GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Contre Jupiter et Uber

Bureau national du PS du 20 juin : intervention de Gérard Filoche

Nous étions cent aujourd’hui au séminaire du BN, avec une quarantaine d’interventions. Voici la mienne :

Le problème n’est celui de « l’espace politique » des socialistes, mais : « qui sommes-nous, qui défendons-nous, pourquoi et comment » ?

Nous sommes ou voulons être le parti du salariat,

Le parti de ceux qui produisent les richesses et n’en reçoivent pas la part qu’ils méritent,

Le parti de ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre,

Le parti de ceux qui sont exploités, opprimés,

Le parti qui veut redistribuer les richesses,

Parce que l’égalité, formelle et réelle, aide au développement des civilisations, des économies, des collectivités et des individualités, aide à l’émancipation de l’humanité.

Et c’est notre idéal. On se bat pour le réaliser.

Ce qui compte, c’est la base sociale que nous représentons et défendons, et c’est le salariat. C’est 93 % des actifs. 93 % !

L’immense majorité productive de notre peuple (et dont les jeunes qui sont des salariés en formation, les chômeurs qui sont des salariés temporairement privés d’emploi, et les retraités qui vivent en direct grâce aux salaires).

Faites bien attention à ça

Car il n’y a que 7 % d’indépendants, artisans, commerçants, agriculteurs, startuppers, VTC, auto-entrepreneurs, petits, moyens et grands patrons, affairistes, lobbyistes, traders, qui sont et pourtant ils sont les héros de Macron, les « sans statuts ».

Macron, c’est Jupiter et Uber, l’anti-salariat, l’anti-socialiste, c’est un libertarien autoritaire ; l’ultra-libéralisme va avec la poigne de fer, le tonnerre au service des seuls dieux, et les esclaves en bas.

Or ces idées et ces milieux-là ont exercé de fortes pressions sur les sommets de notre parti, et nous ont détournés de notre électorat massif, les salariés. Nous avons couru avec Terra Nova et Cie, après une chimère minoritaire, une vision fictive des prétendus couches moyennes supérieures, et perdu notre base réelle :

Or 50 % des salariés gagnent moins de 1700 euros,

98 % d’entre eux sont en-dessous de 3200 euros,

9 millions sont en-dessous de 900 euros,

C’est à eux que les socialistes doivent s’adresser : notre camp est le salariat et il est majoritaire. Revenons à cette base sociale et à ses aspirations :

Que les salaires augmentent et que les dividendes baissent,

Que les inégalités se réduisent,

Qu’il n’y ait pas de revenus supérieurs à 20 fois le Smic,

Que le Code du travail respecte la civilisation, la dignité des femmes et des hommes au travail.

Ce sont les entreprises qui doivent s’adapter aux droits du travail et pas l’inverse.

A partir de là, oui, puisque la question est posée, c’est dans l’intérêt, non pas de « nous », mais du salariat et de la gauche, que nous les défendrons ; ils nous donneront leur voix, nous serons utiles à nouveau.

C’est pourquoi, nous devons continuer à travailler ensemble encore et encore après ce désastre :

- Pour un grand parti démocratique pluraliste de la gauche et pour la gauche unie,

- Pour un parti pluriel, de débat, unitaire, avec le respect et l’association des idées comprends pas, des directions collégiales élues à la proportionnelles et inclusives.

La gauche ne peut pas être organisée à l’ancienne, par un parti vertical, plébiscitaire et centraliste avec une seule fonction, tribunicienne. Ça ne se peut pas. La démocratie, cela fait partie du programme.

La gauche, c’est un maillage pluriel, des alliances plurielles appuyées sur des syndicats, des associations, des territoires, des quartiers, des villes, des entreprises, des bureaux, des écoles, des universités… Restons et travaillons ensemble si nous sommes tous démocrates et socialistes. Et renouons avec toute la gauche, tous ses partis, tous ses syndicats, tous ses courants. Il faut appeler Mélenchon et s’il refuse, être unitaires pour deux jusqu’à ce qu’il l’entende et l’accepte, car à un moment, ça deviendra forcément une demande majoritaire du salariat.

Je propose qu’il y ait un groupe parlementaire solide dans l’opposition, le nôtre, mais aussi qu’il y ait un intergroupe avec le reste de la gauche, PCF, FI.

Social et démocrate, socialiste : ces mots sont toujours une idée neuve, ils incarnent un programme fort, le plus beau des programmes. Evidemment, si on est vraiment démocrates, si ce sont vraiment les militants qui débattent et décident, si les sections, les fédérations fonctionnent respectueusement vis-à-vis de toutes les sensibilités, il faut être pluralistes, si on s’écoute, si on se respecte, s’il n’y a pas d’exclusive, si on défend le social au cœur.

Et l’écologie, cher Guillaume Balas, est une question sociale.

Et oui, comme le disait Laurent Baumel, il ne faut pas retomber dans le crétinisme présidentiel,

Et que le Parti se fasse tuer par ceux qu’il a élus.

On dit à chaque fois que le parti va être vigilant, puis on cède et on coule. Cambadélis a dit un jour : « le parti propose et le gouvernement dispose. » Mais, non et non, le parti a un « projet », il a une « ligne » adoptée, votée, il l’applique et ses groupes parlementaires et ses élus l’appliquent.

C’est dans ce sens-là que fonctionne la discipline si cela a un sens, pas dans le sens inverse quand on rappelle à l’ordre les militants qui défendent la ligne votée contre le présidentialisme qui trahit.

On ne peut pas se reconstruire sans tirer un bilan sur ce quinquennat maudit. Il nous a fait tout perdre : sept élections, sept ! Nous avions tout en 2012 ; c’est une telle catastrophe qu’il ne nous laisse rien en 2017. J’étais de ceux qui l’avaient dit pas à pas, à temps, en suppliant qu’on change la ligne en cours de toute ; on n’a pas été écoutés. C’est quand même un verdict incontournable : on gouverne pour nos électeurs, pas contre eux.

Je veux bien ne pas en faire un préalable envers ceux qui y ont cru et qui réfléchissent, ici, aujourd’hui, mais il va bien falloir que cela se dise, se sache, se tranche. On ne va pas garder un « rapport Khrouchtchev secret » là-dessus.

La conclusion, c’est qu’il ne peut pas y avoir d’hésitation : il faut évidemment voter contre la confiance à Macron.

Il ne peut pas y avoir d’abstention : on ne peut pas être entre deux chaises, on ne peut pas repartir d’un mauvais pied. Vous imaginez si, pour les 5 ans qui viennent, on commence en donnant l’idée qu’on ne sait pas comment se situer, on est foutus. Aucune chance de restaurer notre image, de continuer à travailler ensemble. Et ceux qui ne le veulent pas, qu’ils fassent leur parti, dommage, mais que ce soit clair.

On ne peut pas être Macron et socialiste,

C’est incompatible.

On ne peut pas cautionner les ordonnances anti-travail,

La suppression de l’ISF,

La fin de 120 000 fonctionnaires alors qu’il en manque tant,

Le CICE permanent,

La fin du salaire brut.

Sinon, jamais nous ne nous reconstruirons utilement pour le salariat.

Et là il faut le dire :

On veut la hausse du Smic, oui ou non ?

On veut favoriser les salaires et baisser les dividendes (record historique), oui ou non ?  On veut contrôler les licenciements et ne pas les faciliter, oui ou non !

Notre République doit contrôler les 1000 entreprises qui produisent 50 % du PIB, et on ne se soumet pas à elles. On veut remplacer la dictature invisible du marché par la main visible de la démocratie.

On peut être un parti de masse : je me rappelle quand Cambadélis il y trois ans, nous passait en CN des diapositives proposant un parti des 500 000… On est plutôt rabougris !

Mais il y a deux exemples en Europe, même si le PSE va mal, qui peuvent nous inspirer, - celui du Labour Party rabougri lui aussi par le sinistre Blairisme, et qui renaît avec Jeremy Corbyn : 600 000 membres, parce qu’il y avait un besoin de gauche, forcément, en particulier dans le jeunesse britannique. Le Labour a fait une remontée électorale considérable, et Corbyn a gagné dans les trois collèges, syndicaux, élus, adhérents. C’est le plus grand parti de masse socialiste aujourd’hui.

     Et puis le Portugal où l’unité de la gauche PSP, PCP, Bloc de Gauche, a marché et semble réussir, bien mieux qu’ailleurs.

Alors oui, retravaillons ensemble, reconstruisons, soyons unanimes pour combattre la majorité présidentielle et tout ce qu’elle charrie de dangereusement antisocial : le macronisme, ce n’est pas le centre, c’est la droite, et n’est-ce pas Macron qui a dit, à la BBC, que « les Britanniques ont eu la chance d’avoir Margaret Thatcher » ?

Nous voulons plutôt saisir la chance de travailler comme Jeremy Corbyn, en nous réorientant à gauche, en renouant tous les liens si précieux avec toutes les forces de gauche : PCF, FI, EELV, sans exclusive.

A l’unanimité, le BN se prononce contre la « majorité présidentielle » de Macron : cela sera soumis au CN du 24 juin.

 

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