GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Intervention de Gérard Filoche au Bureau national du PS le mardi 9 septembre 2014

Je l’avais dit ici, il y a un peu plus d’un an : nous sommes comme dans un TGV, bien installés dans le siège, tranquilles, il y a la lumière, il y a le paysage, nous avons nos ordinateurs, nous roulons à 300 à l’heure, mais… nous allons nous fracasser dans le mur.

J’avais dit cela avant le 30 mars et avant le 25 mai. Nous nous sommes déjà écrasés deux fois, mais on a une orientation qui fait comme si de rien n’était, et on continue dans un train fantôme, à faire comme si… « On » : c’est le gouvernement, c’est la ligne politique qui est devenue carrément libérale, et qui n’a plus rien à voir avec nos projets, nos promesses, notre raison d’être en tant que socialistes. Le gouvernement est plus minoritaire aujourd’hui qu’hier, il a rejeté encore tout un pan du parti socialiste, il se recroqueville sur une politique maintenue de façon volontariste contre tout bons sens.

Est-ce de l’autisme ? Non, le mot n’est pas bon, mais il y a de l’aveuglement, de la surdité à la fois.

Comment le putsch du 25 août a-t-il pu être possible ? Comment le Président, qui, aux Comores, avait dit que le langage d’Arnaud Montebourg était compatible, s’est-il converti, arrivé à Paris, devant son 1er ministre, à un nouveau gouvernement plus restreint, plus droitier que le précédent ? Pour gouverner, il faut rassembler, donner confiance ; comment en arrive-t-on à un gouvernement qui divise, qui s’isole, et qui, dans les sondages connaît ensuite, sans surprise, cet effondrement ? François Mitterrand disait qu’il fallait d’abord « rassembler les socialistes » ; ce n’est délibérément pas le cas aujourd’hui. Et rien n’a jamais réussi à la gauche sans unité ; or là, ni les Verts, ni le FdG, ni le MRC ne nous soutiennent ni ne participent.

Et voilà qu’en guise de réponse à nos objections, à notre volonté de rester sociaux et socialistes, Manuel Valls nous multiplie les chantages, à la dissolution, à la crise institutionnelle, à Le Pen… Mais d’abord pourquoi menacer de dissoudre ? La majorité existe, c’est notre majorité de gauche. Seul notre parti a 290 députés, mais avec ses partenaires il y a 340 députés de gauche. Il y a parfaitement place pour une autre politique, et il y a une majorité rose-rouge-verte pour la conduire. Moi, Président, je réunirais toute la gauche, et je dirais : « Nous sommes dans une situation de crise terrible, le patronat ne veut rien entendre, avec Gattaz ça ne marche pas, il se moque de nous de façon irresponsable, refuse toute action positive, en réclame toujours davantage sans rendre rien. Donc il faut réorienter, la gauche doit s’unir et se remobiliser ; appuyons-nous sur le salariat, il n’est pas trop tard, c’est même urgent, travaillons à mettre à jour un programme d’action immédiat, réforme fiscale, taxation des dividendes, redistribution, hausse des salaires... et on fait un gouvernement rose-rouge-vert pour conduite ce nouveau cours de la fin du quinquennat… On doit pouvoir, ensemble, au moins prendre sur les dividendes et hausser les salaires, non ?

Il ne faut pas « agiter Le Pen » ; elle a fait 9 % des voix des inscrits le 25 mai, elle a perdu 1,2 million de voix, entre mai 2012 et mai 2014. Mais c’est notre faute, ce résultat. Parce qu’on désespère la gauche et que nos électeurs s’abstiennent. C’est à cause du fait qu’on décourage nos électeurs, qu’ils s’abstiennent et c’est à cause de cette abstention, sans gagner elle-même de voix, par défaut, que Le Pen est en tête. Et si elle est en tête depuis dans les sondages, c’est qu’elle se nourrit de cette situation. Si nous menions une politique de gauche, nous la ferions reculer, ça aurait l’effet attribué à l’ail contre les vampires.

Car, comme dit Michel Sapin, c’est « la panne ». Tous les signaux sont au rouge. Chômage, dette, quasi déflation, croissance zéro, et bien sûr, il n’y aura pas 3 % de déficit, objectif inatteignable et absurde, puisque en le recherchant on nourrit la récession qui assèche les recettes fiscales, ce qui creuse le trou des déficits !

Et c’est là, au milieu de tout ça, au lieu de redonner à nos concitoyens, aux salariés qui produisent les richesses, à nos électeurs, des éléments de confiance, que le premier ministre va faire un discours dithyrambique au Medef, sans donner aux salariés la place qu’ils méritent. Alors que le Medef se moque, que Gattaz ment ; moi, j’ai entendu, de mes oreilles, Laurence Parisot dire qu’il n’était pas question de contreparties, pas question de signer un « pacte », qu’ils allaient « se sortir de ce piège »… Ce sont des adversaires acharnés de la gauche ; inutile de croire qu’on va les séduire ou les acheter ; seuls leurs intérêts, leurs « marges » les guident, et ils savent qu’ils obtiendront encore mille fois plus de la droite…

Comment dire « j’aime l’Entreprise » ? Il n’y a pas d’Entreprise ! Ça n’existe pas, il existe 1,2 million d’entreprises toutes différentes, rien à voir entre les 1000 entreprises de plus de 1000 salariés qui produisent 48 % du PIB et le million de TPE de moins de 10 salariés. Et il est impossible d’aimer LES entreprises sans aimer les salariés, car elles ne valent rien, n’existent pas sans salariés. Ce contre-sens qui consiste à croire qu’en couvrant le Medef de milliards sans contrepartie, ils vont créer l’emploi pour lequel nous militons. Ils ont intérêt au chômage, ils ne produisent qu’à 70 % de nos capacités productives, ils préfèrent leurs marges à l’emploi. Ils ne cessent de se plaindre sur leurs marges comme un paysan sur les saisons.

On va voir les négociations par branches comme une litanie de faux semblants, de fausses promesses, d’évitements, d’imprécisions ; partout ils encaisseront, partout, ils licencieront, et il faut dire que les licenciements leur sont facilités depuis l’ANI, la loi du 14 juin 2013. Les Direccte ont même reçu la directive d’arriver à « zéro refus d’homologation » c’est-à-dire d’accepter tous les plans sociaux, ce qui est incroyable quand on prétend lutter contre le chômage.

Et on se sent mal à gauche quand François Rebsamen choisit de dire qu’il faut contrôler les chômeurs. Ça nous casse le moral dès le lundi matin. Ce n’est pas la lutte contre la fraude fiscale de 80 milliards qui est mise en avant, non, mais c’est celle contre la fraude présumée de 28 millions au Pôle emploi. Pourtant, on sait qu’un chômeur sur deux n’est pas indemnisé, c’est de cela qu’on devrait s’inquiéter, non ? On sait que les aides sociales ne sont pas consommées, à peine à moitié ! Pourtant, on sait que ces aides sociales non consommées sont largement supérieures à la fraude présumée. Pourtant, on sait que Pôle emploi est déjà l’objet de directives très sévères (malgré les carences en personnel) et qu’il y aurait eu 41 000 radiations pendant le seul mois de juin. Les radiations atteindraient 2,5%, mais c’est énorme car il y a 5 992 000 chômeurs toutes catégories confondues, outremer inclus. Non, ce n’est pas quand on échoue à faire reculer le chômage qu’il faut donner l’impression de s’en prendre aux chômeurs : leurs indemnités ne sont pas une aumône, mais un dû, ils ont cotisé, ils ont longuement payé pour une assurance chômage. C’est une assurance, ce qu’ils reçoivent n’est pas un abus.

Et que nous dit la presse d’aujourd’hui ? Que la question des « seuils sociaux » est au centre de la rentrée, que le travail du dimanche va être traité par ordonnances, puis que ce n’est pas le cas, mais qu’on va « simplifier le code du travail » alors que celui-ci a déjà été passé à l’acide par la droite et le Medef de 2004 à 2012. Allons : à ne pas être à gauche, à être libéral à contre-vocation, il ne faut pas s’étonner des sondages, ni qu’on aille dans le mur.

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