GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

L'impasse de la division et les difficultés del'union

Dès l’ouverture du débat préparatoire au congrès du PS, la majorité sortante a commencé par payer

le prix des échecs qu’elle a accumulés : le choix entre la stratégie d’union de la gauche et celle d’alliance

avec le MoDem devenait l’enjeu du congrès. Il traçait une ligne de séparation souvent franchie

dans un sens ou dans l’autre par les sensibilités issues de cette majorité. Celle-ci s’est finalement

trouvée éclatée en trois courants. Cet éclatement offrait à la base du PS l’ouverture, du débat qui lui

était refusé depuis 2002. Il dégageait l’horizon des sensibilités les plus attachées à l’ancrage à gauche

du PS : celui-ci pouvait maintenant sortir de six années de paralysie.

En outre, le débat du congrès du Parti

socialiste s’est trouvé percuté par la

crise financière, qui n’est que la suite de

la dégradation sociale continue produite par le

néo-libéralisme. Celui-ci, qui n’est que le

retour à un « pur capitalisme », qui se débarrasse

de tout contrepoids démocratique, s’est

vu mis en accusation comme jamais il ne

l’avait été. Des quatre principales motions,

seule celle présentée par Benoît Hamon

apportait déjà les solutions que réclame la

crise. Celles de Aubry-Fabius et de Delanoë-

Hollande durent faire un rapide pas à gauche.

Martine Aubry expliquait que « les questions

sociales doivent être au coeur de la politique

socialiste » pendant que Bertrand Delanoë

argumentait en faveur d’un « ancrage à

gauche dépourvu de toute ambiguïté ».

Le choix de l’ancrage à gauche

Le 6 novembre, ces trois motions

recueillaient au total 70 % des voix. C’était

l’approbation par la base socialiste du basculement

à gauche, du retour à l’union de la

gauche. La motion Hamon, promise entre 12

et 15 % à l’origine, approchait les 20 % et elle

aimantait les deux motions du centre. C’était

l’inversion du congrès de novembre 2005 où

la plupart des dirigeants de la gauche du PS

hésitant à s’affirmer trop à gauche, par crainte

de se retrouver isolés, s’étaient ralliés à

François Hollande dans une synthèse générale.

En 2008, la crainte changeait de camp.

Une convergence s’affirmait avec la synthèse

de 7 contributions réalisée dans la motion présentée

par Benoît Hamon, qui prenait ainsi la

succession que lui offrait Henri Emmanuelli.

Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez s’y ralliaient

à regret, en position subordonnée.

Le choix de la division

Le lendemain du vote, Jean-Luc Mélenchon

et Marc Dolez oublièrent les 70 % et le changement

réalisé depuis 2005. Décrétant que les

«raisins étaient trop verts», ils annonçaient

leur départ du PS pour fonder le «Parti de

Gauche».

Leur décision ne découle pas d’une stratégie

offensive qui choisit la voie la plus démocratique.

Non : il s’agit d’une tactique assise sur

le rôle moteur d’un tribun, à défaut d’un césar

ou d’un dieu. C’est malheureusement le choix

de la division de la gauche, en raison de l’adage

selon lequel on est davantage visible en

étant au premier rang d’un parti minoritaire

qu’au deuxième rang du parti majoritaire.

La place est déjà prise

L’opération conduite par Jean-Luc

Mélenchon et Marc Dolez va vite révéler ses

limites. Construire une infrastructure et des

relais de militants et d’élus locaux prend des

années. Pour les développer, il est nécessaire

de disposer d’une place libre qu’il faut occuper.

Ce n’est certainement pas le cas de la

gauche en France. Le PG prétend avoir

comme modèle Die Linke, en Allemagne : il

est vrai que Die Linke est promis à dépasser

les 10 % de voix (aux dépens du SPD), ce que

les Verts n’arrivent plus à atteindre. Mais si

Die Linke a davantage d’avenir que les Verts,

c’est parce qu’il n’est pas un «nouveau

venu», il bénéficie de l’implantation du PDS

dans l’Est de l’Allemagne (ex Parti communiste)

: il dispose d’une tradition et de relais

locaux. Son passé est encombrant mais il est

aussi un atout, comme pour le SPD. Un nouveau

venu, comme le furent les Verts, peut

rarement percer : il n’y a guère que la force

motrice de la Révolution de 17 qui a pu permettre

à certains partis communistes d’arriver

à faire jeu égal avec la «vieille maison»

socialiste. Le «Parti de Gauche» a un précédent

qui annonce son devenir : le MRC de

Chevènement.

Une fuite devant le débat

nécessaire dans toute la gauche

Accroître la division et la dispersion des

forces fait le jeu de la droite. La gauche ne se

réduit pas à la gauche de la gauche. La démocratie

exige le respect du pluralisme et donc le

débat. Sans cadre unitaire, il n’y a pas de

débat : quand donc militants socialistes, verts,

communistes et d’extrême-gauche ont-ils

l’occasion de débattre ensemble ? Tout ce qui

détruit l’unité, réduit le débat. Cela dépolitise

les militants, les transforme en petits soldats

soumis à la première idole venue. Le départ

de Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez a aidé

Ségolène Royal en donnant crédibilité à la

description apocalyptique que les médias

donnaient du débat préparatoire aux votes des

20 et 21 novembre. La démocratie et le débat

renforce notre combat commun, alors que la

division le paralyse. La scission organisée par

Mélenchon et Dolez affaiblit la gauche dans

son ensemble mais, comme ils sont évidemment

perçus comme responsables de cette

division, c’est eux qui en sont et en seront les

plus affaiblis. Déjà, ils perdent beaucoup de

leurs proches qui ne les suivent pas.

Unité de la gauche de la gauche

ou unité de la gauche ?

Comment prétendre sérieusement travailler

dans le cadre commun de l’unité de la gauche,

alors qu’on vient de refuser de travailler avec

les mêmes dans le cadre commun du PS ?

Dès la campagne européenne, l’unité de la

gauche est mise (provisoirement ?) de côté et

l’unité de la gauche de la gauche reste la seule

perspective ouverte avec, là aussi, comme

dans le PS, les mêmes problèmes de leadership.

La gauche de la gauche va probablement

aller aux élections de façon divisée. Nous

sommes loin de l’unité de la gauche.

On se plaint de la division syndicale, qui est

le principal facteur de la faible syndicalisation.

Le syndicalisme salarié est divisé en 8

centrales : CGT, CFDT, FO, FSU, UNSA,

CFE-CGC, CFTC, SUD. Mais la gauche fait

pire. Avec le «Parti de Gauche», avec le

«Nouveau Parti Anticapitaliste», avec la

«Fédération de la Gauche Alternative», elle

est plus divisée que jamais.

Il y a, désormais, 10 partis connus dont 9 ne

dépassent pas les 5 % : PS, NPA, Verts, PCF,

PG, MRC, FGA, PRG, LO, POI !

Ce sont tous ceux-là qu’il faut unifier

autour d’un programme commun.

Pierre Ruscassie

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…