GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Fouras, miracle militant et ambiguïtés maintenues

Il y avait, dès le mercredi après midi, dans le gymnase Roger Rondeaux, au cœur de la presqu'île de la Fumée, plus de 1100 militants présents, soit nettement plus que les deux années précédentes. L'immense majorité de ceux qui étaient là voulaient fortement l'unité pour un parti socialiste fortement ancré à gauche.

Une vive polémique estivale puis « fumée blanche »

La polémique estivale entre les deux principaux dirigeants de Nps avait attiré toutes celles et tous ceux qui étaient soucieux de l'avenir du courant Nps dans le Parti socialiste. Car, en effet, tout juillet août, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg s'étaient, par presse interposée, disputés sur le sens de « l'autonomie », du « rôle de pivot » de Nps. Cela rappelait l'été 2002 où la Gauche socialiste, tiraillée entre Julien Dray et Jean-Luc Mélenchon, s'était ainsi querellée, réunifiée sous la pression des militants, puis éclatée.

C'est alors que dans toute cette querelle, Claude Bartolone expliqua qu'Arnaud Montebourg « pouvait faire un premier secrétaire », tandis que les observateurs s'amusaient de voir Vincent Peillon en candidat sur le même poste soutenu par les « oui ».

En ce sens, une grande menace pesait sur Nps, éclaté, tiraillé, et voué à l'explosion à Fouras ! D'autant que cela prenait un contenu politique, Vincent Peillon allant jusqu'à affirmer que les lignes Sncf interrégionales, dés lors qu'elles étaient déficitaires, devaient être supprimées ce qui réjouissait bien des droitiers autour de Dsk. (cf. article annexe).

Dans ces conditions, les militants de Nps, renâclaient de partout et par mel, par lettre, par téléphone, exigeaient l'unité de leurs dirigeants, (unité souvent exigée comme étant celle de Nps, Nm, Fm) et venaient à Fouras dans le but d'imposer cette unité coûte que coûte. Cela partait d'un sain réflexe, mais avait l'inconvénient de reporter les autres questions (le fond de la motion) hors du débat.

Le clivage Arnaud Montebourg - Vincent Peillon

Tout cela partait de confusions différentes : la position officielle, écrite, répétée, chaque jour, dans toute la presse, de Vincent Peillon était : “au Mans, synthèse générale ou pas de synthèse du tout” : cela revenait sous couvert d'autonomie, à mobiliser Nps pour sauver les soldats Hollande et Dsk... Vincent Peillon était extrémiste, le vote du 29 mai, selon lui était un clivage dépassé, une divergence sans suite, ou pire, une indiscipline nuisant au parti, à la démocratie, à Nps, etc... Vincent, extérieur à la magnifique victoire du « non », n'y était pas allé de main morte, appelant « les deux camps » à « prendre des douches froides », portant des accusations de facto plus fortes contre ceux qui avaient mené campagne que ce que François Hollande imposait dans le Ps... Vincent Peillon, prenait soin de dénoncer symétriquement « Hollande et Fabius » tout en épargnant en toute circonstance Dsk...

C'était une rupture masquée avec le projet de rénovation et d'ancrage à gauche de Nps. Doublée d'une rupture avec ses alliés les plus proches : on n'imagine pas ceux qui combattent depuis longtemps pour ancrer à gauche ce parti (ex Gs, ex poperénistes, Nm, Nps, Fm, D&S) abandonner tous leurs efforts, tirer un trait sur les forces accumulées (prés de 37,5 % des voix à Dijon), au profit d'une “synthèse générale” au Mans, oubliant tout ce qui s'est passé les 21 avril 2002 et le 29 mai 2005...

Arnaud Montebourg, lui, s'était rongé les freins, et avait, à moitié fait campagne publique pour le « non », tout comme la majorité des militants du Nps qui avaient contribué partout à remplir les nombreuses salles des meetings.

Pour Arnaud, le courant ne pouvait être « équidistant » et renvoyer dos-à-dos les « oui » et les « non », il en tirait les leçons donc, contrairement à Vincent, dans les alliances qui s'ensuivaient. Sa position d'Arnaud Montebourg semblait donc différente : motion “indépendante”, « pivot » mais avec projet déclaré, ouvert, de synthèse partielle avec les autres motions indépendantes, rénovatrices, de gauche, Laurent Fabius, et Alternative socialiste... Évidemment, c'était mieux que la “neutralité” proclamée ou la funeste prétendue “autonomie” de Nps, car cela revenait à dire que la direction sortante devait être changée et être remplacée par une alliance à dominante du “non”, ancrée à gauche, en disant, devant tous, que cela se ferait avec Laurent Fabius !

S'il y avait eu vote dans la salle, 90 % des militants auraient voté pour Arnaud Montebourg. Vincent Peillon fit donc un compromis, mais sans reculer, et surtout sans perdre le leadership formalisé du courant pour les étapes suivantes. Il pouvait espérer qu'une assemblée de délégués plus sélectionnés que l'assemblée générale de Fouras, le 18 novembre au Mans, lui serait plus favorable.

Une autre confusion est venue aussi du fond politique de la contribution de Nps : celle-ci faisait 130 pages et « noyait le poisson » sur beaucoup de questions, mais sans oublier de condamner, au passage, ceux qui avaient fait campagne en rompant prétendument la discipline, en ne respectant pas la démocratie, publiquement pour le « non »... Pessimiste à de nombreuses reprises sur les rapports de force sociaux la contribution était de surcroît en retrait sur les questions sociales avec la motion initiale de Dijon. Elle ne donnait pas, à la fin, de stratégie sur la façon de faire l'unité de la gauche après la victoire du 29 mai... Elle sous-estimait l'impact du 29 mai de bout en bout. Or, nulle part, il n'y a pas eu de débat dans Nps sur ce contenu, de nombreux militants se sont retrouvés signataires - et ont protesté - sans être consultés.

Quelle « indépendance », quel « pivot » ?

Se prétendre, s'autoproclamer « pivot » d'un congrès quand on a 17 % des voix au précédent, (et qu'on a perdu au moins 4 à 5 % des voix en interne lors du referendum du 1er décembre) est pour le moins, un artifice... Nps a été tiraillé entre les « oui » et les « non », pendant les mois décisifs de mars à mai, sa direction étant majoritairement molle et absente.

Pour faire et défaire des majorités, il faut avoir soi-même une ligne, et des forces plus importantes. Pourquoi y aurait-il une nouvelle majorité dans le Ps au Mans, sinon parce que le « non » a gagné le 29 mai ? Vouloir une nouvelle majorité alternative en niant cette victoire historique d'un « non » de gauche, de classe, pro européen, social antilibéral, cela n'a pas de sens.

La confusion régnait : est-ce que Nps devait abandonner son combat pour « rallier » la majorité ? Bien sûr que non, répondaient les militants.

Certains refusaient de voir les désaccords entre Vincent et Arnaud. Par conviction volontariste, unitariste, patriotisme de courant, ou par irréalisme, ils insistaient sur le mot « indépendance » en le présentant comme un gage de non-ralliement inconditionnel à Laurent Fabius. D'autres voulaient « l'indépendance » pour ne pas soutenir Fabius mais présenter Arnaud... Leur principale préoccupation, par ailleurs légitime, était de ne pas « donner un chèque en blanc » à quiconque (mais surtout à Fabius).

Ceux qui rêvaient d'une candidature Montebourg, à la présidentielle, espéraient que « l'indépendance » ou « le pivot » cela signifierait que c'était Nps qui dirigerait le parti...

D'autres croyaient que tous les autres « non » voulaient s'allier entre eux, de Jean Luc Mélenchon (donc Laurent Fabius), à Henri Emmanuelli et Marc Dolez...et refusaient que Nps ne le fasse avant le congrès du Mans.

La plupart ignoraient l'offre lancée le 18 juin par les « non-socialistes » à savoir une motion limitée à la gauche des « non », à Nps et Nm-Fm.

D'autres, venus du rocardisme, étaient tellement anti-fabiusiens qu'ils voulaient ouvrir la porte des alliances vers François Hollande et Dsk, joker masqué... Aussi, derrière tout cela, y avait-il beaucoup de confusion... dans laquelle les arguments politiques étaient très effacés (on ne parla ni de l'abrogation des mesures de la droite, ni des retraites, ni de la sécu...etc.)

Comment l'unité unanime se fit-elle ?

Les dirigeants arrivèrent avec « une fumée blanche » selon l'expression d'Arnaud Montebourg, mais « sans avoir désigné le Pape », remettant à plus tard la désignation d'un « premier signataire ». L'accord s'était fait sur le fait que Nps lutterait pour « une majorité alternative clairement ancrée à gauche ». Cela sembla, suffisant, aux yeux des militants, rassurés de savoir que pour changer la direction sortante, l'alliance serait « ancrée à gauche ». Cela semblait contredire les déclarations les plus récentes de Vincent Peillon selon lesquelles « il n'était pas judicieux de rassembler les forces du « non ». Cela semblait condamner la reconduction de la direction sortante de François Hollande -d'ailleurs personnellement attaqué à boulets rouges aussi bien par Vincent Peillon que par Arnaud Montebourg. Y avait-il encore des doutes sur la composition de la future majorité alternative ?

Oralement, à la tribune, il fut expliqué, notamment par Benoît Hamon, qu'il s'agissait d'un accord avec Fabius et Emmanuelli...(Mais pourquoi donc le même refusa t'il roidement, sans motif, l'offre d'Henri Emmanuelli ensuite de faire motion commune tout de suite, Fabius, on comprend, pas de chéque en blanc...mais Emmanuelli ?)

Le vote de la salle remplie de Fouras fut alors réalisé à l'arraché, superbement, sans que le texte ne soit distribué, sans qu'il y ait eu opportunité de l'amender, sans que ne soient comptabilisés ni les abstentions, ni les contre...

Les militants sont magnifiques, ils voulaient tant l'unité que par leurs mains levées, ils ont pensé l'imposer. À Fouras, 90 % des présents étaient vraiment à gauche, hardis, prêts à sabrer tout discours diviseur, voulant une unité sans faille de toutes les composantes de la gauche socialiste pour changer le vieux parti. Le vote pour la motion leur a semblé le premier pas pour contraindre leurs dirigeants à ne pas s'éclater, à ne pas faire n'importe quoi.

Mais l'ambiguïté restait : la formule algébrique faisait consensus, mais elle n'avait pas de traduction arithmétique. Les noms étaient en « X ». Certains, en sortant, après le vote, triomphants, expliquaient encore « Fabius jamais ! » alors que pour les autres, l'obstacle venait d'être levé pour une alliance au Mans avec ce dernier. Vincent Peillon donnait ses explications aux journalistes, Arnaud Montebourg en donnait de contradictoires. Mauvais scénario : restaient aux média à arbitrer.

Après tout, « majorité alternative ancrée à gauche », la formule peut encore être détournée pour un accord autre qu'avec Fabius, et ne contredit pas une « synthèse générale » si certains ne voyaient que ce moyen-là de « passer » le congrès et reporter le « vrai » vote à la désignation du candidat à la présidentielle : dans ce cas, quid de la gauche du parti ?

Résisterait-elle à la vague unitaire pression maxima au soir du congrès ? C'est là qu'on voit que la V° République et le système de l'élection du président au suffrage universel, vote « majeur », pourrit la vie politique, au Parti socialiste comme dans tous les partis... En cas de synthèse générale, les efforts de la Gauche socialiste depuis plus de dix ans se verraient ramenés à zéro... Qui conduira les négociations au Mans ? Sinon les premiers signataires des motions ? Il restait à Vincent Peillon à s'imposer une deuxième fois contre Arnaud Montebourg, en tant que premier signataire, ce qu'il fit par voie de presse, sur Lci, le lundi 29 août au matin...

Quelle est la nature de Nps ?

C'était un vrai courant de rupture avec les majorités de Brest et de Grenoble, après le 21 avril 2002 : il s'agissait, au début d'une recherche de rénovation, et, forcément cela s'est traduit par une radicalisation à gauche. D'où le rapprochement avec Nouveau monde. Ceux d'origine rocardienne ou aubryste ont parcouru un vrai chemin. 17 % des voix, ce n'était pas rien, même si le choix entre le « oui » et le « non » furent un déchirement pour une partie d'entre eux.

Le contenu de la motion Nps de Dijon était très radical notamment sur les questions sociales, et peu distinct de celui de Nouveau monde. Mais pour autant, une partie des dirigeants, si elle se sent concernée par des questions institutionnelles, des questions de politique générale, la mondialisation, l'Europe, n'a ni une culture syndicale, ni une culture de mouvement social. Elle « fait attention à ces questions » mais n'en parle pas « tripalement ».

Et il reste des considérants sur les questions internationales, sur l'impérialisme, sur le capitalisme lui-même où il y a bien du chemin à parcourir : le « projet » rédigé par Nps en mars 2005, était véritablement droitier. Faute de précision sur les retraites, sur la Sécu, sur la redistribution des richesses entre capital et travail, Nps laissait du scepticisme sur sa propre image. Courant de jeunes aux dents longues ? Fausse rupture générationnelle mais pas assez sociale ?

Arnaud Montebourg a la meilleure image, en raison de son combat solitaire et déterminé contre Chirac : mais il avait aussi l'occasion de le combattre frontalement, en tête, là, au cours de la campagne pour le « non » à la Constitution, et il ne l'a pas fait, ce qui restera une grande occasion ratée.

Dans ce parti, à tous les étages, il y a deux types de débat mêlés, celui qui est politique et celui qui débouche sur les places, les alliances, les rapports de forces... Souvent, des catégories entières de militants sont ballottées par des renversements d'alliances qui ont des effets tsunamis sur les désignations dans les sections et fédérations.

Parfois, le réalisme commande aux militants de ne pas voter selon leur cœur, selon le fond de leur pensée : cela donne des « conservatismes de courant » qui paralysent des choix politiques authentiques. c'est pourquoi il est si difficile d'y construire une gauche. Disons-le autrement et plus clairement : il y a des intérêts réels à prôner une autonomie de Nps si cela correspond à des « places ». Mais encore faut-il que le succès soit au rendez-vous : or Nps, en ne menant pas campagne fermement pour le « non » a perdu du crédit politique des deux côtés, du côté de ceux qui penchaient vers le oui, et aussi du côté de ceux qui ayant fait campagne pour le non, ont déploré l'absence de courage, d'engagement de Nps dans la bataille décisive.

Quand on est entre deux chaises, cela fait des dégâts. Si bien qu'en dépit du vote unanime de Fouras, les doutes sont profonds.

Le vote unanime de Fouras est au carrefour de toutes des ambiguïtés, il indique la volonté des militants d'aller à gauche, d'ancrer le parti à gauche, il laisse entières les tentations de ceux des dirigeants qui manoeuvrent et ne veulent pas reconnaître le sens profond du 29 mai.

Comme nous l'avons dit avec Henri Emmanuelli, « Ce n'est pas le pivot de la boussole qui compte, c'est la direction qu'indique l'aiguille ». Le refus d'une motion commune de Montebourg à Emmanuelli (et nous, D&S) est totalement dénué de motif politique. Par un argument, pas un seul prétexte ne tient.

Pire, lorsque les dirigeants de Nps clament qu'il ne faut « pas faire de chèque en blanc » dans la future alliance de majorité alternative... c'est encore plus inconséquent de refuser la dynamique d'une motion Nps-AS qui ferait 35 ou 40 % ! Un tel rapport de force rendrait certain le refus de « chèque en blanc ». Tandis que le fait de vouloir de facto TROIS motions du Non (Fabius, Nps, As) donne plus de chances aux fabiusiens de jouer entre les trois composantes au moment de la « synthèse partielle » pour une « majorité alternative à gauche ».

On peut comprendre qu'il y ait deux motions des « non », l'une de Laurent Fabius, et l'autre de la gauche du parti qui se bat ensemble depuis le 21 avril et à Dijon. Mais trois ? Nps suite à son vote, est-il encore à équidistance de Laurent Fabius et de Henri Emmanuelli ? Si oui, cela devient une manie. Et cela « recentre » Nps plutôt que de l'ancrer à gauche...

On conclura que certes, Nps est un enjeu du congrès : même effritées ses voix feront des différences essentielles au moment de l'addition majoritaire ! Mais si l'on veut du solide dans le contenu final de l'alliance, il vaut mieux renforcer le pôle plus unitaire, plus déterminé et plus à gauche, celui qui n'a été soumis à aucune de ces ambiguïtés de l'été, « alternative socialiste ».

Avec l'impulsion d'une motion à quatre composantes : Henri Emmanuelli, (ex Nm) Marc Dolez (ex Fm) Gérard Filoche (ex Nps) et Jean-Pierre Masseret (ex motion A), Alternative socialiste, fait ce que Nps aurait du faire... c'est plus solide, plus résistant à gauche et moins susceptible de surprises au soir du congrès du Mans.

D&S, septembre 2005

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