Gauche de la gauche ou unité de la gauche ?
Quelques essayistes, dans la presse, à l’occasion de la dissolution
de la LCR se sont essayés, en vain, à en tirer un bilan. Plus avisé,
Alain Krivine, a préféré expliquer aux caméras que les bilans étaient
inutiles et qu’il valait mieux regarder devant soi…
Pourtant, pour ceux qui savent et s’intéressent à l’histoire, qui ont un
peu de culture, il y a quelque chose de triste à ce que, en quarante
ans, non seulement les dirigeants de la LCR/NPA n’aient rien appris
sur le front unique, mais qu’ils régressent – en théorie comme en
pratique.
Qui se souvient qu’hier, ils prônaient la « construction de comités
rouges » plutôt que de « comités d’action » (1969) ? Puis ce furent
des « fronts rouges » à l’université plutôt que l’Unef (qu’ils scissionnèrent
en 1972). Puis ils défendaient des « comités syndiqués - non
syndiqués » plutôt qu’un renforcement des syndicats (1970) ? Des «
comités de soldats révolutionnaires » plutôt qu’un « syndicat de soldat
» ? Des « syndicats rouges » plutôt que l’unité syndicale (1973)
? L’« hégémonie sur l’avant-garde large » plutôt que l’unité ouvrière
(1974) ? « L’unité des révolutionnaires » plutôt que l’unité de la
gauche (1975) ? Puis encore l’unité « de la gauche de la gauche »
(années 80) etc.
Les voilà qui prônent l’unité NPA et NPA !
Il y a des jeunes naïfs qui, faute de mémoire, de culture, de théorie,
tombent dans la nouvelle et dernière impasse politique du noyau
dirigeant, toujours le même d’ailleurs.
Pourtant à chaque « virage », ils en ont eu, nous avons eu, de
longues discussions, ils ont même été minoritaires, fait « autocritique
», convenu qu’ils avaient tort, avant de rechuter.
Quarante ans d’expérience ne se communiquent jamais… Rares,
même s’il y en a eu, ont été les moments (1978) où ils appelaient à
l’unité de la classe salariée… En cela, ils n’ont presque jamais été «
trotskystes » quoiqu’en pense la vulgate et ce, en dépit de la façon
dont ils se qualifiaient hier encore. Léon Trotsky se retournerait dans
sa tombe, lui qui s’est fait traiter de tous les noms possibles par les
staliniens, parce qu’il prônait le front unique avec la social-démocratie…
Mais peu importe, maintenant le NPA est « libertaire et guevariste »
et il a choisi de ne s’appeler ni socialiste, ni communiste, ni révolutionnaire…
Il n’a même pas respecté la représentation proportionnelle
pour sa minorité.
L’invention, au congrès de « fondation » du NPA d’un prétexte à
l’unité de la gauche de la gauche (à savoir que l’accord éventuel
aux Européennes du 7 juin 2009 devait valoir encore aux régionales
de mars 2011) pour ne pas répondre aux appels (du PCF, du PG…)
à un « front de gauche » (de la gauche) est artificiel de façon manifeste
aux yeux de centaines de milliers de militants concernés.
Mais il y a une racine plus profonde à cela : un « front de la gauche
de la gauche » est intrinsèquement impossible, car il dépend du rapport
que ses composantes ont avec… le reste de la gauche. Et si ces
composantes sont diverses, c’est justement parce qu’elles analysent…
le reste de la gauche de
façon différente. Conditionner un
accord à l’uniformisation de cette
analyse, c’est mettre une condition
impossible à atteindre, genre 100 %
unité de pensée.
En fait UNE SEULE politique est possible,
c’est la bataille pour l’unité de
toute la gauche, et chemin faisant la
clarification du contenu de cette
bataille. Mettre la clarification avant
la bataille pour l’unité est une pratique
sectaire éternellement vouée à
l’échec. Depuis 40 ans pour la
LCR/NPA, et pour toutes les
variantes qui veulent l’imiter.
Matti Altonen