Il y a 90 ans, le 15 janvier 1919, ils ont assassiné Rosa Luxemburg...
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Mais qui était Rosa Luxemburg ?
Une des plus grandes penseuses du socialisme...
Tour à tour dirigeante, théoricienne, polémiste,
écrivaine, journaliste, Rosa s’impose
comme une figure centrale de la
social-démocratie allemande et internationale.
Une des plumes les plus redoutées du
Parti, elle n’hésite pas à porter le fer
contre Millerand, Jaurès, Lénine,
Bernstein, Kautsky ou Trotsky. Son
impact sur le mouvement ouvrier politique,
elle l’a forgé dans son combat
théorique politique et pratique au sein de
l’Internationale et du socialisme polonais,
puis allemand, comme dirigeante
du SPD, puis de l’USPD, de la Ligue “Spartakus”, enfin
du DKP. Née dans une famille juive polonaise en 1871, à
18 ans, son militantisme la conduit à l’exil. A 23 ans, avec
son compagnon Léo Jogiches, elle fonde le SDKPiL polonais
qu’elle représente à l’Internationale.
En 1898, elle s’installe à Berlin où elle
deviendra une principale dirigeante du
SPD, puis de son aile gauche. Elle travaille
comme journaliste socialiste, traductrice
et enseigne à l’école du Parti.
Elle participe au côté de Kautsky à la lutte
théorique contre le révisionnisme
(Bernstein). En 1905, elle regagne
Varsovie pour participer au mouvement
insurrectionnel. Après un séjour en prison
elle rentre à Berlin. Sa rupture politique
avec Kautsky la rejette dans l’opposition
de gauche au sein du SPD.
S’opposant à la guerre, elle est emprisonnée
de février 1915 à novembre 1918
(libre 6 mois en 1916).
De sa prison, elle contribue à la rédaction
de “Spartakus”. Elle adhère à l’USPD à
sa fondation en 17 et le quitte pour fonder le Parti communiste
le 1er janvier 1919.
Elle est libérée alors que l’Allemagne est en pleine révolution.
Ses écrits
Lire Rosa Luxemburg ce n’est pas seulement stimulant pour la réflexion, c’est un vrai bonheur littéraire... quand on arrive à mettre la main dessus.
Sur le net on trouve facilement l’ensemble de ses écrits.
Économiste, elle élabore une théorie de l’impérialisme. (l’Accumulation du Capital).
Dans de nombreuses brochures, elle défend une conception de l’action politique qui allie à la fois la mise en avant du but socialiste,
comme but révolutionnaire, l’auto-activité des masses comme moment d’auto-éducation, de progression de la conscience collective,
de la conscience socialiste, la lutte contre tout bureaucratisme, conservatisme d’appareil.
Elle défend une conception du Parti largement ouverte à l’influence de la masse ouvrière et un socialisme basé sur le pluralisme et
la démocratie.
Novembre-décembre 1918, c’est la révolution en Allemagne
L’armistice, le 11 novembre, est signée alors que l’empereur vient d’abdiquer et que le “socialiste majoritaire” Ebert est chef du
gouvernement. La révolution ouvrière se poursuit, Rosa Lusemburg y prend toute sa part à Berlin en tant que rédactrice de “Die rote Fahne”.
Noske (ministre SPD) se charge de la répression à la tête des corps francs. Le 15 au soir, Rosa Lusemburg et Karl Liebknecht sont arrêtés, assassinés
au cours du transfert. Le corps de Rosa Luxemburg, jeté dans un canal, ne sera retrouvé que le 31 mai.
La gauche allemande
Fondé en 1875 par les camarades allemands de Marx et Engels (August Bebel, Whlhelm Liebknecht...), le SPD était devenu un modèle pour l’ensemble
des socialistes du monde entier (à l’époque surtout européens). Le SPD était connu pour sa rigueur doctrinaire (Karl Kautsky était considéré
comme “le pape du marxisme”), sa méthode d’organisation, son maillage du territoire par les syndicats qu’il avait créés, les associations
culturelles et sportives ouvrières qu’il animait.
En 1914 le SPD est un véritable parti de masse de 1 100 000 membres.
Son soutien au gouvernement impérial pour mener la guerre le fera exploser en 3 composantes: “les majoritaires” (Noske,
Scheideman), qui excluent en 1917 le “centre” (qui devient l’USPD autour de Kautsky ) et la “gauche” avec Karl Liebknecht et
Rosa Luxemburg, regroupés autour de “la lettre de Spartakus” qui quittera l’USPD pour fonder le DKP les 31 décembre 1918/1er janvier 1919.
«L’ordre règne à Berlin »
Die Rote Fahne, n° 14. 14 janvier 1919.
(écrit la veille de l’assassinat)
«L’ordre règne à Varsovie», déclara le
ministre Sébastiani, en 1831, à la Chambre
française, lorsque, après avoir lancé son
terrible assaut sur le faubourg de Praga, la
soldatesque de Souvorov, eut pénétré dans
la capitale polonaise et qu’elle eut commencé
son office de bourreau.
« L’ordre règne à Berlin », proclame avec
des cris de triomphe la presse bourgeoise,
tout comme les Ebert et les Noske, tout
comme les officiers des « troupes victorieuses
» que la racaille petite-bourgeoise
accueille dans les rues de Berlin en agitant
des mouchoirs et en criant : « Hourrah ! »
Devant l’histoire mondiale, la gloire et
l’honneur des armes allemandes sont saufs.
Les lamentables vaincus des Flandres et de
l’Argonne ont rétabli leur renommée en
remportant une victoire éclatante... sur les
300 «Spartakistes» du Vorwärts. (...)
Assassinats de parlementaires venus négocier
la reddition du Vorwärts et que la soldatesque
gouvernementale a frappé à
coups de crosse, au point que l’identification
des corps est impossible, prisonniers
collés au mur, dont on a fait éclater les
crânes et jaillir la cervelle... L’ennemi,
c’est « Spartakus » et Berlin est le lieu où
nos officiers s’entendent à remporter la
victoire.
Et le général qui s’entend à organiser ces
victoires, là où Ludendorff a échoué, c’est
Noske, l’«ouvrier» Noske.! (...)
«L’ordre règne à Berlin !» sbires stupides !
Votre « ordre » est bâti sur le sable. Dès
demain la révolution « se dressera de nouveau
avec fracas » proclamant à son de
trompe pour votre plus grand effroi :
«J’étais, je suis, je serai !»
Vient de ressortir
spartakistes.jpg«Les Spartakistes» de Gilbert Badia
aux éditions Aden.
352 pages, 12x17 cm, 10 euros
La mésange bleue
« Le concept «pour quoi» ne signifie rien appliqué à la totalité de la vie et de ses formes. Pourquoi existe-t-il des
mésanges bleues? Vraiment je n’en sais rien, mais je me réjouis qu’il en ait et une douceur apaisante m’envahit
quand j’entends de l’autre côté du mur, au loin, un « tsi-tsi bè » qu’on me jette à la hâte ; »
Lettre de prison à Sonia Liebknecht.
Ce qu’en dit son biographe
Gilbert Badia:
“Rosa Luxemburg”
(éditions sociales)
«Cette conception du monde et des hommes explique
aussi en partie ce qui chez Rosa Luxemburg surprend le
lecteur peu ou mal averti. Par exemple, que cette politique
qui mettait tout son espoir dans l’activité révolutionnaire
des masses ait fait une part si importante, en art, en littérature,
dans sa vie, à l’individu, à la personne, avec son
tempérament, son affectivité, ses qualités et ses défauts
singuliers.
Ou encore que cette dialecticienne à 1’argumentation
d’une logique serrée ait compris – et son langage, son
écriture le prouvent – que pour convaincre les hommes et
les entraîner à agir, il fallait toucher leur cœur et pas seulement
leur proposer des arguments rationnels. Rosa
Luxemburg offre l’exemple rare d’une personnalité politique
chez laquelle le cœur vient appuyer des raisons que
la raison connaît. Toute son oeuvre frémit de générosité.
Toute son oeuvre fait appel au dévouement. Jamais la
révolution – dont elle s’efforce de montrer scientifiquement
la nécessité – ne saurait être le résultat d’une action
bureaucratique.
Or, par un curieux retour des choses, cet aspect de Rosa
Luxemburg, peu remarqué de son vivant, est peut-être ce
qu’il y a chez elle de plus fascinant aujourd’hui. Exalter
la femme ne doit pas servir à masquer la politique. (…)
Mais étudier avec sérieux son message politique n’interdit
pas de s’interroger sur la portée de son exemple, sur la
valeur de sa personnalité. Rosa Luxemburg est-elle
1’image de la révolutionnaire ? (…). Sa mort sans doute,
mais son engagement total pour une cause tenue pour
juste aussi, font d’elle une figure presque mythique, porteuse
d’une charge morale considérable, dotée d’un pouvoir
d’entraînement qui n’a pas cessé de prouver son
efficacité.(…)»
Plus que tout autre, Rosa porte dans ses écrits, dans ses actes, dans sa force, dans ses moments de
faiblesse, une humanité humaine en laquelle nous nous reconnaissons, pour laquelle nous combattons.
Rosa est une militante, c’est une femme engagée dans la lutte socialiste parce que c’est une
femme qui aime la vie, qui se bat pour un monde meilleur, une femme passionnée en tout. Elle ne
renonce pas à la vie, à ses désirs, à ses aspirations multiples.