GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

L'unification du syndicalisme enfin en marche ?

L'unité qui préside, depuis le 19 janvier, à l'action syndicale interprofessionnelle a des effets

évidents sur l'ampleur des mobilisations. Mais elle semble avoir déclenché aussi une prise de

conscience des effets de l'émiettement du syndicalisme français. Un séisme syndical est-il est

train de s'amorcer ?

Le congrès du SNES (Syndicat

national des enseignements du

second degré), principal syndicat

de la FSU (il représente 40 % des adhérents

de cette fédération), s'est achevé le

27 mars dernier avec l'adoption d'une

motion particulièrement importante : ce

syndicat propose que la FSU s'engage

dans la voie de la construction d'un nouvel

outil syndical, unifiant le syndicalisme

français, et indique qu'une telle

entreprise n'aurait de sens qu'avec la

CGT.

Si les formulations sont parfois complexes

et paraissent timides, le sens est

donné : au sein de la fédération, née en

1993 de la scission de la puissante FEN,

le débat est désormais posé d'une unification

du syndicalisme autour de la première

confédération ouvrière.

Cette prise de position du SNES, dans la

perspective du congrès fédéral qui aura

lieu en janvier 2010, est le résultat de

l'échec des tentatives précédentes d'élargissement

de la FSU. Au sein de l'éducation

nationale, son coeur historique, la

fédération pèse toujours autant, mais elle

n'est parvenu ni à réellement s'élargir à

l'ensemble des départements ministériels,

ni à réellement mordre dans la

fonction publique territoriale malgré l'adhésion

de structures syndicales issues de

la CFDT.

L'idée, caressée un moment par certains,

de faire de la FSU une nouvelle confédération

ou pseudo-confédération, sur le

modèle de l'UNSA ou de Solidaires, n'est

plus défendue que par quelques responsables

assez isolés, et n'est plus mentionnée

dans les textes que pour être

immédiatement récusée.

Un débat qui n'est pas tranché

dans la FSU

Si ce vote est évidemment très important,

il n'est que la première étape d'un processus

qui reste fragile. Le premier obstacle

sera évidemment interne à la FSU. Si la

réflexion semble largement avancée au

sein du SNES, il n'en est pas de même

dans les autres « gros » syndicats de la

fédération (notamment le SNUipp, syndicat

du premier degré). Au sein de la

tendance Ecole Emancipée (environ

15% des voix dans les élections

internes), très proche du NPA, qui a longtemps

défendu l'idée d'une fusion FSU-Solidaires,

et qui a échoué à faire inscrire

la référence à l'union des SUD dans le

texte du SNES, le débat est ne semble

plus aussi tranché. Il est certain que la

crainte d'une disparition du droit de tendance,

constitutif de la FSU et totalement

contrainte à l'esprit de la CGT, pèse aussi

largement sur sa réflexion. Dans l'ensemble,

la tendance majoritaire Unité et

Action

(75% des voix environ) ne semble

pas prête à sacrifier son choix historique

du pluralisme et du droit de tendance sur

l'autel de l'unification.

Reste aussi le positionnement des « nouveaux

»

syndicats, ceux qui ne faisaient

pas partie du socle historique de la FSU,

et qui l'ont rejointe après avoir quitté leur

confédération d'origine, essentiellement

la CFDT, et qui donc ont fait le choix de

la FSU en grande partie contre la CGT.

Rien ne dit, donc, que ce mandat adopté

à plus des deux tiers des voix, par le

congrès du SNES se transformera automatiquement

en mandat de la FSU. On

peut cependant s'interroger sur ce qu'il

adviendrait d'une fédération qui ne parviendrait

pas à s'accorder sur une question

aussi essentielle que celle de son

avenir !

La question des alliances

Mais l'autre obstacle, évident, est constitué

de l'attitude des autres organisations

syndicales. La plupart semblent largement

restreindre leur réflexion sur cette

question aux conséquences prévisibles

des nouvelles règles de la représentativité,

quitte à envisager des rapprochements

qui semblent totalement contre-nature,

comme celui de l'UNSA, de culture

réformiste et social-démocrate, avec la

CGC, fortement liée historiquement à la

droite politique, ou encore l'incroyable

association à la SNCF de la CFDT, qui

s'est toujours glorifiée d'une ligne « solidaire

et réformiste »

avec la très corporatiste

FGAAC...

La CGT, quant à elle, a longtemps considéré

ces questions comme secondaires,

arc-boutées sur sa ligne de « syndicalisme

rassemblé »

, se considérant comme la

confédération de référence qui n'aurait

pas à faire de pas en direction des autres,

et notamment de la FSU, souvent prise

de haut par les dirigeants de Montreuil,

qui pouvaient légitimement lui reprocher

le décalage entre ses prétentions de servir

de « modèle » syndical et la réalité de sa

représentativité interprofessionnelle.

Cette attitude fait craindre au sein de la

FSU une attitude hégémonique de la centrale

ouvrière, qui, dans le cas d'un tête-à-tête entre les deux organisations,

mènerait directement à l'échec.

Il n'en reste pas moins qu'une telle dynamique,

si elle venait à être confirmée et

par le congrès confédéral de la CGT fin

2009 et par le congrès de la FSU en janvier

2010, aurait forcément un impact

fort sur les autres formations syndicales.

D'ores et déjà, Solidaires, tout en s'opposant

sur le fond à une telle perspective,

en contradiction avec ses choix historiques,

a considéré, grosso modo, qu'elle

ne pourrait pas « ne pas en être » si ce

rapprochement devait se concrétiser.

On peut penser que d'autres organisations

se poseraient le même type de question:

au sein de l'UNSA, où le

rapprochement avec la CGC fait grincer

bien des dents, mais aussi sans doute

dans la CFDT, où il reste encore des militants

en contradiction avec la ligne

confédérale, mais sceptiques quant au

caractère démocratique de la CGT... sans

parler de FO, qui risque d'entrer dans une

période de forts troubles internes si les

nouvelles règles de représentativité

consacre sa marginalisation dans de

nombreux secteurs.

Comme souvent dans le monde syndical,

les grandes transformations mettent du

temps, surtout lorsqu'il s'agit de construire.

Autant une scission se décide en

quelques mois, autant un rapprochement

peut mettre des années. L'urgence de la

situation sociale et l'absence de réelle

alternative politique face à la droite au

pouvoir vont peut-être, ici, jouer le rôle

d'un accélérateur à une unification qui ne

pourrait être que bénéfique aux salariés.

Daniel Marceau

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