GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Kouchner, Sarkozy, le cynisme et mai 68

Sarkozy accusait dans son ultime meeting électoral de Bercy, mai 68 d'avoir "imposé le relativisme intellectuel et moral", "liquidé l'école de Jules Ferry", "introduit le cynisme dans la société et dans la politique", "abaissé le niveau moral de la politique" (sic).

Selon Sarkozy, "La morale, après 1968, on ne pouvait plus en parler.” "Les héritiers de ceux qui, en mai 68, criaient " CRS = SS" prennent systématiquement le parti des voyous, des casseurs et des fraudeurs contre la police. "Voyez comment le culte de l'argent roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portées par les valeurs de mai 68." "Je veux tourner la page de mai 68 une bonne fois pour toute" conclut Sarkozy.

Et puis il a pris un des animateurs étudiants, jeunesses communistes, puis maoïsant, de mai 68, Bernard Kouchner, passé par la gauche et le PS, comme ministre des affaires étrangères. S'il y a un " relativisme intellectuel et moral " c'est bien celui-là. S'il y a un " cynisme dans la société et dans la politique " c'est bien le choix et l'acceptation de ce débauchage. Si cela abaisse le niveau moral de la politique ", c'est bien que cet homme qui embrasse Ségolène Royal la veille, la presse de s'allier avec... l'UDF... rejoigne le chef de l'UMP.

Pourtant, dénonçait Sarkozy, il y a peine quinze jours, avec mai 68 " il n'y avait plus aucune différence entre le bien et le mal, le vrai et le faux, l'héritier valait le maître ". En effet. C'est ce qui explique aussi la présence d'Eric Besson (rare cas à commencer une campagne avec un candidat etàa soutenir son adversaire avant le scrutin), celle de Jean-Pierre Jouyet.

Inégalité de traitement

Décidément, il y a un problème de vérité pour le Ps : faut-il être prêt à la trahir à droite pour y être bien considéré ?

Déjà Rocard s'opposait à la motion unanime du congrès de Dijon 2003 sur les retraites... Cela lui a valu d'être tête de liste aux européennes en Paca. Rocard appelait de facto à voter Bayrou à quelques heures du premier tour du 22 avril 2002 : rien ne lui est reproché. Kouchner parlait à France inter comme un déserteur en puissance, il a été nommé au Conseil de Ségolène Royal...

Par contre, on notera que la gauche du parti, en dépit de sa loyauté, de son dévouement, de son engagement, n'est pas considérée, ni associée, ni reconnue. C'esdt plus singificatif que tous les discours d'unité ert de rassemblement ?

Sarkozy aime le 68 mondain, hait le 68 social

S'il prend Kouchner le soixante-huitard dans son gouvernement, c'est sans doute que ce n'est pas cette incarnation-là de mai 68 que hait Sarkozy. Ses tirades hargneuses de Bercy ne visaient pas les " mondains " de mai 68 ni Cohn-Bendit, ni Serge July, ni Michel Rocard, ni quelques autres recentrés d'aujourd'hui, crachant comme Kouchner sur le mouvement social, les 35 h, la retraite à 60 ans, etc.

En fait le réel mai 68, ce n'est pas cette imagerie libérale et libertaire que certaines historiographies voudraient décrire. Ce n'est pas "il est interdit d'interdire" ni "élections trahison", ni l'individualisme roi.

Mai 68 démarre en 1963 avec la grève des mineurs, en 1966 et 1967 avec les grandes manifestations unitaires et grèves nationales en défense de la sécurité sociale, contre les ordonnances de Gaulle et Pompidou. Mai 68 se prépare avec les grands conflits sociaux de Redon, de Rhodiaceta, puis la semaine d'émeutes des jeunes ouvriers de la Saviem à Caen, fin janvier 68. Mai 68 commence, non pas à Nanterre le 22 mars, non pas à la Sorbonne le 5 mai, mais véritablement quand Sud aviation à Nantes se met en grève le 14 mai, quand Renault-Cléon suit le 15, quand 3 à 4 millions puis 10 à 11 millions de salariés se mettent en grève et occupent leurs usines dans toute la France avec une spontanéité et une vigueur sans précédent.

Un tiers-mondiste, deux tiers-mondain

Evidemment, les grands médias, ont préféré inviter depuis 40 ans Cohn-Bendit et consorts pour parler de mai 68, mais ce libertaire devenu libéral ne représentait pas et ne représente toujours pas la puissance du mouvement de classe social qui a eu lieu.

Bien sûr, que les dérives libertaires soixante-huitardes sont insupportables dans leur insignifiance, bien sur que des milliers de "cadres" issus du mouvement étudiant de mai 68 n'ont cessé de déblatérer contre "l'école des flics et des patrons", contre "la répression de l'état patron et policier", et autres slogans gauchistes "l'histoire nous mord la nuque" etc. Mais ce n'est pas ce que visait Sarkozy, sinon, il n'aurait pas choisi ce magnifique échantillon de cadre ex-soixante-huitard qu'est Kouchner, et qui représente si parfaitement les mondains de presse attardés depuis cette époque.

Ce que déteste dans mai 68, Sarkozy, se déduit : ce sont les onze millions de grévistes qui ont imposé les accords de Grenelle et qui voulaient plus, puisqu'ils ont continué. Ils voulaient une vraie réduction du temps de travail, des hausses de salaires, des droits syndicaux, assez d'exploitation sans contre partie. C'est cela la vraie peur qui obsède encore la droite et Sarkozy 40 ans, après 68. Les seuls morts par balles policières en mai 68 ce seront deux ouvriers de Sochaux - Peugeot. La police ne tirera pas sur les étudiants et on aurait même oublié le mouvement étudiant s'il n'y avait pas eu le mouvement de grève générale salarial. 68 n'est pas "mondain", "cynique", "sans valeurs", nihiliste, non, c'est la plus grande grève des travailleurs de l'histoire de France !

Et mai 68 a nourri les 40 années de luttes sociales, en 1973, puis les grèves de 79, l'hiver 86, janvier et mars 94, novembre décembre 95, 2003 et 2006 : a tel point qu'un Alain Madelin a pu dire alors qu'il était ministre de Chirac en été 95 : “Il nous faut un autre mai 68 et qu'on le gagne !".

Anti social et surtout pro guerre en Irak

C'est aussi la culture profonde du Medef... et de Sarkozy. Nul doute que Sarkozy pense la même chose de toutes les luttes sociales, de la Commune de Paris, de mai -juin 36, des combats pour les journées de 10 h puis de 8 h, pour les 40 h, pour "l'assistanat" de la Sécurité sociale et des retraites par répartition... En fait Sarkozy veut écraser tout mouvement social, il déclare d'ailleurs la guerre aux syndicats puisque sa première loi sera contre le droit de grève ! Sarkozy amalgame volontiers "la France qui paye toujours pour tous les autres, (...) qui paye pour les fautes des politiques, des technocrates, des syndicalistes, qui paye pour les fraudeurs, qui paye pour les voyous, qui paye pour ceux qui profitent du système, qui paye pour ceux qui demandent toujours et qui ne veulent jamais rien donner". Le lien est clair, dans ces propos, entre syndicalistes, fraudeurs, voyous... Comme il a fait la chasse aux "racailles", "aux poignées de voyous qui se croient au-dessus des lois et de la morale" il veut remonter jusqu'à atteindre les "casseurs" de 68...

C'est la même chose pour lui, c'est la haine ancestrale des riches contre les "partageux", les "syndicalistes"... et c'est ainsi qu'il se plait à accuser pêle-mêle la gauche d'avoir prôné "l'assistanat, l'égalitarisme, le nivellement, les 35 h" !

Alors ce qui vient d'arriver, avec Kouchner, c'est qu'un mondain de 68 rejoint l'adversaire cynique déclaré des ouvriers de 68, dans son gouvernement. La gauche caviar rejoint la droite jet set.

Et en tant que ministre des affaires étrangères ! Comme, en plus, Kouchner était partisan de la barbarie commise par Bush, avec la guerre pétrolière d'agression et d'occupation de l'Irak, cela ne peut mieux tomber : il nomme un pseudo homme de gauche proche Bush des néo-conservateurs américains pour diriger la politique étrangère de la France. Dans quelle guerre vont-ils nous emmener tous les deux au nom du "droit d'ingérence"?

Gérard Filoche


Kouchner le 26 décembre 2006

annonçait la couleur sur France inter

Kouchner, ce matin-là, parle, sans modestie, donne des leçons à tous, surtout à ceux qui ont voté "non", qui défendent les 35 h ou veulent plus d'impôts...

  • “On est en panne en Europe depuis le "non" français, on est bloqués, ce fut très grave, ce "non", 18 pays ont voté pour, les grandes lignes et ne pourront pas changer, on ne peut avoir raison, il faut revoter, assez de façade française de superbe, on a fait du mal à notre pays, pas pour de bonnes raisons"
  • “Oui il participerait à un gouvernement d'union nationale avec Sarkozy, mais préférerait avec Ségolène Royal...”
  • Il regrette qu'on parle d'heures supplémentaires pour les infirmières alors qu'on ne peut pas les payer (le principe de réalité impose donc de les leur faire effectuer sans les considérer comme heures supp' donc les infirmières travailleraient plus mais gagneraient moins);
  • Kouchner reproche même à Sarkozy de parler de "patron-voyou" (tout comme Mme Laurence Parisot) , parce que "sans les patrons il n'y a pas de travail". Il cite l'exemple "de nos 300 000 jeunes partis à Londres (sic) donc il faut faire comme à Londres, moins d'impôts".
  • Il regrette qu'on ne fasse pas comme les allemands une grande coalition avec la droite;
  • Il regrette qu'on ne fasse pas la retrite à 67 ans comme en Allemagne;
  • Il regrette encore qu'on parle encore de réduction du temps de travail alors qu'il faut travailler plus;
  • Il approuve le fait que la loi des 35 h est une ineptie, " avantage mal acquis ne profite jamais " A gauche comme a droite, hélas, selon lui, ils ne veulent pas faire cette réforme nécessaire des 35 h !
  • Il veut, comme le Medef, une durée légale à la carte sinon nous perdons des marchés, c'est simple et pas idéologique;
  • “Il faut une social-démocratie moderne en France comme en Europe...”
  • Il demande que le "projet" de Royal s'émancipe du projet socialiste, ambigu, flou, archaïque... “Elu député ? je fais peur à cause de ma petite popularité, je ne cherche aucun poste” ;
  • “Mon pays est à la traîne, je veux le faire avancer”;

  • “Il aurait fallu une intervention internationale en Irak pour chasser Saddam Hussein, pas seulement des américains”;
  • Il affirme contre les démocrates américains qu'il ne faut pas de retrait des troupes Us ce serait une erreur, de laisser la place aux chiites..."
  • Finalement, on se demande comment Ségolène Royal a pu lui proposer d'être dans son cercle de campagne restreint et le convier à des meetings, ce qu'elle n'a pas fait avec des militants plus proches des syndicats.

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