GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Interview de Chérèque, le 12 décembre 2002

FRANCE 2

QUESTION OUVERTE - Le 12/12/2002 - 20 :35

François CHEREQUE, secrétaire général CFDT

Gérard LECLERC

François CHEREQUE, bonsoir.

François CHEREQUE

Bonsoir.

Gérard LECLERC

Seul un salarié sur trois s'est déplacé pour allervoter aux élections prud'homales, est-ce que ce n'est pas un nouveau signed'une désaffection à l'égard des syndicats avec le risque que de plus en plus,on se passe de vous, que les politiques, que le gouvernement décide sans vous ?

François CHEREQUE

Si le gouvernement faisait cette analyse, il setromperait. Ces élections sont mal organisées, nous le savons tous, ellesservent à régler les conflits du travail et elles se déroulent en dehors del'entreprise. C'est pour cette raison que nous, à la CFDT, nous proposonsdepuis plusieurs mois une réforme de la représentativité et d'organiser danstoutes les entreprises des élections où les salariés auraient vraiment le choixde désigner, de choisir les syndicats qui négocient pour eux, qui leuramèneraient des résultats concrets. Donc, nous sommes plus vers une réforme dece type de scrutin plutôt qu'une analyse qui serait mauvaise.

Gérard LECLERC

Néanmoins, quand le gouvernement assouplit les 35heures, voire les supprime dans la restauration hôtellerie, quand il réforme laloi sur la modernisation sociale, sur les mesures anti-licenciements, tout ça,il le fait sans vous à l'Assemblée ?

François CHEREQUE

D'une part, on a eu effectivement des accords avec legouvernement qui n'a pas respecté les engagements qu'il avait pris avec noussur la suspension de cette loi. Mais, c'est aussi à nous, les partenairessociaux, de faire la preuve au gouvernement, puisqu'il nous propose de négociersur ce sujet de l'emploi qui est central, qui est l'inquiétude première dessalariés, que nous sommes capables de négocier, d'avoir du dialogue entre nouset amener des résultats concrets en particulier pour les salariés des petitesentreprises. Donc, c'est à nous de faire…

Gérard LECLERC

Justement, là, il vous propose de négocier sur lesprocédures de licenciements, vous allez le faire ?

François CHEREQUE

A la CFDT, on souhaite que cette négociation s'engage.Il faut avoir du courage, les syndicats, on ne peut pas uniquement s'opposer.Les électeurs avaient un choix dans ces élections entre l'immobilisme et lavolonté de dialogue, ils ont choisi, je pense, dans la CFDT, le dialogue. Et ilfaut qu'on s'engage dans cette démarche-là.

Gérard LECLERC

Justement, les observateurs trouvent que dans cesélections, il ressort qu'il y a une espèce de pôle réformiste qui est en trainde se constituer avec la CGT, la CFDT, la CFTC et les autonomes, l'UNSA. C'estvotre avis ?

François CHEREQUE

C'est une bonne nouvelle. Pour la première fois, lessyndicats qui, traditionnellement sont pour la négociation, pour le dialogue,font pratiquement la moitié des voix à ces élections. On note depuis quelquessemaines, avec le travail que nous faisons avec la CGT sur une future réformedes retraites, que la CGT veut s'engager dans une réforme, elle vient de lemontrer avec la CFDT à EDF. Donc, si cette démarche de la réforme et dudialogue est maintenant partagée majoritairement par les syndicats, c'est unebonne chose surtout pour les salariés.

Gérard LECLERC

La CFDT, elle enregistre une relative stabilité,alors, est-ce que c'est plutôt une déception parce que vous ne progressez pluscontrairement aux élections précédentes ? Ou, au contraire, est-ce que çavous conforte dans cette stratégie réaliste ?

François CHEREQUE

On nous avait promis une baisse significative, noussommes la première des trois grandes confédérations à maintenir le résultatd'il y a cinq ans, donc c'est bien. C'est une preuve qu'effectivement, lessalariés sont prêts à soutenir un syndicalisme qui s'engage et qui dit lavérité. Donc, ce résultat m'amène à passer un message très fort aujourd'hui,j'exhorte le gouvernement d'ouvrir les négociations pour ces réformes dont nousavons besoin, en particulier celle des retraites et celle du dialogue social,c'est une nécessité.

Gérard LECLERC

On va y venir tout à l'heure. Simplement, il y a uneseule grande organisation qui recule, c'est Force Ouvrière, et elle voit dansce recul, le signe d'une certaine résignation des salariés face, dit-elle, àl'abandon des acquis sociaux que seule Force Ouvrière défendrait.

François CHEREQUE

Mais résignation ? Lorsqu'un syndicat comme laCFDT propose d'entrer dans une réforme des retraites, c'est pour garantir lesretraites de demain, pour faire en sorte que les salariés qui seront à laretraite aient un haut niveau de retraite. Ce n'est pas de la résignation.C'est un constat qu'on a une difficulté et qu'on veut sauver les retraites.

Gérard LECLERC

Justement, sur cette question des retraites, est-ceque vous pouvez éviter un recul social quand vous voyez le patronat dire qu'ilva falloir cotiser six ou sept ans de plus, ça part mal ?

François CHEREQUE

Mais le recul social, il existe aujourd'hui ! Sion ne fait pas cette réforme, demain, d'ici vingt ans, les retraites vontbaisser pratiquement du quart. Donc, ne rien faire, c'est la résignation. Nous,nous voulons une réforme ambitieuse qui fixe le niveau des retraites et quidiscute des vrais problèmes. Là, c'est une vraie réalité. On n'est pas obligéd'aller vers les mesures effectivement extrêmes que propose le MEDEF, mais onest obligé de discuter du niveau des retraites que l'on veut demain, c'estl'élément essentiel.

Gérard LECLERC

Oui, mais en acceptant l'alignement de la cotisationpour le privé et le public, par exemple ?

François CHEREQUE

Mais bien évidemment, ce sujet sera à la négociation.Mais avant d'accepter la durée…

Gérard LECLERC

Sera dans la négociation, vous dites clairement qu'ilva falloir y venir.

François CHEREQUE

Ce sera dans la négociation, mais avant d'y arriver, surce sujet-là, rentrons sur le niveau des retraites. Quel va être le niveau desretraites demain, par exemple, pour un smicard ? Nous souhaitons, si c'estsur le salaire de référence, qu'il ait un niveau de retraite qui représente 100% de son salaire. Ensuite, est-ce que les salariés vont avoir le choix d'unevéritable retraite à la carte ? Ensuite, dans le public, est-ce qu'on vaintégrer les primes dans les salaires ? Ensuite, est-ce qu'on va tenircompte des travaux pénibles ? Tous ces éléments dans la négociation nouspermettront ensuite, effectivement, d'accepter ou de ne pas accepter les 40ans.

Gérard LECLERC

Et tout ça sera bouclé à la fin du printempsprochain ?

François CHEREQUE

Si on a besoin d'un ou deux mois supplémentaires, onira jusqu'au bout, l'important, c'est de faire une bonne réforme qui dure dansle temps plutôt que d'embarquer une en quelques jours.

Gérard LECLERC

Un autre dossier, c'est l'assurance chômage, là aussi,ça ne se présente pas très bien puisqu'on annonce un déficit en hausse de 5milliards d'euros pour 2003. Ernest-Antoine SEILLIERE disait ici même, que toutle monde devrait d'une certaine façon mettre la main à la poche. C'est-à-direqu'on va augmenter les cotisations pour tout le monde, baisser les allocationspour les chômeurs ?

François CHEREQUE

Deux raisons à cette difficulté : Un, il y a plusde chômeurs. Donc, à chaque fois qu'il y a plus de chômeurs, on a unedifficulté pour financer. Mais aussi, parce que la CFDT, à la dernière réforme,on avait amélioré les prestations pour ces chômeurs justement. D'où lesdifficultés…

Gérard LECLERC

Donc, aujourd'hui, il va falloir, je le redis,augmenter les cotisations et baisser les prestations ?

François CHEREQUE

C'est une discussion qui va sur des terrainsclassiques comme ça. Un, les cotisations, on les a baissées lorsqu'on avait desfacilités financières, il serait logique de les augmenter. Ensuite, discutersur les prestations, mais aussi l'Etat, on a une dette vis-à-vis de l'Etat, ilfaut qu'on discute avec elle… un prêt. C'est tous les éléments classiques de lanégociation dans ce cas-là.

Gérard LECLERC

Je change de sujet, il y a eu ces derniers jours touteune série de grèves de nouveau à la SNCF dans le Midi toulousain, à Amiens,aujourd'hui, c'est les transports publics à Marseille. Est-ce que vous nepensez pas que pour un service public, ça doit fonctionner, et donc que d'unecertaine façon, il faudrait enfin mettre en œuvre un service minimum ?

François CHEREQUE

Le service minimum, c'est aussi une contrainte pourles usagers, ce n'est pas obligatoirement la meilleure chose. Mais, il seraitde notre honneur, les syndicats, de poser le problème de la prévention de cesconflits sociaux. Il faut mettre en place des systèmes d'alerte pour que de plusen plus, on aille vers la négociation, qu'on essaye de trouver des solutionsavant qu'on arrive dans le conflit. Je crois que c'est de notre responsabilité…

Gérard LECLERC

Mais pas le service minimum comme ça existe enAllemagne, en Italie ?

François CHEREQUE

Il faut mettre en place des systèmes où on aille versla négociation inévitablement pour éviter ce genre de conflits, pour qu'ilsdeviennent marginaux. Le problème en France, c'est qu'il y a trop de grèvesparce qu'il n'y a pas assez de dialogue social…

Gérard LECLERC

Donc, là aussi, il faut négocier ?

François CHEREQUE

Négocier, c'est le maître mot. Négocier et réformesont, je crois, les deux mots de la journée.

GérardLECLERC

Vous avez succédé, il y a quelques mois, à NicoleNOTAT qui était une très forte personnalité, c'est une mission difficile ?

François CHEREQUE

C'est une mission difficile, mais aussi une fiertéd'être à la tête d'un syndicat comme la CFDT qui est pour la réforme, qui n'apas peur de poser les problèmes, qui veut trouver des solutions. C'est unefierté de lui succéder. Mais, je crois qu'on ne se porte pas trop mal à la CFDTvu le résultat des urnes hier.

Gérard LECLERC

François CHEREQUE, merci. FIN-

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