L'éclatement de la majorité sortante de la direction en 3 motions
Cela n’était pas arrivé depuis 1971. C’est la première fois que la majorité sortante du parti
socialiste ne s’auto-reproduit pas. François Hollande, certes, a essayé. Il a noué alliance avec
Bertrand Delanoë, promu grand challenger de Ségolène Royal dans les médias. Il a défendu
un «grand bloc central». Le mélange des médias et d’un grand bloc central devait suffire a
assurer la victoire, la transmission de l’appareil : hé bien, non, cela a été un échec total. La
majorité s’est décomposée en trois blocs «centraux», deux de trop!
Il est frappant de voir comment ce processusd’éclatement s’est entièrement
structuré, au départ, autour de «présidentiables
» plutôt qu’autour de choix
politiques.
Motion E
comme élection 2012
avec candidate pré-désignée
La première attaquante fut Ségolène
Royal, encore et toujours candidate pour
2012. Elle voulait faire main-mise sur la
direction du parti. Mais elle se montrait
trop avide : ses côtés provocateurs l’ont
minorisé. Ses coups de tête la rendait
incontrôlable, même de ses propres amis.
La majorité de l’appareil lui était hostile
sans savoir comment « traiter » son cas.
Les dirigeants furent incapables politiquement
de s’opposer à Royal : parce
qu’elle ne défendait pas les revendications
sociales ? Ni le Smic à 1500 euros,
ni les 35 h, ni la retraite à 60 ans, ni la
hausse des salaires ? Comment auraientils
pu le lui reprocher alors qu’eux
mêmes n’en disaient rien ? Ils se sont
donc gardé de marquer leurs différences
politiques avec elle, la laissant revenir au
premier plan. Elle récupéra même les
plus vieux secteurs conservateurs de
l’appareil en quête de sécurité pour 2012.
Motion A
comme attente déçue
Dans un premier temps, Bertrand
Delanoë avait percé. Personnalité contre
personnalité, c’était aux médias de les
départager: entre Ségolène et lui, les
militants étaient ravalés à l’applaudimètre.
Delanoë s’auto-proclamait successeur
grâce à sa réélection à la mairie
de Paris. Mais que disait-il ? On tendait
l’oreille. Il se présentait républicain,
ferme et autoritaire, certes, mais pour
quel programme? Rien. Il faut un «chef»
pour remettre le parti au travail… Certes,
il se situait dans la lignée de Lionel
Jospin. Mais était-ce celle, gagnante de
1997, avec les 35 h sans perte de salaire
ou celle de la campagne ratée du 21 avril
2002 ? La réponse ne vint pas, sauf sous
l’image du catastrophique : «Je suis
socialiste ET libéral». En dépit d’explications
laborieuses, Bertrand Delanoë ne
s’en est jamais remis. Plus le temps passait,
moins il était audible sur le fond. Ses
alliés de dernière heure, comme Pierre
Moscovici, l’entraînaient à droite, et il lui
fallait faire l’équilibre avec Harlem Désir
et d’autres, tout en se situant dans la foulée
de Hollande. Son « bloc central »
reproduisit tous les défauts, en plus petit,
du sortant.
Motion D
comme dépassement
impossible
Les « reconstructeurs », au début, c’était
un rassemblement entre les «strauss-kahniens
» et les «fabiusiens». Les deux
challengers, en fait se sont alliés, pour
défendre leurs futurs droits à pouvoir se
présenter à la présidentielle. En créant un
autre «bloc central» ils cherchaient à
neutraliser le duel annoncé Royal-
Delanoë. Restait une difficulté à susciter
une dynamique politique : là encore, sur
quelle base ? Ils furent tirés d’embarras
lorsque Martine Aubry fit mouvement et
refusa l’alliance sortante avec Delanoë et
Hollande.
Mais Moscovici y mit une exclusive : oui
à Martine, non à Fabius. Le clivage du
«non» et du « oui » au TCE vivait toujours.
Martine, elle, avait dit oui à
Fabius. Cambadélis accepta Fabius poussant
Moscovici à partir vers Delanoë -
après avoir tenté une alliance avec
Guérini, Collomb et Navarro. Ce qui
démontrait la malléabilité du fond politique
qui rapprochait ou écartait tour à
tour les uns des autres.
Le contenu des « reconstructeurs » ne fut
pas clarifié : il ne consistait plus qu’à
faire barrage aux deux autres «morceaux
» de la majorité, Royal et Delanoë.
Quitte à promouvoir, temporairement
Martine Aubry. Laquelle prenait volontiers
un «ton», un «style» plus gauche.
Mais tout en refusant une vraie orientation
proposée par Benoît Hamon. Faute
de se distinguer du « bloc central » sortant,
Aubry finit avec un score de même
niveau.
Ainsi la « majo » sortante était éclatée
mais sans bénéfice politique pour aucun
des morceaux. 29%, 25% 25%.
Hollande était passé de 90% à 25% en
partant. Aucun « chef » ne s’était imposé.
Aucune clarification politique ne s’était
effectuée. Les militants en avaient assez
de ces disputes ratées entre personnes. La
crise ouverte du capitalisme déferlant,
l’aspiration au renouvellement se faisant
pressante, c’est vers la gauche du parti
que le balancier pencha : la motion C
obtint 20% des voix.
La gauche socialiste avait eu mille fois
raison de s’unir alors que la direction sortante
se divisait !