GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Harlem : touche pas à mon vote !

Plus de 55 000 militants socialistes sont déplacés pour voter le 6 juin à l’occasion de la convention Europe du PS. Comme il est de règle au PS, le vote physique est obligatoire, aucune procuration n’est possible. Que plus de 55 000 militants viennent voter pour une convention nationale, ce n’est pas si mal. D’autant qu’un seul texte était présenté, puisqu’il avait été interdit à la gauche du PS de déposer un texte jugé « alternatif ». 13 amendements étaient donc soumis au vote, dont 4 par la motion 3 (Maintenant la gauche, le social au cœur). La direction avait édicté une règle abusive : pour pouvoir s’exprimer sur les amendements, il fallait au préalable voter pour le texte. Pas étonnant donc qu’il ait obtenu 89,24% ! Résultat qui n’a évidemment pas grande signification politique.

Des amendements indiscutablement majoritaires

À l'heure où nous écrivons ces lignes, sur 93% des bulletins dépouillés (non encore validés) :

  • l'amendement 4 (sur la suspension du pacte de stabilité) recueillerait 68,9% de votes pour (18 899 voix) et 31,1% contre (8 549 voix)
  • l'amendement 8 (sur le changement de la politique de change recueillerait) 73,1% de votes pour (20 589 voix) et 26,9 % contre (7 589 voix)
  • l'amendement 10 (sur le refus du traité transatlantique) recueillerait 70,7 % de votes pour (19 682 voix) et 29,3% contre (8 162 voix)
  • l'amendement 13 (appelant à passer des paroles aux actes pour le sursaut en Europe, à un traité social et à aller vers un SMIC européen recueillerait 66,7% de votes pour (17 888) et 33,3% de votes contre (8 912 voix)
  • Ces amendements, ayant incontestablement obtenu plus de « pour » que de « contre », sont évidemment adoptés. Qui oserait dire le contraire ? Réponse : les dirigeants majoritaires du PS.

    Le théorème d’Harlem

    La direction nationale du PS vient de faire une trouvaille : pour qu’un amendement soit adopté, il faudrait qu’il obtienne plus de 50% des exprimés ! Selon le premier secrétaire national du PS, il ne suffit pas qu’un texte recueille plus de voix « pour » que de voix « contre » pour être adopté. C’est pourtant la règle démocratique : dans toutes les associations, les syndicats, les partis, les assemblées élues au suffrage universel. Pour la direction du PS, il faudrait prendre en compte les abstentions qu’on additionnerait aux votes « contre ». Si ce total dépasse les 50 %, le texte n’est pas adopté même s’il a obtenu plus de voix « pour » que de voix « contre » ! En clair, François Hollande n’aurait jamais été élu président de la République selon le théorème d’Harlem. Et l’ANI n’aurait pas non plus été adopté à l’Assemblée nationale.

    Ce théorème d’Harlem pourrait être énoncé comme suit : « un texte n’est adopté que si et seulement si le nombre de voix « pour » est supérieur au total de voix « contre » et des abstentions ». C’est évidemment absurde, car cela signifie que les abstentions sont alors assimilés à des votes « contre » ! Le nombre d’abstentions était alors vital pour la direction du PS. Aussi a-t-elle décidé qu’un militant qui a voté pour le texte, mais n’a pas formulé de vote valide sur tel ou tel amendement verrait ce vote blanc ou nul transformé en abstention et, selon l’assimilation précédente, en vote « contre ». Au moment où le PS s’enorgueillissait de sa pratique de la démocratie interne, ce type de procédé est fort mal venu.

    Respecter le vote des militants

    Certaines conventions fédérales, c’est le cas par exemple de celle de Paris, appellent au « strict respect des règles démocratiques au niveau national, c'est-à-dire à considérer comme adopté un amendement ayant reçu plus de votes “pour” que de votes “contre” ».

    Le Parti socialiste n’est pas l’UMP. Au PS, les militants sont appelés à voter sur des textes d’orientation politique. Pas à l’UMP ! Et dans le Parti socialiste, le dernier mot appartient aux militants qui sont consultés. Mais leurs opinions et leurs votes doivent être respectés ! Reconnaître les amendements qui demandent notamment la « suspension » du pacte de stabilité et « une réforme de la politique monétaire européenne et des statuts de la BCE » et refusent le traité transatlantique, c’est la loi incontournable de la démocratie.

    Au-delà de ces péripéties ubuesques (et bureaucratiques), ces résultats ont un vrai sens politique. Ils témoignent de la volonté des militants socialistes de voir leur gouvernement et la gauche européenne plus à l’offensive sur la question européenne. Avec ces votes, les militants socialistes ont rappelé à la fois leur attachement à l’Europe et à une réorientation de la politique européenne qui organise aujourd’hui l’austérité. Ce que veulent ces militants c’est une Europe des peuples pas une Europe contre les peuples, une Europe sociale et non une Europe soumise à la finance.

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