GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Fin de règne à la tête de la gauche sud-européenne

Nous reproduisons ici un article paru dans le numéro de janvier de la revue Démocratie&Socialisme.

Là où la gauche vient de perdre le pouvoir

En Grèce, en Espagne, au Portugal, la gauche était au pouvoir encore récemment. Les partis socialistes y disposaient d’une majorité absolue qui leur permettait de se passer d’alliances pour gouverner.

Ils disposaient, cependant, d’une majorité fragile en raison de la division de la gauche, sans qu’ils tentent d’y porter remède. Le ralliement à la politique néolibérale que leurs dirigeants ont fait, il y a vingt ans, s’opposait à la recherche d’un accord programmatique avec les autres composantes de la gauche, principalement issues des courants communistes ou trotskistes hostiles à cette politique.

Incapables de faire un nouveau tournant politique exactement inverse au précédent, ils ont continué leur course vers le mur de la crise annoncée par celle des subprime. Ces dirigeants socialistes n’ont même pas tenté de revenir à une politique keynésienne comme l’a fait Lionel Jospin avec la loi des 35 heures dans le cadre de la « gauche plurielle ».

Ils se sont fracassés sur la crise de l’euro : ils devront donc être remplacés à la tête de ces partis socialistes qui devront aussi changer d’orientation pour revenir au pouvoir. Et ces partis n’y reviendront pas sans accepter de constituer une unité de la gauche avec les autres composantes auxquelles ils avaient tourné le dos jusqu’alors.

Quand les dirigeants de la gauche n’ont pas les mains libres…

En France, la direction du Parti socialiste n’a pas atteint le même point de non retour, qu’elle avait aussi connu en 1969 lorsque, à la présidentielle, Gaston Deferre n’avait obtenu que 5 % des voix, devancé par le communiste Jacques Duclos (21 %) alors que pour le PSU, Michel Rocard obtenait 3 % et Alain Krivine 1 % pour la Ligue Communiste : total 30 % pour la gauche.

Celle-ci ne s’était relevée que parce que le Parti socialiste avait retrouvé 23 % des voix, dès 1973, et davantage ensuite, grâce à l’Union de la Gauche et son programme commun signé en 1972.

Le tournant néolibéral effectué par la majorité de ses dirigeants avec le plan Delors de 1983, n’a pas été unanime ni complet. La raison se trouve dans le haut niveau de mobilisation sociale, affirmé depuis 1968, confirmé en 1986, 1989, 1994, 1995, qui aboutissent à la victoire des législatives de 1997, et réaffirmé en 2003, 2005, 2006 et 2010.

Où en sont les socialistes italiens ?

Le sort actuel de la gauche italienne est en revanche le pire de celles d’Europe du sud car ses dirigeants ont effectué l’alliance avec la « gauche de la droite », personnifiée par Romano Prodi, que les dirigeants des autres partis socialistes sud-européens n’ont pas osé tenter, malgré quelques velléités. Et surtout parce que cette alliance avec une partie de la démocratie chrétienne et quelques petits partis libéraux au sein de la coalition de l’Olivier, fut poussée jusqu’à la fusion des Démocrates de gauche (DS) avec la Margherita, pour former le Parti Démocrate dans lequel cohabitent des militant-e-s de gauche et des libéraux.

C’est une telle stratégie, dite de 3ème force, conduite par Guy Mollet, qui aboutit aux 5 % de Deferre en 1969. Mais, comme dans les années 60, cette ouverture à la droite ne convainc pas les électeurs de droite et repousse une partie des électeurs de gauche. C’est ce qui explique l’échec du Parti Démocrate aux élections politiques de 2008 (législatives). Cela n’empêche pas que, malgré le rôle qu’a joué Romano Prodi pour la création du PD, la majorité des électeurs de gauche se reconnaissent, quand même, dans la majorité de ce parti qui s’est décidé à adhérer au Parti Socialiste Européen en 2011, alors qu’il s’y était refusé en 2008.

C’est d’ailleurs pourquoi le discrédit des dirigeants du PD ne profite pas aux dirigeants de la « gauche de la gauche » : aux mêmes élections de 2008, « Refondation », qui réunissait trotskistes et communistes autour de Fausto Bertinotti, s’effondre aussi en passant de 7,5 % à 3 %.

C’est seulement la SEL (Sinistra, Ecologia e Liberta : Gauche, Ecologie et Liberté), issu du PD, dans une démarche semblable ayant conduit, en France, en 1958, à la création du PSU, qui trouva un petit succès lors des élections administratives (municipales et régionales) de 2011 en gagnant notamment la mairie de Milan.

Quel devenir pour les socialistes sud-européens ?

La défaite électorale des socialistes espagnols et portugais, en raison de leur décision de se soumettre aux spéculateurs et faisant payer les salariés sous prétexte de rembourser les dettes publiques, leur donne un délai pour se régénérer puisque c’est la droite qui va mettre en œuvre les plans d’austérité.

En revanche, la participation de socialistes italiens et grecs aux gouvernements de droite, dits « technocratiques », de Mario Monti et de Lukas Papademos, les lient à une politique de droite et aboutira à un éclatement du PD et du PASOK entre ceux qui, comme les débris des années 90 du vieux PSI, disparaîtront et ceux qui se tourneront vers l’unité de toute la gauche et reconstruiront ainsi des partis socialistes dignes de ce nom.

La victoire de François Hollande, tant attendue face à Sarkozy et Le Pen, mettra les socialistes français devant les mêmes choix, tellement mal faits en Espagne et au Portugal, mais qui, en France, libèrera le mouvement social de cette attente et lui permettra de se réaffirmer et d’imposer un rapport de force dont 2010 ne fut qu’un avant goût.

Pierre Ruscassie

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