GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

François Hollande : fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu « à terme » ?

L’information a été annoncée dans Les Echos puis, elle a été partiellement démentie par l’intéressé. Beaucoup n’y comprennent rien parce que c’est un débat qui n’a jamais été sérieusement et publiquement mené. Dans l’entourage de François Hollande, il y a des partisans acharnés de la chose, d’autres sont plus réalistes et raisonnables, sans doute est-ce ce qui a émergé soudain à travers une rumeur et une rectification prudente ?

Certains croient qu’il s’agit seulement de la question du prélèvement à la source de l’impôt :

Dans ce cas que veut dire « la source » ? La seule feuille de paie ? Où chaque transaction financière ?

  • D’autres croient qu’il s’agit de « fiscaliser » les cotisations sociales » ? Là, il s’agit de rompre avec la protection sociale assise et garantie par le travail, et de l’étatiser, de l’assimiler à l’impôt. Ce n’est pas une mince affaire. C’est une vraie rupture avec l’organisation sociale française telle qu’elle existe depuis 1945 et le programme du Conseil national de la résistance.
  • Enfin il y en a qui pensent qu’il faut diminuer le « coût du travail » et qui, pressionné par les idées néolibérales, veulent, comme le Medef et les sarkozystes supprimer les cotisations sociales sur le salaire brut : c’est un peu le même raisonnement qui aboutit à une « TVA sociale ».
  • Tout ça se mélange dans les majorités différentes qui ont fait entrer cela dans les programmes du PS depuis… au moins une quinzaine d’années. C’est un peu comme un serpent de mer géant qu’on voit et qu’on ne voit plus apparaître selon les périodes. Dés la gauche socialiste (de 1995 à 2002) je me suis opposé politiquement à cela avec tous nos amis de la revue D&S.

    Il existe une sorte de lobbying que j’ai observé, venu surtout de gens de Bercy lequel s’exerce dans tous les courants et sensibilités, même dans la gauche socialiste, en faveur de la fusion CGS/ impôts, parfois même en faveur de la fusion impôt et cotisations sociales (même Benoît Hamon et Henri Emmanuelli défendent, à ma connaissance ce projet, et cela s’est trouvé inclus contre mon gré et celui de D&S, dans le texte d’UMA au congrès de Reims).

    Il paraît qu’il y a, dans les placards de Bercy, des projets détaillés tout prêts pour cette gigantesque opération et que chaque gouvernement… y a renoncé devant l’énormité du choc social qu’ils induiraient.

    Je me souviens encore avoir voulu amender, en vain, le dernier projet présidentiel le 1er juillet 2006, à Solferino, au Bureau national, pour retirer ce type de projet (je n’avais réussi ce jour-là qu’à faire enlever la « retraite à la carte» et à rétablir la retraite à 60 ans).

    Je me souviens, qu’à la coupure, dans la cour de Solférino, DSK était venu me voir, en personne, à part, pour me dire, dans le creux de l’oreille, que « j’avais raison, que j’avais les pieds sur terre, qu’il ne comprenait pas pourquoi tout le monde reprenait cette idée à la direction du PS, que jamais cela ne se ferait, ils sont fous, c’est trop énorme ».

    Je me souviens aussi en mars 2010 de l’interview de François Chérèque sur France inter, expliquant au nom de la CFDT pourquoi il était totalement contre, lui aussi, un tel projet. Et en fait, TOUS les syndicats sont contre, quasi à 100%, ce qui s’explique, car il s’agit de la mort de la protection sociale basée sur le travail.

    Je me rappelle aussi dans NPS d’un court débat en 2003 avec Jérôme Cahuzac qui écarquillait les yeux d’effroi lorsque je défendais cette thèse devant Vincent Peillon et Arnaud Montebourg et cela ne me surprend pas de le voir monter au créneau aujourd’hui pour démentir le premier l’information des Echos.

    Il y a de quoi y réfléchir en effet pour qui ouvre les yeux : c’est carrément une forme possible de contre-révolution, de réaction sans précédent quelles que soient les bonnes intentions dont elle se pare.

    Car nous avons, et c’est une excellente chose, en France DEUX budgets. Pour faire court, l’un est celui de l’Etat, avec 320 milliards d’impôts (quand Sarkozy ne baisse pas trop les recettes pour nous endetter !). L’autre est celui de toute la protection sociale, en gros, avec 450 milliards de cotisations qui rentrent (quand Sarkozy ne bloque pas trop nos salaires et ne fait pas trop de cadeaux aux patrons sous forme d’exonérations)

    Le premier budget, celui de l’Etat, n’est « pas pré affecté », le Parlement décidé chaque année de « combien » il donne à l’école ou aux prisons, aux hôpitaux ou aux casernes.

    Le second budget est « pré affecté », les cotisations sont recueillies spécialement pour le chômage, la maladie, les accidents du travail, le logement, les familles nombreuses, la retraite. Il est impossible constitutionnellement d’user de ce second budget, par exemple, pour faire la guerre en Afghanistan. La CSG est une contribution dont le Conseil constitutionnel a décidé qu’elle était pré affectée aux caisses sociales.

    C’est bien, excellent, que nos cotisations sociales soient ainsi « à l’abri », pour le coup c’est une « règle d’or » saine. Cela a contribué à nous protéger en partie de la crise. Il ne s’agit pas de « prélèvements obligatoires » mais de « financements volontaires », d’une part des salaires mutualisée, mise dans un pot commun et redistribuée à chacun selon ses besoins, c’est une chose magnifique, un bonheur. Ça ne fonctionne pas à ce jour comme l’impôt. Et c’est tant mieux. Fusionner les deux, c’était un énorme risque, celui d’affaiblir la protection sociale, de passer sur l’impôt ce qui est lié et assuré par le travail, par le bulletin de paie, dans le salaire total (brut +part patronale).

    Protégeons nos caisses sociales !

    Oui, il faut que la protection sociale reste payée en direct avec le salaire, c’est du sûr, c’est du salaire solide, direct ou indirect, ça ne passe pas par des aléas de vote ou de fonds de pension. D’ailleurs la fameuse « dette » sur la protection sociale, elle, n’est que de 10,7 % de la dette globale soit 170 milliards pour un budget annuel de 450 milliards tandis que 78,2 % de la dette relève des choix de l’Etat, soit près de 1 400 milliards pour un budget annuel de 320 milliards. Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes, cela ne desservirait que la protection sociale.. Imaginez où les sarkozystes et leurs successeurs iraient prendre l’argent des plans d’austérité, si, librement, tout était fondu et s’il n’y avait plus de barrière entre les deux budgets : c’est le rêve absolu du Medef, ne plus payer de cotisations sociales sur le travail, et bénéficier de majorités de droite qui taillent des croupières aux caisses sociales, chaque année dans des lois budgétaires « équilibrées » par une « règle d’or » antisociale.

    Ne mélangez pas les choux et les carottes, cela ne desservirait que la protection sociale.

    Les offensives au sein du PS pour fusionner impôt et CSG/cotisations sociales sous prétexte de « prélever à la source » ont surtout été l’objet des courants droitiers lobbies de Bercy, Gracques et Valls qui sont obsédés à séparer la protection sociale du salaire pour baisser le fameux « coût du travail » (sic). Ils croient eux aussi que la baisse du coût du travail est la solution au chômage, au libre-échange et commerce extérieur, etc… un peu comme les néolibéraux le croient. Valls, plus droitier que d’autres, en avait tiré la logique : il était pour baisser les cotisations sociales et les remplacer par la « TVA sociale », une méthode également rêvée par le Medef pour baisser le salaire brut et que Sarkozy veut désormais mettre en œuvre en essayant de diviser.

    Reste à être logiques mais autrement : pour assurer la défense du salaire brut (ré apprenez à 24 millions de salariés à relire leur feuille de paie, car c’est elle qui va être attaquée) il faut enlever au Parlement la caricature de débat qu’est l’adoption annuelle cynique de la LFSS, et rendre légitimement la gestion sérieuse et responsable des caisses sociales aux syndicats, du salaire indirect, en organisant des élections tous les cinq ans, jumelant prud’hommes et élections sociales. C’est l’abrogation des ordonnances de Pompidou de 1965 et de ce qui reste de la loi Juppé de 1995. C’est le retour au contrôle légitime par les salariés de la partie mutualisée de leur salaire. Une vraie révolution, un vrai progrès.

    En même temps qu’on va hausser les salaires, on remettra à flots les caisses de protection sociale du même coup, car c’est le blocage des salaires qui les met en difficulté. On restaurera une protection sociale démocratique non étatisée (pourquoi les libéraux qui veulent toujours moins d’état sont-ils assoiffés à « étatiser » la Sécu ?). Il faut baisser le coût du capital, pas du travail. Il faut déplaire aux banques et aux officines de notation, et non pas devancer leurs ordres.

    Gérard Filoche, 3/4 janvier 2012

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