GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Comment mener campagne contre Macron-Philippe ?

Bureau national du PS du 22 mai : intervention de Gérard Filoche

Il ne faut pas laisser dire « Donnons-leur une chance » ou « Attendons de voir ce qu’ils vont faire ». Ils ne connaissent aucun état de grâce, ils commencent avec des sondages très bas.

Pourquoi ? Parce qu’en fait seulement 6 % des gens ont voté en positif « pour » la personne illuminée de Macron, et 16 % pour ce que les gens croyaient être son programme. La vérité, c’est que la majorité des gens ont voté pour lui « contre » Fillon, puis pour lui « contre » Le Pen. Par défaut, mais pas par adhésion.

Et évidemment, ceux qui n’avaient pas bien compris, ouvrent les yeux devant Philippe, Lemaire, Darmanian, Blanquer, et Cie… C’est un gouvernement de droite à 100 %. Et tout le monde sait ce que ça veut dire un gouvernement de droite, qui annonce des ordonnances en plein été contre le droit du travail, pour éviter le débat au Parlement et la mobilisation sociale.

Mais c’est à nous d’aller chercher au fond ce que leur projet cache… à peine. Prenons des exemples concrets, fouillons les argumentaires :

1) On ne souffre pas en France de trop de droit du travail ; au contraire, ce qui existe est inappliqué, il y a un milliard d’heures supplémentaires fraudées, dissimulées, non payées, non majorées, l’équivalent de 600 000 emplois. C’est la principale délinquance patronale de masse, ce n’est pas en ne les contrôlant pas, en les laissant ne pas payer, c’est-à-dire en appauvrissant les salariés les plus exploités, que ça se règle ! Au contraire, contrôlons le travail dissimulé, et donnons-nous de meilleurs outils pour le sanctionner.

2) La France bat les records européens d’accidents mortels du travail : le chiffre est de 547 en 2015. Donc il faut davantage de règles, de contrôles et de sanctions. D’ailleurs de façon générale, les pourfendeurs des prétendues rigidités du Code du travail ne font jamais rien en matière de sécurité, hygiène et conditions de travail ; ils n’en parlent jamais. Pire, ils affaiblissent les protections, les CHSCT. On a 4500 handicapés du travail en plus chaque année, il y a 650 000 accidents du travail avec arrêt chaque année, les maladies professionnelles augmentent de façon spectaculaire parce qu’on ne contrôle pas assez les entreprises, lesquelles sont motivées par les profits/dividendes et pas par l’intérêt général (Volkswagen, Samsung, Fiat, Chrysler…). Par exemple, formulons une proposition phare : interdire l’intérim dans le bâtiment et dans les 1200 entreprises Seveso. Oui : interdire l’intérim dans le bâtiment comme en Allemagne (où le Code du travail est plus gros et plus précis que le nôtre). Les intérimaires sont, en France, ceux qui ont le plus d’accidents en proportion, et dans le bâtiment encore plus. Pas d’intérim dans le bâtiment ! Comme en Allemagne ! C’est une façon de contre-attaquer toutes leurs théories contre le droit du travail.

3) Ils veulent un référendum partout dans les entreprises : il faut démontrer pourquoi c’est anti-démocratique. D’abord parce que dans les entreprises, les salariés sont subordonnés. Un contrat de travail est un lien de subordination juridique permanent. Il n’y a pas d’égalité ni de citoyenneté dans les entreprises. C’est l’employeur qui décide unilatéralement de la naissance du contrat, de la gestion du contrat, de la rupture du contrat. Un référendum dans ces conditions, ce n’est pas démocratique. Les syndicats par exemple, pour obtenir des élus au premier tour, doivent obtenir un quorum de 50 % de votants. 50 % ! Faire comprendre aux gens que ce n’est pas le cas des politiques ! S’il fallait un quorum de 50 % dans les élections politiques, il n’y aurait pas beaucoup d’élus. Donc les syndicalistes sont bien élus. Mais pour un référendum, il n’y a pas de quorum ; le patron l’organise lui-même comme il veut, par exemple le samedi matin et tant pis s’il y a 20 % de participants.

4) La Constitution prévoit que « les salariés s’expriment par l’intermédiaire de leurs délégués et participent ainsi à la gestion des entreprises » . Or, dans les faits, 80 % des salariés n’ont pas d’IRP, pas de délégués, pas de syndiqués, pas d’élus. Il faut renforcer l’application de la Constitution, pas l’affaiblir.

5) Pourquoi un « barème aux prud’hommes » ? Le principe de la justice, c’est que ce sont les juges qui fixent les dommages et intérêts. Il est anticonstitutionnel d’enlever aux juges des prud’hommes le droit de juger, d’apprécier la gravité du dommage. Et puis la droite réclame de la sévérité contre la délinquance, elle a même inventé des « peines planchers » contre les petits délinquants ; pourquoi inventer des « peines plafonds » pour la délinquance patronale ? Deux poids, deux mesures ?

6) Rappeler que le droit du travail est un droit fondamental de l’homme et de la femme. Il ne se négocie pas. C’est l’état de droit dans l’entreprise. C’est l’ordre public social. C’est la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. C’est la déclaration de Philadelphie. C’est la Charte européenne des droits humains de 1999. L’OIT existe : elle incarne le droit universel du travail, le droit planétaire. On ne veut du travail des enfants nulle part, ni chez nous, ni au Portugal, ni au Bangladesh. Ça ne se négocie pas boutique par boutique. Le droit du travail est d’essence supérieure aux intérêts des entreprises, boîte par boîte. Idem pour les durées du travail, pour les salaires minima. De même, les conventions collectives de branches l’emportent sur le dumping social à l’intérieur des branches, même la majorité du congrès de Poitiers avait appelé à restaurer la hiérarchie des normes.

Nous avons à démontrer, à convaincre dans la campagne législative pour dénoncer l’offensive n° 1 de ce gouvernement de droite, du Medef, et ainsi opposer concrètement nos candidats socialistes aux sombres projets réactionnaires de Macron-Philippe-Pénicaud. Pourquoi Macron veut-il commencer par cette loi phare scélérate ? Pour se venger de n’avoir pu l’imposer totalement à Hollande et Valls à travers la loi El Khomri qui ne s’est pas appelée « Macron 2 » ? C’est la réalité. Mesquine. Menaçante. Absurde. Intolérable. On peut faire un « carton » contre ces ordonnances si on concentre nos coups contre elles.

Mais aussi contre les 120 000 fonctionnaires en moins : qu’est-ce que ça veut dire dans les hôpitaux, les écoles, la police, la justice, les contrôles d’application des lois ? L’autre jour, j’étais dans une réunion avec des camarades socialistes : une femme s’effondre en pleurs, elle nous explique : « Excusez-moi, je suis infirmière, j’ai failli laisser mourir deux personnes aujourd’hui, ça me prend comme ça ». Tout le monde sait qu’il manque des dizaines de milliers de personnels dans les hôpitaux.

Alors, évidemment ça ne peut pas aller du tout avec les candidatures de Marisol Touraine et de Myriam El Khomri. Elles ont été particulièrement hypocrites : elles ont sollicité l’investiture socialiste et après, elle se réclament sur leurs tracts et affiches de la « majorité présidentielle de Macron », qui ne présente pas de candidat en face d’elles. N’est-ce pas honteux ?

Non seulement il faut leur interdire de se réclamer du PS, mais puisqu’il est trop tard, à cause de leurs manœuvres, pour leur opposer un candidat socialiste, il faut appeler à les faire battre, et soutenir dans leurs circonscriptions des candidats de gauche, qui, eux, s’opposent aux ordonnances, à la suppression des 120 000 fonctionnaires, d’une part importante de l’ISF, et du tiers payant, etc.

Non seulement on doit combattre la politique de la majorité Macron, mais on doit appeler clairement à battre celles et ceux qui veulent y participer et la soutenir. Qu’ils aient été ministres n’est surtout pas une excuse ; au contraire, cela entraîne une exigence encore plus forte. Car si on ne fait pas cela clairement, on sabote les campagnes positives de nos camarades socialistes, qui, eux, défendent la gauche contre Macron.

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