GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

L'heure des choix ? Et si on faisait vraiment du socialisme ?

Feu ! C'est parti. Dernière grand messe,

estivale, avant le concile de Reims

où l'un

d'entre nous, le meilleur on l'espère, recevra

l'onction des adhérents, par la grâce du

socialisme. A réinventer le socialisme.

La France n'est pas présidente et avec

Nicolas Sarkozy

tout est devenu possible.

Une opposition parlementaire atone, ou

presque, sur toutes les contreréformes

du

gouvernement. De celle des retraites à celle

du code du travail, en passant par

l'Université, la liquidation des 35 heures, et

autres saignées dans la fonction publique,

sans oublier la réduction d'une tripotée de

libertés individuelles et collectives (droit de

grève, peines planchers, droit d'asile,

regroupement familiale...).

A vouloir se la jouer opposition constructive

et responsable (comment être constructif en

déployant ses voiles dans le sens du vent de

la destruction ? Être responsable devant qui?

Devant Sarkozy ou les électeurs de gauche?

On se demande...), on finit par être les

Porte-serviettes

du maître d'hôtel de

l'Elysée. Grâce à la mansuétude d'une

bonne partie de nos députés, le Traité de

Lisbonne a pu être ratifié alors que nous

avions les cartes en main pour que la barre

des 3/5e du parlement réuni en Congrès ne

soit pas atteinte et déclencher ainsi un

processus référendaire. Pourquoi avons-nous

permis au Président d'accentuer le

caractère bonapartiste du régime en

permettant la réforme des institutions ?

Certes, cette réforme ne change pas grand

chose sous le soleil de la cinquième, mais le

comportement de certains confine au prosarkozysme

pavlovien...

Qu'avonsnous

fait depuis l'arrivée

triomphante de la France de Neuilly au

pouvoir ?

On a gagné quelques villes, mis la

main sur quelques Conseils Généraux...

Important, essentiel, magnifique ! Mais pas

suffisant, camarades ! Nous sommes

tranquillement retournés à nos vieilles

partitions, jouant toujours les mêmes airs

éculés. Sommes-nous

socialistes, sociaux-démocrates,

sociaux-libéraux

? Faux débat.

Notre parti a toujours été social démocrate

(36, 81, 97, Blum, Mitterrand puis Jospin

n'ont pas déclenché de révolution, non ?).

Comment remporter la timbale de la rue

Solférino ? Si au moins on pouvait nous

éviter les leçons de philosophie du pauvre

sur le libéralisme... Les instrumentistes

changent, les accords divergent mais la

mélodie reste la même.

Les 17 millions de Français qui ont dit

non à Sarkozy attendent autre chose,

sans

parler des déçus du sarkozysme qui,

dégrisés, n'en finissent plus d'avoir la gueule

de bois. Attendre peinard l'alternance, en

laissant la droite se comporter comme

un éléphant dans un magasin de

porcelaine, est-ce

cela être

responsable et

constructif ? L'histoire

le dira, mais chacun

peut déjà se faire

une petite opinion

làdessus.

La rénovation dont

chacun se réclame

ne doit

pas se limiter au coup de ripolin de

la réforme des statuts et de l'adoption

d'une nouvelle déclaration de principe, le

tout rédigé, emballé et proposé au vote,

sans discussion préalable, par l'aréopage de

grands leaders qui nous mènent de grandes

défaites en faux-semblant

de victoires

depuis 2002.

Rénovation ?

Commençons par le Parti.

Toute direction

ayant failli doit se démettre. Un général défait

n'a plus de légitimité sur ses troupes. C'est

une question de morale autant qu'une une

exigence de la démocratie la plus

élémentaire. Les adhérents et les militants

sont la force, le souffle, la substantifique

moelle du parti. Le mépris dans lequel ils

sont tenus, bons qu'à ne se se faire les

arbitres plus ou moins éclairés des

élégances que se font les barons entre eux

les enferrent dans un infantilisme politique

qui tue dans l'oeuf l'initiative militante, la

volonté d'en découdre, la créativité politique.

Notre Parti tend à fondre son fonctionnement

sur celui régime : présidentialisme, scrutin

plébiscitaire, mépris des avis et initiatives

des structures intermédiaires (section,

fédération)... pour plus d'efficacité ? Mais est-on

plus efficace quand on renie son histoire,

sa culture, sa nature ? Le Parti socialiste doit

être plus qu'une écurie présidentielle, il doit

être le quartier général du progrès social et

démocratique en France. Nous voulons

transformer la société, pas la mimer. C'est

une erreur historique de vouloir couler notre

organisation politique dans le moule

d'institutions qui ne correspondent ni aux

idées ni aux valeurs de la gauche et du

socialisme qui fondent notre nature.

Démocratie et bonapartisme

n'ont jamais fait bon

ménage.

La nature n'est

rien sans la

culture. Notre

culture est de

gauche.

Porter les

idées des lumières, de la

Révolution française, de la

séparation de l'Église et de l'État,

du mouvement ouvrier, de la Résistance,

de l'internationalisme, du progrès humain, ne

peut être conditionné aux joutes de salons et

bavardages de clubs. Se reconnaître dans la

sentence de Jaurès "Sans le Socialisme, la

République est vide, sans la République, le

Socialisme est impuissant"

implique que le

combat pour l'Egalité soit le fil à plomb de

notre action. L'Egalité n'est rien d'autre que

le cœur théorique du socialisme. Les

idéologies ne sont pas mortes : la droite n'est

qu'idéologie, elle transpire chaque jour le

dogme de la liberté du renard dans le

poulailler. Et nous ? A force de nous

contorsionner en illusoires arrangements

théoriques entre le marché et la démocratie,

la liberté et la sécurité, la libre entreprise et

la justice sociale, la solidarité avec le sud et

la défense de la PAC ou que sais-je

encore

?, nous avons fini par nous perdre en

justifications de l'acceptation du tout libéral et tout sécuritaire et produisons gaiement un

salmigondis idéologique qui aurait toute sa

place dans un cabinet de curiosité. C'est

malheureusement la droite et le MEDEF qui

donnent le "la" du débat politique en France.

Pourquoi ? Parce que les socialistes (surtout

nos dirigeants, à vrai dire pour nous ça va)

sont d'une fébrilité idéologique qui ravit et fait

ricaner nos adversaires. Nous devons être

fiers de nos idées et de nos convictions car

nous sommes sûrs de leur justesse et de

leur actualité.

La ligne actuelle du PS, faite

d'acceptation de la politique du

gouvernement

mâtinée de molles

protestations, porte un nom, non assumé : la

"troisième voie". Solution miracle qui

consiste à faire comme la droite en

décrétant que c'est moderne.

Anthony Blair, Gérard

Schröder, Romano

Prodi... Les idoles du

modernisme, de la

gauche ancrée

dans l'avenir... De

vrais braves au

service du progrès

social ! La troisième voie

est surtout la voie du retour

de la droite au pouvoir là où elle

est empruntée. Au risque de pisser sur le

totem magique, la politique menée par Lionel

Jospin qui

se qualifiait de social-libéral était

clairement dans la troisième voie, quoique

drapée de l'oriflamme des 35 heures, la

pilule nous semblât moins amère... mais des

35 heures il ne reste pas grand chose et des

privatisations il reste tout. Politique qui a fait

fuir l'électorat traditionnel de la gauche et

permis le grand happening du 21 avril

2002... suivi immédiatement du second

grand happening de mai : la réélection du

personnage le plus corrompu de la

cinquième république. Grande performance

artistique. Les français ne veulent pas du

libéralisme. Il l'ont montré à toutes les

élections intermédiaires depuis 2002,

sanctionnant les gouvernements et surtout

au moment du référendum sur le TCE...

L'élection de Nicolas Sarkozy ne tenant qu'à

notre incapacité à nous mettre au diapason des espérances sociales des français, qui

préférèrent parier sur l'illusoire "président du

pouvoir d'achat" (slogan de gauche s'il en

est) plutôt que pour des abstractions

évanescentes telles que les fameuses

"sécurités durables" dont on se demande

encore à quoi cela pouvait bien correspondre

dans le réel comme dans la tête de notre

candidate.

Rénover le socialisme, c'est se

débarrasser des oripeaux

hors d'âge de la

"parenthèse libérale" ouverte en 1983, c'est

en finir avec les vieilles lunes qui ne mènent

à rien telle que "l'économie sociale de

marché" (on offre les œuvres complètes de

Jaurès à qui nous donne une définition de ce

machin). Il ne s'agit pas de revenir en arrière

(on entend déjà les objections des

brillants théoriciens

responsables de la

situation actuelle du

PS), mais bien au

contraire de

rompre avec notre

entêtement à nous

complaire dans nos

travers.

Changer notre fusil

d'épaule, sur tous les fronts.

Proposer un nouveau pacte républicain,

révolutionnaire; qui réhabilite le service

public comme garant du vivre ensemble et

du bonheur commun face au projet de la

jungle libérale; qui donne toute sa place au

salaire socialisé (pour la jeunesse en

formation, les actifs en rupture d'activité et

les retraités), pierre angulaire de la

démocratie sociale, meilleur remède aux

maux causés par le chacun soi et

l'exploitation des plus faibles; qui fasse du

droit au travail et à un salaire permettant de

jouir des mille plaisirs de la vie une priorité

absolue et non une fable pour électeurs

hésitants; qui réaffirme le droit à la liberté

absolue de conscience pour lutter contre les

communautarismes et obscurantismes qui

reprennent du poil de la bête et pourrissent

la vie de ceux qui en sont victimes (en

premier lieu les jeunes filles); qui intègre la

construction d'une Europe démocratique et et sociale comme premier paradigme de la

politique étrangère de la France... Bref un

projet qui ait la gueule d'un projet socialiste

et nous pose comme véritable alternative,

non seulement à la droite, mais aussi et

surtout au libéralisme et à ses ravages dans

la société.

Un projet de gauche, qui rassemble,

mobilise, unit toute la gauche.

Si le Parti

socialiste exerce un imperium sur la gauche

française, il n'est pas seul. Les grandes

tendances du socialisme, réformiste et

révolutionnaire, sont toujours d'actualité et

s'expriment de manière diverse, au moment

des élections, dans le syndicalisme, dans les

mouvements sociaux. Le nier revient à

s'enfermer dans un sectarisme qui divise les

forces vives de la gauche, les oppose

inutilement, ruine l'impératif d'unité de la

gauche qui seul permet aux victoires

politiques de se transformer en progrès

démocratiques et sociaux solides,

s'inscrivant dans la durée. La tentation du

centre créée

par l'illusion passagère du sexy-centrisme passée

et la fonte des neiges

communistes actée, l'heure est aux choix

pour la reconquête. L'électorat, encore

relativement volatile, qui se porte sur les

candidatures de la "gauche radicale"

représente une force et une dynamique que

le PS doit attirer dans une coalition de

gauche en se positionnant clairement avec

ses partenaires comme débouché politique

naturel aux exigences du salariat. Le seul

moyen de lutter contre le sectarisme des

organisations d'extrême gauche (en premier

la LCR-NPA,

qui n'a en réalité rien d'extrême

quand on y regarde d'un peu près), c'est

d'être totalement ouvert à un partenariat qu'il

faut initier, porter et réaliser car c'est là la

volonté du peuple de gauche : une gauche

unie, combative, audacieuse, novatrice.

Au congrès de novembre il faudra choisir.

Entre la continuité qui nous mènera où nous

en sommes, à l'extérieur du pouvoir, et laisse

le champ libre à la droite. Ou l'ambition de

construire une véritable alternative à gauche

en France, pour transformer le réel,

construire la république sociale et forcer le

destin d'une Europe qui appartienne

vraiment à ses citoyens.

Renaud Chenu

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