GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Intervention de Paul Allies à l'Université d'été du NPS à Fouras

« Et bien, mes chers amis, mes chers camarades, comme l'a rappelé plusieurs fois tout à l'heure Arnaud, j'interviens autant en tant qu'universitaire qu'en tant que militant, du parti socialiste, et je voudrais vous aider à réfléchir non pas seulement sur la constitution, ou le projet de constitution, mais sur le point où nous en sommes de l'histoire de l'Europe aujourd'hui, car comme vient de le dire très excellemment Joël Decaillon, l'Europe pour l'Europe, ça ne veut pas dire grand-chose. C'est pourquoi nous construisons une Europe politique, donc démocratique et sociale.

« Donc, je dirai bien sûr mon analyse, mon opinion concernant le texte de constitution, qui est sorti « miraculeusement » comme à dit Giscard, je crois, de la Convention, mais je pense qu'il faut d'abord - et c'est par là que je vais commencer, en quelques minutes à peine - il faut d'abord faire le point, faire un flash-back sur d'où nous venons. Car l'Europe politique a une histoire dont nous héritons... et il est vrai, comme Stephan Collignon le rappelait tout à l'heure, qu'une constitution n'est pas le décalque d'un programme politique d'un parti ! Bien sûr que non ! C'est un compromis ! C'était un compromis qui ont forgé les nations depuis deux siècles en Europe, avec des luttes derrière ces compromis... mais enfin un compromis !

« Et bien, l'Europe, dont nous héritons, elle a commencé il y a 50 ans. Et elle a commencé sur un échec politique, c'était l'échec de la Communauté européenne de Défense (C.E.D.). Et quand les plus européanistes de l'époque - surtout des démocrates-chrétiens, mais aussi des sociaux-démocrates - ont constaté que les Etats ne voulaient pas, ne pouvaient pas, transférer des compétences, des parties de leur souveraineté, qui pourtant avaient été dramatiques au cours de deux guerres mondiales en Europe, quand ils ont constaté cela, ils ont choisi une méthode plus modeste - on l'a appelé la « méthode Monnet » - qui consistait à choisir des secteurs faiblement politisés, l'agriculture, l'acier, l'énergie, les transports, et à solliciter des Etats des transferts de leurs compétences nationales à une autorité commune, qui était européenne. D'abord à Six, puis etc. Ca a marché... ! Ca a marché parce que cette méthode était effectivement très pragmatique : il n'y a pas eu de débats pendant très longtemps sur quelle type d'autorité politique il fallait construire, ou qu'est-ce qui se cachait derrière la Commission de Bruxelles. Parce que à chaque fois que l'on transférait ces compétences techniques, il y avait un certain débordement fonctionnel ; ça marchait pour l'agriculture et bien on passait aux transports, et ainsi de suite. Et donc, les Etats trouvaient commodes finalement de transférer certaines de leurs responsabilités à l'échelle du continent : ça semblait cohérent, là aussi comme l'a rappelé Stephan Collignon pour l'avenir était vrai déjà il y a 50 ans.

« Faisant cela, débordant finalement les souverainistes de l'époque, compétence technique par compétence technique, la dynamique a pris d'abord parmi les entreprises, parmi les grands groupes d'intérêts industriels, qui ont vu de l'intérêt à se régionaliser au sens européen, mais aussi parmi les élites politiques administratives qui ont compris qu'il était commode - pour de bonnes ou de mauvaises raisons - qu'il était commode de transférer finalement à une autorité non élue le pouvoir politique, car c'était du pouvoir politique, et - non pas des technocrates ou des techniciens, des experts, des fonctionnaires - des politiques ont effectivement joué le jeu de cette « méthode Monnet », jusqu'au moment où elle a été insuffisante. Ca n'est pas si vieux, c'est l'instauration de l'Acte Unique en 1986, c'est vouloir aller plus loin encore dans la construction d'un marché plus intégré, et c'est bien sûr le traité de Maastricht en 1992, il y a dix ans.

« A partir de là, les choses ont commencé à changer profondément. Un pacte, si l'on peut dire, a été passé, entre les gouvernements, pour qu'ils abandonnent encore un peu plus de leur compétence souveraine par définition - la monnaie - et qu'elle disparaisse de leur horizon souverain. Ca n'est pas rien... ça n'est pas rien mais évidemment les structures qui correspondaient à ce débordement beaucoup plus politique que les précédents étaient défaillantes. Cela n'est pas la Commission, telle qu'elle était conçue depuis le traité de Rome (1957), cela n'est pas la Commission qui pouvait rendre compte, gérer, accompagner les politiques monétaires - ne serait-ce que celles-là - que ce transfert de compétence entraînaient. Et pour autant, les Etats, vous le constaterez depuis 10 ans, les Etats n'ont ni abandonné la prétention à contrôler l'Europe, j'y reviendrai. Nous n'avons pas une structure fédérale ! Nous avons une structure intergouvernementale : c'est une Europe des Etats et pas des peuples ! Et la convention de ce point de vue n'a rien changé, j'y reviendrai... Donc les Etats ont transféré de leur compétence, faisant en cela comme s'ils n'y étaient pour rien... on le voit de manière caricaturale en France, sur les oiseaux, les canards, enfin bref : « c'est l'Europe, c'est Bruxelles ! », mais à chaque fois la France a signé !?! À accepter ce genre de choses, jusqu'à présent l'unanimité existait sur ces questions-là... Donc ils ont transféré des pouvoirs enlevant ainsi à leurs parlements nationaux une compétence, un pouvoir politique démocratique qui était historiquement construit !

« Et donc il y a eu un double déficit démocratique, des Etats qui ne donnaient rien, qui ne construisaient rien de nouveau d'un point de vue fédéral - la fédération, j'y reviendrai, c'est démocratique -, et des Etats qui expropriaient peu à peu, doucement, silencieusement leurs parlements nationaux de leurs compétences historiques. C'est le point où nous en sommes arrivés. Alors évidemment de ce point de vue, la Convention, comme dit Giscard, c'est un miracle... !

« Le fait de réunir des bouts de parlements, des députés européens, des morceaux de gouvernements, de remuer tout ça - 300 personnes - dans une salle pendant 6 mois, et un peu plus, et d'aboutir à un compromis, ô surprise, ô merveille. Et bien, je crois que le problème est beaucoup plus grave, plus profond, et qu'il est historique. Et là-dessus, je ne crois que le problème soit de savoir si Kant est à la base des conceptions philosophiques de l'Europe, j'ai un différend avec Kalypso là-dessus, ou si c'est le contraire ; la question est que la souveraineté nationale est née en Europe, il y a presque 4 siècles, c'est en Europe que nous avons inventé Etat par Etat la notion de souveraineté d'abord nationale étatique, et puis de souveraineté populaire ! Les Révolutions que nous avons faites partout, d'abord en Angleterre, puis en France, etc., les révolutions nationales étaient aussi des révolutions populaires pour la plupart. Et la souveraineté c'était l'expression construite, architecturée du pouvoir du peuple, sur ses gouvernants, sur sa volonté, sur ses institutions.

« C'est cela qui est en cause aujourd'hui, et c'est mon dernier mot sur le point où nous en sommes, l'Europe, dont nous héritons, a progressivement érigé le droit, la négociation, le consensus comme la règle par excellence de l'arbitrage entre les intérêts : ça n'est plus le vote, ça n'est plus une majorité, qui décide et qui tranche - vous connaissez exactement les contours de la majorité au parlement européen ? - non ! On dit qu'il y a un grand partage entre démocrates-chrétiens et social-démocratie. Et puis après dans la social-démocratie, chacun a sa chapelle, il n'y a même pas un parti européen. Bref, nous avons aujourd'hui un système où effectivement les néo-conservateurs américains ont raison de dire « mais enfin ! Qu'est-ce que c'est que ça ? ». L'Europe, non seulement, n'existe pas - on l'a vu sur la question irakienne - mais en plus, elle a peur de la puissance. Et le problème pour nous n'est pas de vouloir reconstituer une « Europe Puissance », qui serait impérialiste, qui irait effectivement... qui interviendrait à tout propos - bien que ce serait mieux que l'Europe négocie l'intervention pour des droits sociaux et humains, plutôt qu'un Etat ne le fasse tout seul, c'est évident -, la question n'est donc pas de restaurer une puissance post-coloniale européenne, la question est de savoir si l'Europe peut avoir une volonté politique pour elle-même et pour le reste du monde ! Car nous avons en effet un modèle hérité lui aussi de l'histoire, un modèle qui est un type spécifique, que n'ont pas les Etats-Unis, de relations sociales, d'équilibre à la fois culturel et économique, entre les groupes sociaux, entre les classes sociales, système que évidemment Joël Decaillon vient très bien de rappeler. Ca c'est ce qui fait de l'Europe un modèle à exporter pour le Sud et le monde tout entier, c'est ça qu'il nous faut valoriser, c'est qui fait que nous soyons [devons être ?] une « Europe Puissance »...

« Or, nous sommes aujourd'hui loin de ça. Nous sommes une Europe espace, comme Giscard là encore l'a rappelé, une Europe marché commun, Commonwealth - ça plaît beaucoup aux Anglais - lisez d'ailleurs les propos de Blair aux Communes quand il présente la Convention, c'est édifiant. Je suis surpris que la presse en France n'en ait pas parlé plus parce qu'il tire un coup de chapeau à la Convention, certes, mais il dit que c'est exactement sur les positions que les Anglais défendent depuis Thatcher sur l'Europe que la Convention est venue ! Cela devrait nous interroger, nous au moins, socialistes ! Je reviendrai tout à l'heure sur le débat ou l'absence de débats dans le Parti socialiste...

« Nous en sommes à un point, et je m'arrête là sur la rétrospective, nous en sommes à un point où l'Europe n'est plus une Puissance, l'Europe est un sommet de compromis, on ne sait plus y décider ; on ne sait pas changer de majorité au niveau européen, on ne sait pas où est la majorité au niveau européen. L'Europe n'a plus d'existence, d'identité politique, il n'y a pas de peuple européen - j'y reviendrai sur la réforme de la constitution - et enfin, nous avons une Hyper-Puissance, qui en effet - ce que Kalypso disait à ce point de vue était intéressant - définit les rythmes, les échanges, les rapports de force, sans que même l'Europe puisse s'y mêler, y compris sur la « feuille de route » au Moyen Orient.

« Donc, voilà mon propos, nous sommes cette année à un tournant qui est historique et qui interpelle profondément la social-démocratie toute entière en Europe ! Ce débat, il est donné bien sûr par l'élargissement, débat escamoté, nous avons été les seuls dans le congrès du Parti socialiste à poser cette question - presque les seuls -, élargissement passé aujourd'hui par profits et pertes. Nous en sommes aujourd'hui vite venu à cette affaire de constitution ! Et donc, j'y viens...

« Qu'en est-il de la Constitution européenne ? C'est un texte qui sans aucun doute, d'abord est complexe, marque certaines avancées... Joël Decaillon le disait, l'intégration de la Charte des droits fondamentaux, mais elle avait été adoptée à Nice ! Il n'y a pas eu la moindre modification, la moindre amélioration, notamment sur les services d'intérêt général, sur les services publics ! Cette Charte est néanmoins intégrée à la Constitution, ce qui veut dire que par des biais contentieux, des recours à la Cour européenne des Communautés, etc., on pourra voir s'édifier, se construire une jurisprudence, qui tiendra plus compte que jusqu'ici des droits humains et surtout des droits sociaux. Très bien...

« Deuxième, et à mon avis dernière avancée démocratique, c'est ce droit d'initiative citoyenne qui est reconnu à un million de citoyens - je cite la constitution, enfin le projet - d'un « nombre significatif d'Etats membres », significatif, je ne sais pas ce que ça veut dire dans mon droit, enfin bref ! qui pourront actionner de manière assez complexe mais actionner une pétition imposant, après un processus assez lourd, à la Commission, au Conseil, de prendre la compte la législation qu'ils estiment manquer à l'échelle européenne. Voilà les avancées réellement démocratiques qui sont dans ce traité !

« Pour le reste, ce qui est quand même curieux, que ce texte pourtant si modeste satisfasse tout le monde... Car tout le monde est satisfait. J'évoquerai tout à l'heure - mais enfin bon - les propos que vous avez reçus comme moi, j'imagine, cet été, dans deux lettres ahurissantes de la direction du parti, qui relève des méthodes de la Pravda des grandes années malgré les photos ; l'une sur la gloire faite et chantée à l'élargissement, pas un mot critique ou de question ; et l'autre qui bat tous les records sur constitution, mais j'en dirai un mot tout à l'heure pour les contradiction dans lesquelles s'empêtre le camarade Duhamel... Tout le monde est content pourquoi ? Parce que le projet de texte ne change rien à rien ! C'est-à-dire que, ce que j'ai pris le temps de vous expliquer tout à l'heure, à savoir cette construction un peu baroque, d'une Europe non puissante, d'une Europe impuissante, d'une Europe qui datait d'un demi-siècle, de l'époque où on la construisait en catimini, et bien les trois structures qui fondent l'originalité de cet objet non identifié, comme disait Delors, sont toujours là et sont plus fortes qu'avant chacune pour elle-même.

« Le Conseil européen, l'organe qui réunit les Chefs d'Etat et de gouvernement, les Etats, aura un président, un président élu par le Conseil en question pour deux ans et demi ; ce sera donc mieux que la présidence tournante aujourd'hui qui nous donne le vertige - tous les six mois on change et cela empêcherait, à mon avis ce n'est qu'un effet et pas la cause, que l'Europe ait une seule voix, une seule politique, on voit combien sur l'Irak cela n'aurait pas servi à grand-chose.

« La Commission et son Président seront investis - ce qui était déjà quasiment le cas - par le parlement européen. Ils auront plus de légitimité... La Commission, les Commissaires et le Président de la Commission ; mais il sera flanqué, le président, - cela renforcera tout de même un peu sa légitimité - d'un Ministre des affaires étrangères, qui sera vice-président de la Commission. Et finalement, les Commissaires ont sauvé leur peau, puisque chaque Etat aura droit à un Commissaire, selon un système totalement invraisemblable qui fait que les grands pays seront absents de la Commission pendant 5 ans - il y a aura la Lituanie, etc., très bien, bienvenue au club, mais ça pose quand même un problème ! Tout cela parce que l'on a voulu conserver l'idée effectivement que la Commission soit « au-dessus des factions », comme aurait dit Bonaparte, et qu'elle était neutre par rapport aux clivages politiques. Donc chaque Etat doit avoir un commissaires : c'est bien la preuve que nous sommes dans un système de Gouvernements et absolument pas vers le fédéralisme bien compris.

« Enfin, le Parlement... Le Parlement sera plus impliqué qu'avant, indiscutablement, dans l'adoption des textes législatifs, il y avait une trentaine de textes - 28 - qui relèvent de sa compétence, il y en aura 80. Même pas, 73... Et effectivement sur l'immigration, sur la coopération judiciaire en matière civile (!) et pas pénale - tiens ? C'est curieux ! Le procureur européen, dont on parle depuis si longtemps, et que souhaite les magistrats, voir l'Appel de Genève : profits et pertes ! Il a disparu du texte ! Donc il y a néanmoins incontestablement un élargissement des pouvoirs du Parlement, mais sans que cela change sa nature... Bref, nous avons là une structure, qui est quand même la plus fédéraliste - je pense à Bourlange qui est un vieux fédéraliste, qui n'est pas socialiste, il est démocrate-chrétien depuis qu'il est petit, il a été néanmoins quelqu'un qui a toujours combattu pour une vraie fédération, comme Lecanuet... Et bien, lisez ses propos dans le Nouvel Observateur - dans le dossier que l'on vous a distribué - il est assassin avec le traité, mais il dit à la fin « et bien tant pis, je voterai quand même pour, parce qu'il y a des avancées, quelques petites avancées sur le vote à la majorité, etc. ».

« Je crois que la question que nous devons nous poser, c'est celle du blocage que ce texte produit, l'aggravation qu'il provoque de trois grands défauts structurels de l'Union européenne telle qu'elle est aujourd'hui, avant la Constitution, telle que nous en héritons. Ce texte à mes yeux comprend trois graves défauts organiques, pas de circonstances, pas de savoir s'il dépend de la bonne volonté des gens ou de l'action politique des socialistes... non, il y a trois défauts organiques et politiques, qui sont autant de limites portées au développement démocratique du modèle. D'ailleurs le troisième grave défaut, c'est que ce n'est pas une constitution, mais ça j'y reviendrai rapidement à la fin.

« J'évoque vite les trois défauts... Le premier c'est le maintien du pouvoir intergouvernemental, dans l'Europe espace, dans l'Europe grand marché, comme si cela suffisait effectivement à l'avenir de l'entretien de ce grand Commonwealth, comme je l'appelai précédemment. Le droit de veto est resté, le vote a l'unanimité est resté, sur les domaines que l'on a certes beaucoup évoqué, la politique extérieure, la défense - alors on dit « ah, ben oui mais la politique extérieure, ce ne serait pas raisonnable de demander un vote à la majorité, voyez ce qui c'est passé sur l'Irak ! ». Mais les opinions publiques, comme on les appelle, de Séville à Berlin, en passant par Vilnius, ont manifesté massivement dans le même sens ; je veux bien qu'il faille réconcilier les gauches - je le crois en tout cas - mais il y a eu un décalage manifeste européen, plus ailleurs qu'en France bien sûr vue la position de Chirac, entre la mobilisation, l'expression des peuples et la politique extérieure des gouvernements, qui restaient rachitique [applaudissements], nationalistes et évidemment... on pourrait être plus courageux, on aurait pu - je pense que nos camarades à la convention auraient pu le faire : ils ne l'ont pas fait - être plus ambitieux pour la politique étrangère, effectivement dans certaines conditions, auraient pu être dans les compétences fédéralisées, c'est-à-dire votée à la majorité.

« Mais il y a une compétence dont on ne parle pas - et cela m'intéresse beaucoup - qui est restée de l'ordre de la souveraineté des Etats. C'est la compétence en matière fiscale... Alors la politique fiscale, c'est moins brillant bien sûr que la politique de défense ou la politique étrangère. De quoi s'agit-il ? Quel est l'enjeu ? Nous avons assisté depuis au moins une décennie, à une baisse massive de la fiscalité économique dans toute l'Europe des 15, sous l'influence des Etats les plus libéraux... En France, sous notre gouvernement, le taux de l'impôt sur les sociétés est passé de 50 à 33%, en 10 ans, mais au terme de notre gouvernement ; il a été décidé l'année dernière d'abaisser cet impôt à 25%. Dans certains pays, on bat les records : l'Irlande en est à 10% ! Ce qui veut quoi ? Cela veut dire qu'une véritable concurrence fiscale s'est introduite et engagée en Europe, qu'elle est devenue déloyale, avec l'apparition de régime de discrimination positive, en faveur du Capital et des entreprises ! Si bien qu'aujourd'hui - notez le, c'est peu commenté - les délocalisations - qui aboutissent à de véritables catastrophes dont les salariés font les frais - ce ne sont pas des délocalisations pour aller s'installer en Inde, à Singapour ou dans les pays du Sud, mais des délocalisations internes à l'Union européenne... ! et de ce point de vue là, soyez sûr que l'élargissement va inciter encore plus qu'auparavant les patrons pour délocaliser dans les pays de l'Est, moins chers, plus exposés, moins syndicalisés, etc. Donc la question de la compétence fiscale me semble être une question absolument centrale, comme les paradis fiscaux aujourd'hui pour les mouvements de capitaux internationaux en Europe, qui sont parfaitement légaux, et qui tiennent au fait que les Etats ont conservé leur souveraineté, face à laquelle on ne peut rien faire, pour maintenir ce dumping qui aujourd'hui joue entre les territoires.

« A l'opposé, on a un vote à la majorité qualifiée sur de plus en plus de domaines ! C'est le problème de notre camarade Pascal Lamy qui proposait toute plume déployée, que la culture devait rentrer dans le vote à la majorité ; mais ça veut dire quoi dans une Europe à 25 ? Les positions qui distinguent encore aujourd'hui les sociaux-démocrates de tous les conservateurs durs ou mous en Europe vont devenir historiquement et définitivement minoritaires ! Et si vous mettez les deux en rapport, la fiscalité qui reste de la compétence des Etats, et tout le reste qui passe à la majorité qualifiée, vous avez une Europe qui s'aligne sur le plus petit dénominateur, sur le grand marché et c'est tout ! Il n'y a pas une trace de politique !

« Le 2e défaut c'est le renforcement de la confusion des pouvoirs : on va dire que même les plus pessimistes ne sont pas déçus... Le Conseil des ministres est à la fois un législateur incontrôlable, et un gouvernement incontrôlé ! C'est rare dans l'histoire des constitutions si ça en devient une ! L'invention d'un président du Conseil de l'Union et d'un Ministre des affaires étrangères va ouvrir une compétition évidente avec le Président de la Commission : on peut très bien arrivé à des situations, que nous avons bien connues en France, de cohabitation, et on peut obtenir en effet des progrès politiques, pour peu qu'une majorité se dégage au niveau parlementaire, on peut rapidement arriver à des conflits d'impuissance comme celui que nous en avons connus pendant plusieurs années dans la Vème République.

« Le Président de la Commission - quoi qu'on en dise - est toujours choisi par le Conseil des Chefs d'Etat et de gouvernements. Je rappelle quand même qu'en 1995, les Anglais se sont opposés au choix qu'avait fait le Parlement européen, et c'est le Conseil des Chefs d'Etat qui a obtenu raison. Donc, quand on nous dit, vous savez ce n'est pas grave, ils choisiront sur trois têtes, ils discuteront entre eux - c'est toujours à huis clos le Conseil - et puis le Parlement élira... Non il n'élira pas ! Il investira comme sous la 4e République, quand on avait choisi la tête des partis politiques, il choisira sans doute de voter ou pas, et c'est tout ce qu'il pourra faire ! Le changement n'est pas grand par rapport à Maastricht, ou alors qu'on veuille bien nous l'expliquer ! La Commission reste donc un organe neutre, condamné à la neutralité au-dessus des clivages « nationaux » - je vous expliquais tout à l'heure cette rotation de 15 commissaires pour résoudre cette contradiction que la convention n'a pas su surmonter...

« Le parlement reste une chambre interétatique ! Elu Etat par Etat, dont les pouvoirs en matière budgétaire sont nuls, alors que quand même dans l'histoire des Parlements c'est par là qu'on a commencé ! Un parlement - alors déjà le budget bien sûr c'est 1,25%, Joël Decaillon l'a rappelé, c'est rachitique - mais en plus, le Parlement n'a pas de pouvoirs ! Il n'a même pas été évoqué celui de lever l'impôt : c'est quand même par là que les citoyens reconnaissent qu'un parlement fait des choix ! C'était ainsi au début, c'est comme ça que ça a commencé en Angleterre, puis en France, mais il n'y a aucune trace de cela !

« Troisième et dernier défaut, celui-là n'est quand même pas banal, c'est l'interdiction dans le texte de la convention du moindre et quelconque gouvernement économique ! Parce qu'on avait depuis la monnaie unique, on avait ce système qui étonnait beaucoup d'experts, notamment aux Etats-Unis, à savoir une Banque Centrale totalement indépendante ; mais c'était un traité qui l'avait défini.. Là, on constitutionnalise, pour la première fois dans l'histoire et pour l'unique fois au monde, on constitutionnalise l'indépendance absolue d'une Banque Centrale ! Et personne ne peut la sanctionner et ne peut la contrôler... par contre, elle a un pouvoir unilatéral d'imposer sa politique aux Etats, réduire les impôts, réduire l'indemnisation du chômage, et avec un pouvoir de sanction fort ! Pas secondaire : agir sur les taux d'intérêts ; la banque pourra ainsi poursuivre grâce à la constitution son combat, qui est idéologique, sur l'endettement zéro des Etats, poussant à privatiser les services publics, c'est là la cause, renoncer aux politiques budgétaires, renoncer aux dépenses d'investissement public... La Banque Centrale, sans en faire un spectre, c'est la Banque Centrale - pas les hommes - c'est son indépendance qui fait qu'aujourd'hui on en est là. Alors Raffarin, il peut toujours prendre le train pour faire l'aller-retour, et aller à Bruxelles, pour expliquer que c'est l'année prochaine que la France sera respectueuse des 3,5%, mais le poids de ce point de vue pris par la Banque est exorbitant ! Et il le sera d'autant plus...

« Aux Etats-Unis, le Congrès a l'occasion de menacer la banque fédérale sur la modification de son statut, parce qu'elle n'est pas dans la constitution ! En Europe, ce sera rigoureusement impossible ! Rien là-dessus ne sera possible ! Vu sous cet angle, ce dernier, l'Europe des trente dernières années, et des dix dernières notamment, tous les économistes en conviennent, c'est l'accroissement des inégalités, l'appauvrissement net d'une partie de la population européenne. Si nous voulons continuer dans cette perspective, disons le, mais voilà ce qui se cache derrière cette constitution !

« Alors nous en sommes, nous en sommes là, et je vais conclure sur ce que nous devons faire... Nous en sommes arrivés à l'étrange paradoxe, que cette Europe qui est née dans l'après-guerre, portée à la fois par les Démocrates sociaux, la démocratie chrétienne, et par la social-démocratie, est en train de réaliser la vieille utopie des libéraux du XVIIIème siècle, nulle part réalisée ailleurs, à savoir que l'on a appelé une dictature bienveillante... C'est un pouvoir même pas politique où la décision économique est soustraite à la volonté générale, à la volonté politique ! [Applaudissements] et vous pouvez prendre tous les organes, ce que je viens de vous décrire, l'histoire qu'ils ont parcouru... et l'échec de l'Europe sociale-démocrate d'il y a 5 ans, quand nous avions 12 gouvernements, elle s'explique ainsi : c'est une structure qui veut que les institutions pas les hommes, pas les peuples, les institutions ne peuvent faire que cela ! Elles exproprient les majorités politiques et sociales de leur volonté ! Et c'est sur cela qu'il ne faut pas plaisanter. Parce qu'aujourd'hui il y a un consensus, très fort, qui atteint nos propres rangs, ô combien, en tout cas nos propres rangs : la direction du parti, si je le crois, sur « l'heureux résultat » comme l'a dit Olivier Duhamel, inespéré a-t-il rajouté de cette convention ! Tout le monde que Prodi est quelqu'un de bien, mais Prodi a eu une phrase qui m'a terrifié, quand il s'est fait investir en décembre 1999 à Strasbourg par le Parlement (déjà !), il a eu cette phrase : « les discussions menées au niveau européen permet d'éviter les pressions directes des cycles électoraux nationaux »... et voilà !

« Circulez, y a rien à voir ! Voilà la dictature bienveillante ! On s'occupe de vous et de vos affaires mais vous n'avez pas à donner votre point de vue, et d'ailleurs, vous savez combien, sur la question de l'élargissement - alors que nous avons demandé dans le parti dès le mois de septembre de l'année dernière, qu'il est le principe d'une revendication d'un référendum sur l'élargissement, pas seulement pour les nouveaux entrants, comme sur Maastricht - et bien toute la direction du parti, jusqu'au congrès inclus, nous a dit « mais vous êtes fous ! Mais enfin, Maastricht c'est nous ! On ne va pas défaire ce qu'on a fait pendant 10 ans ! C'est trop compliqué... ». Et là c'est pareil, les cycles électoraux nationaux n'ont pas d'impact sur la vie politique européenne.

« Alors vous conviendrez que cela fait beaucoup, mais il reste un dernier aspect, qui n'est pas que juridique, c'est que cette « constitution » n'est pas une constitution ! C'est le plus violent et le plus scandaleux, pas que pour des profs de droit, des politologues, mais pour ce que cela cache ! On est en train de convaincre les gens que c'est une constitution : or, ce n'est qu'un traité ! Et d'ailleurs, les plus « réalistes » disent « c'est déjà beaucoup», on passe à peu près de plus de 1 200 pages, de traités additionnés depuis Rome, à - je crois que c'est - 360 articles... pour une constitution, 360 articles « bonjour ! »... Il va falloir arriver à la lire, à l'interpréter à la comprendre ; mais le plus significatif c'est que le texte qu'a rédigé la convention doit d'abord être avalisé, vous le savez, par une conférence intergouvernementale où seuls les gouvernements vont discuter pour savoir s'ils tricotent ou détricotent, comme le craignent beaucoup de nos camarades, le texte de la convention, déjà les Espagnols ont dit qu'ils n'avaient pas assez de commissaires, alors...

« Il y a cette première hypothèque : chaque gouvernement dispose dans cette conférence, qui va s'ouvrir en septembre octobre, d'un droit de veto ! Donc la constitution devra être adoptée à une double unanimité : d'abord l'unanimité du conseil européen et éventuellement, s'il y a des référendum, et par des ratifications parlementaires - il y en aura -, par l'unanimité des Etats membres signataires de la convention. Ce qui veut dire qu'on n'a jamais vu ça, quand même... On a jamais vu qu'une Constitution soit un traité pur et simple, fruit de palabres - qui ont tout à fait leur utilité - diplomatiques et qui fait qu'on tourne le dos à l'histoire même démocratique de nos constitutions en Europe ! On connaît deux biais - il n'y en a pas trois ! Ou on élit une Constituante, et là on va arriver en juin prochain, dans 10 mois, on va élire des députés et ils auront rien à dire sur le texte de la constitution ? On va les élire et puis eux aussi une fois qu'ils seront élus, on va leur dire « vous aussi, circulez, y a rien à voir ! », les gouvernements ont adopté le texte mais c'est une constitution... ah ben non, les députés qui auront été élus par nous n'auront aucun pouvoir là-dessus ! C'est sans précédent cette histoire ! Alors qu'on pourrait très bien faire du prochain parlement européen élu en juin, d'en faire une constituante ! [Applaudissements très soutenus] On peut très bien ouvrir pendant 6 mois un débat au Parlement européen, là au moins on verra à quoi il sert, pour débattre sur ces questions là qui ne sont pas des questions absconses pour les citoyens, ils vont écouter les citoyens là-dessus... Et pour qui, et pour quoi ? Qui est fédéraliste ? Qui est démocrate et qui ne l'est pas ?

« Faisons cela ! Ou alors ! Ou alors et aussi... le référendum. Parce que je ne sais pas si vous l'avez noté, mais le référendum, qui a eu tant de prestige il y a 40 ans dans notre République gaullienne, aujourd'hui on s'en méfie beaucoup ! Et Chirac s'est avancé imprudemment peut-être sur la question, sur la promesse d'un référendum, le même jour que les élections européennes d'ailleurs, en France, le texte de la convention, il commence à reculer... Je veux que nous soyons très clairs là-dessus, de la même manière que nous exigeons un référendum sur l'élargissement, nous devons exiger un référendum en France et partout sur le projet de constitution ! [Applaudissements très soutenus]

« Je conclue sur le fait que nous avons un contre-projet ! parce que ce qui est absolument insupportable c'est que nos deux représentants socialistes français à la convention ont la science infuse, ils détiennent les clés de tout, ils ont eu raison... mais si vous lisez dans les textes du parti ou de ces deux camarades, parce que si vous allez sur Internet Olivier Duhamel a son propre site donc toutes les semaines - c'était bien d'ailleurs - on pouvait avoir des informations de la « pensée Olivier Duhamel » sur la convention - ça montait, ça descendait - sur la fondation Jean Jaurès même chose - Strauss-Kahn - il y a eu beaucoup de prises d'opinion, mais comme ça un petit peu latérale, pas très évidentes. Mais pas moindre alternative aux questions que je viens d'essayer de synthétiser devant vous !

« A cela je réponds, nous avons, nous devons, nous pouvons avoir, nous socialistes, à La Rochelle, ou même ici, on peut très bien dire que « ça suffit » pour commencer et continuer le combat ! Et présenter des propositions alternatives sur les trois points que j'ai évoqués : pas seulement sur les compétences - je suis bien d'accord que c'est insuffisant sur l'Europe sociale - mais on avait des structures démocratiques en Europe, on pourrait très bien construire l'Europe sociale avec les syndicats, les associations, les partis, etc. !

Nous sommes pour trois choses simples ! J'avais compris que au moins depuis 1999 avec la convention du parti, que le parti aussi était pour ces choses là, mais on oublie très vite dans le parti... Nous sommes pour un système parlementaire démocratique, c'est-à-dire pour un Parlement qui en soit véritablement un !

. Donc il faut effectivement un vrai parlement, autrement dit une élection directe d'une partie croissante et significative (20%-30%) des députés européens au scrutin proportionnel européen. C'était d'ailleurs déjà dans la déclaration de Laeken. Bref, ce n'est pas trop gauchiste que de dire cela, mais cela n'a pas été suivi avec une méthode incitative comme en France. Que la commission de Bruxelles subventionne publiquement les listes transnationales qui comporteraient dans chaque pays au moins un tiers de non nationaux ; et voilà ; nous aurions là des listes qui seraient européennes et où les gens seraient habitués à voter pour un belge, un espagnol ou un allemand en France. On aurait là la possibilité d'avoir une représentation parlementaire démocratique réellement européenne. Je conclus. Désignation, dans le même sens, par chaque coalition, famille de partis ou parti de son candidat à la présidence de la commission. Que l'on sache avec qui on s'en va à la bataille. Jacques Delors pour les socialistes, ou Mario Suarez ou je ne sais pas trop qui. Enfin, peu importe, on a beaucoup de monde en magasin. Donc on peut très bien dire qui sera le président que nous voulons et on saura qui est élu le soir des élections européennes au Parlement européen. Voilà l'élément clarificateur auquel les gens sont habitués et qui les incitera à voter. Il faut bien sûr - mais je passe, je n'ai pas le temps - refondre complètement le travail parlementaire sur les questions politiques fondamentales. Il y a des procédures qui existent qui ne sont pas appliquées au Parlement européen où elles hiérarchiseraient, comme en France, entre la loi et le règlement. On hiérarchiserait les grandes questions des petites, ce qui ferait que le Parlement pourrait politiquement exister et avoir évidemment une identité. Il faut bien sûr que le Parlement européen puisse voter l'impôt. C'est une revendication élémentaire pour tout parlement. Il faut la mettre en avant pour ce parlement là. Deuxième revendication, nous sommes pour un système primo ministériel comme nous le sommes pour la République en France. Là-dessus, vous êtes familiers de ce débat, je passerai assez vite, je passe très vite. Un exécutif simplifié, contrôlable ; un seul président, et de la Commission et pour l'instant du Conseil ; et un chef du gouvernement qui soit libre de choisir ses ministres pas sur une liste d'aptitude dressée par les gouvernements et les Etats, mais par le Parlement européen pourquoi pas, comme dans tous les Etats démocratiques de l'Europe aujourd'hui. Un système primo ministériel où la responsabilité est claire : on sait qui gouverne ; si on veut le renverser on le renverse. Etc. C'est un système qui serait un progrès pour la démocratie représentative à laquelle nous sommes favorables. Et enfin, il faut une véritable fédération. Nous sommes fédéralistes. Nous ne sommes pas souverainistes. Ce qui veut dire qu'un partage des compétences clair et égal entre les Etats-membres et la fédération doit être tracé. A ce propos, on pourrait aggraver la charge en disant ce qu'est devenue la coopération renforcée dans la Convention. Jusqu'ici c'était de la volonté des Etats les plus engagés dans l'Europe, l'Allemagne, la France, etc. Aujourd'hui, cela ne sera plus le cas. Il y aura une minorité (30%) au Conseil européen qui devra autoriser ceux qui voudront aller plus loin dans le transfert de leurs compétences communes à le faire. C'est une régression par rapport à cette hypothèse, ou à cette possibilité qui existait jusque-la. Et enfin, il faut une véritable constitution. J'ai dit pourquoi et comment, je n'y reviens pas. Et je termine tout à fait en disant que nous devons rappeler, il semble que cela ne soit pas nécessaire mais enfin, rappeler la promesse de François Hollande au congrès qu'il nous faut un référendum interne au Parti socialiste sur la question. Je ne doute pas de François Hollande, mais je doute du calendrier parce que nous allons rentrer, vous l'avez vu, dans les procédures préalables de constitution des listes régionales, puis des listes européennes, puis des cantonales, etc. Avec le calendrier électoral tel qu'il est, je ne vois pas trop quand et comment et surtout combien de temps pourra durer le débat tellement important sur le projet de constitution. Donc je crains que pour des raisons souvent domestiques et du genre « c'est pas nous c'est les autres qui ont fixé le calendrier électoral », on n'en discute pas. Il faut être absolument intransigeant sur cette question du référendum interne. Et puis il faut qu'on ait une position. Et moi, je conclus très vite mais enfin en disant que certes il faut le débat, puisque dans la lettre que je vous ai montré, Olivier Duhamel affiche en gros « le débat politique nous appartient », sauf qu'il conclut en disant « nous devons maintenir la pression pour défendre ce texte ». Or si le débat consiste à savoir quel degré de pression il faut mettre pour défendre le texte tel qu'il est, évidemment le débat n'aura pas vraiment lieu. Je pense que nous devons retrouver justement les voies du vrai débat contradictoire. Moi, je pense que l'on peut, que l'on doit être CONTRE cette constitution. Que l'on doit appeler à voter non. On doit appeler à voter non sur les arguments de la démocratie politique et sociale qui est la nôtre. On ne va pas laisser aux nationalistes de tous poils qu'ils soient à l'extrême droite ou chez les post-gaullistes, le soin de se dresser contre les déficits démocratiques de l'Europe. Car c'est ce qu'ils font aujourd'hui et ils engrangent des voix là-dessus. Nous devons retrouver la voie socialiste, démocratique, de ceux qui disent non pour des raisons justement de déficit démocratique. Dernier avantage, plus positif celui-là. Cela nous ferait retrouver tout de suite aussi les chemins d'un débat politique Oh combien intéressant avec la gauche, l'extrême gauche, les alter mondialistes, les syndicats. Car dans ces milieux-là, on discute aujourd'hui de l'Europe. Souvent, on dit d'un air condescendant « ils se trompent, ils ne sont pas d'accord, ils sont bornés ». Enfin bref, on a droit à tout. L'extrême gauche... Il y a des débats. Pour des raisons professionnelles quasiment, je suis un peu ces débats. Des débats intéressants, contradictoires il y a en a en effet aussi dans l'extrême gauche. S'il y a bien un terrain sur lequel on pourrait reconstruire un socle démocratique, positif, fédéraliste, c'est bien l'Europe. Pas avec toute l'extrême gauche. Lutte ouvrière est absolument contre. Mais la Ligue communiste révolutionnaire, c'est beaucoup moins évident. Bref, je ne dis pas qu'il faut manipuler, je dis qu'il faut débattre. On a des choses à dire. Eux en ont moins que nous à dire souvent là-dessus. Allons-y. C'est un terrain qui est d'actualité pour l'année qui vient, qui nous permettrait de reconstituer un socle politique et programmatique et nous finirions ainsi, et ça n'est pas rien, par retrouver - dernier chemin - celui des électeurs des couches populaires, les ouvriers et les employés qui depuis 10 ans, depuis Maastricht, ont déserté les urnes, même pour voter pour nous, parce qu'ils ne croient pas une seconde que les politiques de l'Europe et qui plus est les institutions de l'Europe aujourd'hui sont de nature à défendre leurs intérêts. Si nous sommes vraiment social-démocrate, il faut d'abord retrouver la voie électorale, la voie politique et sociale de ces couches là, et c'est ce à quoi, à mon avis, peut inciter le vote non à cette constitution.

Paul ALLIES est professeur de Sciences Politique à l'Université de Montpellier

Il est Conseiller Régional Socialiste du Languedoc Roussillon

C'est un des animateurs du NPS de notre région

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