GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Interview de Gérard Filoche par Siné Hebdo. Gérard a répondu à 7 questions de Olivier Marbot

Justice rendue au Tribunal administratif. L’affaire avait valu à l’inspecteur du travail, lui-même pas mal d’ennuis avec sa hiérarchie et même une plainte des patrons pour « entrave à un CE ».

Siné hebdo – L’affaire elle-même est assez compliquée. Essayons de la résumer…

Gérard Filoche – Tout commence en 2004 parce qu’une grosse entreprise de la rue de la Paix ne respecte pas le droit au retour d’une femme après son congé maternité. Celle-ci se syndique, demande des élections de CE. La direction concède des élections, mais s’arrange pour garder le CE en main. Puis les patrons la licencient mais elle est salariée protégée, ils doivent demander l’autorisation préalable à l’inspecteur du travail. Je refuse le licenciement pour discrimination. Les patrons font recours auprès de ma hiérarchie qui casse injustement ma décision. Ils recommencent la procédure. Je refuse. La société lance une troisième procédure. Cette fois, elle prétexte que la salariée n’a pas reçu l’autorisation écrite de son supérieur pour un congé légitime de 8 jours en juin 2004. A son retour, ils lui imposent une « mise à pied » sans salaire pour « faute lourde », « faux en écriture » parce qu’elle aurait « imité » la signature de son chef de service. Mais ils dépassent le délai de 10 jours prévu pour consulter le CE, et le 23 juillet, veille des vacances, je dois intervenir en urgence pour rétablir l’ordre public social, faire ce qu’on appelle « une enquête contradictoire », récolter l’avis du CE et trancher. Le chef de service affirme ne plus se souvenir s’il a signé ou non et ne pas savoir si, sur le formulaire de congé, sa signature est bien la sienne. Le CE de 2 membres se réunit à part, vote à bulletins secrets et donne un avis consultatif favorable pour virer la salariée. Les choses sont évidentes : je refuse encore ce licenciement discriminatoire et rend ma décision illico afin que la salariée ne reste pas privée de salaire tout l’été.

Siné hebdo – Le problème, c’est que votre hiérarchie ne vous a pas suivi ?

Gérard Filoche – Absolument. Ma décision a été cassée au plus haut niveau par mon ministère de tutelle qui estime que la discrimination n’est pas prouvée, et met en cause ma procédure. La salariée est injustement licenciée, fin de l’histoire.

Siné hebdo – Provisoire…

Gérard Filoche – Très provisoire ! La salariée fait recours au tribunal administratif contre le ministère. L’entreprise la harcèle en la poursuivant en « pénal » pour « faux en écriture ». Et moi, un juge d’instruction me convoque en 2006. Les patrons de la société m’accusent d’avoir fait du « chantage » sur leur comité d’entreprise ! Ce qui est aberrant : si je me suis rendu dans l’entreprise le matin où le CE se réunissait, c’était pour les besoins de mon « enquête contradictoire », j’ai veillé à ce que le CE se réunisse à part, et donne un avis, consultatif - qui n’engageait en rien ma décision. Il n’y avait aucun sens à faire la moindre « pression » sur ce CE dont je savais la nature et qui avait déjà donné son avis lors de la deuxième procédure ! Le juge l’a compris et a renoncé à me mettre en examen le 7 mars 2007 après cinq heures d’interrogatoire.

Siné hebdo – Cette fois, vous pensiez en avoir vraiment fini ?

Gérard Filoche – Je le croyais… Mais le juge a interrogé Jean Denis Combrexelle, directeur général du travail, en « droit pur », pour savoir si un inspecteur pouvait aller à une réunion de CE. Le DGT renvoie en fin 2007 une lettre douteuse très partisane, très virulente, qui, bien que ne me concernant pas nominalement, pousse le Procureur à prendre un « réquisitoire supplétif » : il remplace « chantage envers le CE » par « entrave au CE » (tout cela sans que ledit CE n’ait été formellement consulté…). Ma hiérarchie, sans jamais me convoquer ni m’entendre, relaie délibérément les patrons, m’accable et refuse toute « protection fonctionnelle » pour financer ma défense alors que j’étais dans l’exercice de mes missions. Le Tribunal administratif vient de casser les trois décisions de ma hiérarchie contre moi, annule les trois licenciements les reconnait comme « discriminatoires » et ils sont réputés n’avoir pas eu lieu.

Siné hebdo – Quelles sont les conséquences pour la salariée. Et quelle est sa situation aujourd’hui ?

Gérard Filoche – Elle a trouvé un nouvel emploi et elle a eu un deuxième bébé. Entre temps elle avait aussi réussi à faire condamner ses anciens patrons en appel pour « entrave à l’exercice de son mandat de déléguée syndicale ». C’est un délit, ce sont des délinquants. La discrimination est maintenant aussi reconnue. Elle peut se retourner contre l’entreprise pour réparation car elle a beaucoup souffert.

Siné hebdo – Et en ce qui vous concerne ?

Gérard Filoche – Avant de partir en retraite, à la fin de cette année, professionnellement, juridiquement, déontologiquement, je ne suis pas mécontent d’avoir raison sur le fond et sur la forme contre les décisions de ma hiérarchie jusqu’au plus haut niveau. Alors maintenant le juge a le choix : soit il prononce un non-lieu sur l’affaire fumeuse d’entrave au CE de ma part, soit il m’envoie quand même au tribunal. On va voir. J’aimerais savoir comment mes supérieurs, qui ont voulu nier une discrimination aussi évidente, vont être sanctionnés. Quelles étaient leurs vraies motivations pour agir, trois fois, de manière erronée ?

Siné hebdo – Comment expliquez-vous leur hostilité ?

Gérard Filoche – Est-ce présomptueux de penser que tout ça est très politique ?

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