GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie La revue DS

Interdire le glyphosate dès maintenant

Cancérogène probable chez l’humain selon l’OMS, le glyphosate, composant actif du Round Up, est au cœur d’une polémique scientifique entre l’Union européenne et Monsanto. Son utilisation prolongée est soumise à un nouveau vote de la commission européenne. Quelle sera la position de la France ?

Le monde agricole est en émoi. La FNSEA défile sur les Champs-Élysées. Le modèle économique agricole dominant qui ne veut pas voir une « mauvaise herbe » dépasser tient absolument à pouvoir utiliser le plus  longtemps possible son meilleur allié dans la course aux rendements, le célèbre RoundUp, de la firme Monsanto. Ce désherbant inventé dans les années 1970 a d’autant plus de succès chez les céréaliers que depuis trente ans Monsanto commercialise des semences génétiquement modifiées pour résister à cet herbicide. Résultat : moins d’épandages phytosanitaires, moins de travail du sol et des rendements assurés.

Ce que Monsanto oublie de préciser, c’est l’impact du produit sur la biodiversité : asphyxie des sols, érosion accrue, sans compter les effets de ce perturbateur endocrinien sur la faune animale. Aux États-Unis, Monsanto est poursuivi par 3 500 plaignants, victimes ou proches de victimes d’une forme de cancer du sang, le lymphome non hodgkinien, attribué au glyphosate.

Décrié,  le glyphosate est toujours autorisé

Dans les parcs des collectivités, il est interdit depuis le 1er janvier 2017. Chez les particuliers, sa vente sera totalement interdite en 2019. Déjà, les jardiniers ne le trouvent plus en libre-service dans les rayons.

Dangereux dans nos parcs et jardins, le produit est toujours en vente libre pour le monde agricole qui en consomme 8 500 tonnes par an. Sa commercialisation est régie par une licence européenne de mise sur le marché. En 2016, la Commission européenne devait se prononcer sur sa reconduction pour dix ans. L’opposition de la France et de Malte, estimant le fort risque cancérogène, a eu raison du scrutin ; l’exécutif a seulement décidé de la prolongation pour dix-huit mois, le temps que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) rende un avis sur sa dangerosité.

Nous sommes au terme du délai et l’EFSA doit répondre à la question : le glyphosate est-il cancérogène ? Bonne question, mais à qui la poser ? Le RoundUp est accusé de tous les maux par les scientifiques : génotoxique (il endommage l’ADN), cancérogène pour l’animal et « cancérogène probable » chez l’homme, selon une étude du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Pourtant, l’industriel américain qui en détient la recette et en tire de faramineuses recettes (40 % du chiffre d’affaires de la firme, soit 5,4 milliards de dollars en 2012) affirme le contraire.

Un plagiat européen qui ne fait pas autorité

Dans cette controverse, les partisans de l’agriculture dopée aux herbicides pensaient pouvoir s’appuyer sur un rapport avantageux de l’autorité européenne : les experts déclaraient depuis 2015 que les études accusant le glyphosate de risque cancérogène n’étaient pas fiables. Sur la base d’un rapport d’un institut fédéral allemand, l’EFSA démontait les arguments des plus farouches opposants au RoundUp. Seul hic, en septembre dernier, l’ONG Global 2000 a révélé que ces commentaires défavorables étaient purement et simplement de longs copiés-collés des rapports de Monsanto. L’influence du lobby industriel a sauté aux yeux du grand public. Les révélations des Monsanto Papers du quotidien Le Monde décrivent la manière dont la firme monnaye la signature de scientifiques reconnus au pied des papiers écrits dans ses propres laboratoires.

User de précaution avec la terre et les humains

Le risque sanitaire est probable pour les chercheurs indépendants, l’innocuité seulement avancée par l’industriel agrochimiste. Pourquoi ne pas s’en tenir au principe de précaution ? Faute de preuve du caractère inoffensif du glyphosate, l’agriculture européenne devrait s’en passer, au plus vite. Des modes de culture alternatifs sont déjà développés : par les tenants d’une agriculture raisonnée, par les inventifs paysans de l’agriculture intégrée et par les agriculteurs biologiques. Ils développent des techniques culturales et un modèle économique de proximité qui mériterait toute l’attention et le soutien de la Commission européenne et du gouvernement français.

Pour l’heure, la France prévoit de voter contre une nouvelle licence de dix ans pour le RoundUp. Pourtant, nul ne peut prédire sous quel délai Nicolas Hulot et Stéphane Travert souhaitent en sortir. Emmanuel Macron saura-t-il concilier la transition écologique « et en même temps » l’agriculture intensive ?

Frédéric Astier (article de la revue Démocratie&Socialisme d'octobre 2017)

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