GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

J’ai fait mai 68, je fais décembre 18

Nous reproduisons ici un article de notre camarade Gérard Filoche, que l'Humanité-Dimanche a publié le 20 décembre 2018.

Mai 68 est « une histoire sans fin ». Il existe des cycles du mouvement des masses comme il existe des cycles économiques.

Depuis 50 ans, la profondeur de la grande grève générale a nourri des répliques sismiques régulières de génération en génération.  Certaines ont permis de grandes victoires à la jeunesse massivement mobilisée : loi Debré en 1973, loi Devaquet en 1986, CIP en avril 1994, CPE en avril 2006. D’autres ont exprimé la puissance croissante de la classe des salariés : les grèves de Renault, la Poste, les Banques, le Joint Français, Lip, la sidérurgie.

Même quand ces grèves ne gagnaient pas, elles laissaient des empreintes politiques profondes. La victoire électorale de mai 1981 est un effet différé de mai 68. Lorsque des conquêtes étaient obtenues (hausse du Smic, 33 % en 68, 13 % en 81, 40 h, 39 h, 35 h, droits du travail, 4° et 5° semaine de congés payés, retraite à 60 ans) elles imprégnaient la vie sociale quotidienne. De 1968 à 2018, le salariat est passé de 70 % des actifs à 90 % des actifs.

En août 1995, Madelin, ministre clamait qu’il fallait « un autre mai 68 et qu’on le gagne ». Le contredisant, en novembre-décembre 95, l’inacceptable « plan Juppé » dut reculer devant une autre grande grève quasi généralisée. « La France est un volcan et la lave, pour sortir, choisit Paris » expliqua La Repubblica. La victoire de la gauche plurielle de Lionel Jospin en juin 1997 est aussi un effet différé de novembre-décembre 95.

En 2008, Sarkozy clamait encore qu’il « fallait liquider mai 68 » : 40 ans après ça l’effrayait toujours. Le pouvoir passa en force contre les retraites à 60 ans malgré les grands mouvements de 2003 et 2010 : mais en 2004, 20 régions sur  22 passèrent soudainement à gauche, et en 2010, l’entêtement de Sarkozy à poursuivre la même offensive libérale anti retraites le fit battre en 2012.

Jusque-là les vagues de mai 68 venaient battre les falaises de la droite et recevaient certains échos positifs de la gauche. C’est alors que le trio Hollande-Valls-Macron a pris la suite en trahissant tous les espoirs de 2012,  et ils se sont exercés à ne rien céder quelques que soient les mobilisations : y compris contre la scélérate loi El Khomri, lorsqu’il y eut 14 manifestations, avec sans doute 3,5 millions de participants au moins une fois.

Sorti putschiste en tête de ce trio, Macron s’imposa « par effraction » et, de façon forcenée, entreprit de bloquer et baisser le coût du travail pour hausser le coût du capital, contre tous les droits sociaux, afin d’ubériser la société « sans statuts, » « France start up », « post salariale ». Macron a certes gagné sur les ordonnances anti code du travail, puis contre le service public de transport collectif de la SNCF : il s’apprêtait à une écologie punitive, à clore les cotisations chômage, maladie et la Sécurité sociale, à fermer les derniers services publics, HLM ou RATP, à en finir avec les retraites par répartition…  C’est alors, logiquement, de cette intransigeance folle du trio Hollande Valls et Macron que sont sorties, en tâtonnant, les « nuit debout », puis aujourd’hui les « gilets jaunes ».

Puisque même les dirigeants de la gauche officielle trahissaient, puisque les organisations défendant historiquement les droits n’étaient plus entendues, leur  « base » s’est insurgée d’elle-même. Après les « places » occupées des villes, ce sont les « rond points » et les Champs Elysées qui sont occupés, avant que ce ne soit les entreprises et la grève généralisée.

Les 50 % des salariés qui gagnent moins de 1700 euros, les 9 millions de pauvres et chômeurs en dessous de 900 euros, les 7 millions de retraités en dessous de 1000 euros, les millions de jeunes sans ressources ou en CDD bidons, se sont donc soulevés et on comprend tout à fait que leur colère soit plus grande, plus radicale et plus violente encore.

Car ça suffit ! La France n’a jamais  été aussi riche de son histoire et les richesses aussi mal partagées. En 50 ans, la part du travail et son salaire ont reculé par rapport au capital. Ca se cristallise donc contre la dictature anonyme de la finance, sur le partage des immenses richesses disponibles : les 1 % d’en haut doivent rendre l’ISF et davantage aux 99%, les taxes injustes sur le carburant doivent être supprimées, la fiscalité doit redevenir directe et progressive, les salaires, et le Smic, à nouveau et en premier, doivent augmenter massivement, tandis que les dividendes doivent diminuer.

Comme toujours, les grandes explosions commencent de façon fortuite sur un objectif précis, et si le pouvoir  est sourd, le mouvement se généralise.

 

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