GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Ils ont un pape !

Capture d'écran de France 2 le mercredi 13 mars 2013.

Que France 2, ce mercredi 13 mars, ait pu traiter de l’arrivée d’un nouveau pape comme de l’arrivée d’une course cycliste n’était pas particulièrement novateur. « Barabbas engagé, déclara forfait. » étaient déjà les premiers mots de « La passion considérée comme une course de côte », écrite par Alfred Jarry en 1903. Cela n’était pas non plus très gênant, l’élection du personnage n’a rien d’un évènement démocratique : un pape est élu par des cardinaux, eux-mêmes nommés par un pape.

Non, ce qui était gênant, était qu’une chaîne publique puisse traiter cet évènement avec en bas du coin droit de l’écran l’inscription « Habemus papam », (nous avons un pape), en gros caractères. La chaîne, évidemment, jouait sur l’ambigüité de la situation, cette formule consacrée devant être prononcée du haut d’un balcon du Vatican lors de la proclamation du nom du vainqueur. Mais ce n’est pas pour autant que « nous » avons un pape. Alors que le nombre de catholiques pratiquants est maintenant réduit à la portion congrue dans notre pays et que de toute façon, la France est une République laïque, la formule « Ils ont un pape », certes moins racoleuse, aurait été plus avisée.

Continuant sur cette lancée, Le Figaro du 14 mars insistait sur tout ce qu’il convenait de savoir de ce pape qui aurait renoncé à se faire appeler François 1er. Un pape opposé à l’avortement comme au mariage gay, qui parle plusieurs langues, à qui il manque un morceau de poumon, qui lit beaucoup et se lève tous les matins à 4 h 30.

Le quotidien ne signalait qu’en tout dernier lieu et succinctement le fait que Jorge Bergoglio, alors provincial des Jésuites à Buenos Aires, ait pu être accusé d’avoir livré, en 1976, deux missionnaires jésuites, Orlando Yorio et Francisco Jalics, aux forces armées de la dictature de Videla(1) . Le Figaro préférait insister sur la réputation de modestie attribuée au nouveau pape. Un peu comme si c’était son goût de l’ostentation qui avait pu être reproché à Judas.

Le pape précédent avait été membre des jeunesses hitlériennes. Il était alors adolescent et n’avait pas eu le choix. La question qui se posait à l’occasion de son intronisation était plutôt celle du choix d’un tel pape par l’oligarchie catholique. Pourquoi, alors qu’elle avait le choix, à la différence du jeune Joseph Ratzinger, avait-elle distingué, parmi tant de « papabiles », précisément celui qui avait fait partie des jeunesses hitlériennes ?

Une question identique se pose aujourd’hui : pourquoi parmi tous les candidats au trône du Vatican, les hiérarques catholiques ont-ils cru bon de choisir un haut dignitaire d’une Église argentine dont la hiérarchie a été contrainte de faire publiquement repentance pour « ne pas s’être engagé pour le respect des droits de l’Homme », selon ses propres termes, fort mesurés au demeurant, face à une dictature militaire qui avait pratiqué massivement la torture et qui avait tué ou fait disparaître 30 000 être humains entre 1976 et 1983 ?

Deux fois de suite, cela commence à faire système : perseverare diabolicum !

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(1): Voir, à ce propos l’article de Christian Terras du 14/03/2013 sur le site de Golias : golias-news.fr. Cet article cite, notamment, Emilio Mignone, un militant des droits de l’Homme qui, dans son livre Iglesia y dictadura décrit « la complicité sordide » de l’Église catholique avec la junte militaire.  (retour)

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