatifs » est, sous la pression de Londres, remis aux calendes grecques. Les paradis fiscaux ont été légitimés par la réglementation adoptée par le G20 en septembre 2009. Les trois « superviseurs bancaires » européens ne pourront pas empiéter sur la souveraineté fiscale des Etas-membre ce qui réduit considérablement leurs pouvoirs. Ces « superviseurs » pourront « superviser » l’ensemble des produits bancaires mais, de l’aveu même des dirigeants des banques, seuls les concepteurs des produits les plus sophistiqués et les plus risqués peuvent en comprendre le fonctionnement.

Nous sommes très loin de ce qui pourrait désarmer la finance et l’empêcher de provoquer une nouvelle crise dont les conséquences seraient beaucoup plus graves que celle de 2007-2008 : l’interdiction des produits dérivés, celle de la titrisation des créances, celle de l’effet levier qui permet de prendre des risques énormes avec un apport de fonds minime... Tout cela constitue pourtant la finance « socialement inutile » dont parlait, il y a quelques mois, Adair Tuner, le président de l’Autorité britannique des services financiers (FSA).

L’Union européenne, sous prétexte de « réguler » la finance, se contente donc d’apporter quelques timides freins auxquels elle-même ne croit pas, à l’image du ministre suédois des finances Anders Borg qui n’hésite pas à affirmer son credo néolibéral lorsqu’il déclare : « Nous aurons encore des bulles et des crises financières. La cupidité, le goût du jeu, la prise de risque font partie de la nature humaine ». A quoi bon, en effet, essayer de réguler la « nature humaine » ?

Jean-Jacques Chavigné

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