GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Entretien avec Arnaud Montebourg, cofondateur de Nouveau Parti socialiste

Le plan Fillon a été adopté en première lecture à l'Assemblée. Quel bilan en tirez-vous ?

Cette réforme minoritaire imposée par des moyens autoritaires permet de mesurer à quel point notre démocratie n'est pas achevée. Sur le plan politique et syndical, elle laissera des traces indélébiles. Dans la plupart des pays européens, il y a eu beaucoup de débats mais la réforme a abouti à un consensus.

J'en tire une deuxième leçon, pour la gauche, cette fois. Elle n'a pas su donner des perspectives suffisamment constructives pour lever l'angoisse et le désespoir de nos concitoyens pour qui se détruisent lentement, sous la pression d'une mondialisation de plus en plus violente, les mécanismes de solidarité construits pendant des décennies. D'où une montée de la radicalisation et les déboires du PS dans les manifestations. Les déclarations de Michel Rocard, Bernard Kouchner ou Michel Charasse ont renforcé ce sentiment de désespoir face à une politique présentée comme unique.

Vous estimez que le PS n'en a pas fait assez ?

La bataille parlementaire était nécessaire mais insuffisante pour restaurer notre crédibilité, puisque les Français n'ont retenu que les paroles de socialistes favorables à la réforme.

Il y a eu la motion de censure...

La riposte était bienvenue, mais il faut bien voir que nous sommes entrés dans un ordre assez "berlusconien", impitoyable pour les citoyens modestes quand tout le reste du système est mobilisé pour protéger les élites proches du pouvoir et de l'argent.

Vous comparez ce gouvernement à celui de Silvio Berlusconi ?

L'activisme répressif du gouvernement, et de Nicolas Sarkozy en particulier, pose un grand nombre de problèmes. Une République peut être sévère si elle est juste. Or nous assistons au blindage constitutionnel de l'impunité du chef de l'Etat, à la stigmatisation publique du procureur de Montgolfier pendant qu'on jette en prison José Bové, qui n'a fait que défendre le principe de précaution que M. Chirac prétend faire inscrire dans le préambule de la Constitution. C'est un ordre inégalitaire qui s'installe. La réforme des marchés publics participe à la tendance au "berlusconisme" du gouvernement. M. Raffarin ne peut pas tenir un discours dans lequel il réclame l'impunité zéro pour la délinquance de voirie et organiser une amnistie déguisée pour les délits des plus favorisés.

Quelle position adopterez-vous sur l'immigration ?

Le projet Sarkozy remet en question le relatif consensus qu'avait construit Jean-Pierre Chevènement en 1997. Nous devrons faire des propositions pour une immigration raisonnable et maîtrisée qui en fera reconnaître la nécessité et refusera l'irrationnel que propage l'électoralisme de la droite sur le sujet. La question de la régularisation des sans-papiers, comme de l'instauration de quotas, doit être envisagée dans cet esprit.

Vous n'avez pas été suivi par les militants PS sur l'Europe. Que pensez-vous aujourd'hui du projet de Constitution ?

Comme nous sommes de fervents Européens, nous avons une conception exigeante de l'Europe, qui fonctionne, aujourd'hui, comme une sorte de "dictature éclairée" et fait le lit des populismes. Le projet de M. Giscard d'Estaing ne prévoit aucun contrôle démocratique des citoyens, ni de gouvernement économique et social européen. Il confirme nos craintes que l'élargissement n'aboutisse à la création d'une vaste zone libre d'échanges sans véritable gouvernement. Après avoir été obligé de voter Chirac, faudra-t-il voter Giscard ?

Vous êtes plutôt discret sur le rassemblement de la gauche...

Cela ne veut pas dire que nous sommes inactifs. Nous rencontrons ceux qui ont quitté les appareils et qui sortent du PS parce qu'ils doutent de sa capacité à être autre chose qu'un parti mollettiste. Aujourd'hui, la confiance entre la gauche mouvementiste et la gauche de gestion est très abîmée. Notre approche de la mondialisation, de l'Europe, notre combat pour une nouvelle République plus juste et plus démocratique offrent des orientations nouvelles dans lesquelles les partisans de ces deux gauches pourront se reconnaître et s'unir.

Minoritaire, comment comptez-vous peser sur le parti ?

Nous sommes l'une des premières forces du PS. Sa majorité n'est qu'un assemblage de baronnies qui se désunit devant chaque question fondamentale. Notre travail consiste à injecter des idées nouvelles, à proposer d'autres formes d'action et à participer, par notre énergie, à la construction d'un PS différent. J'ai cru déceler des évolutions notoires dans le discours de la direction : c'est donc que notre influence est grande.

Vous voilà au bureau national, premier secrétaire d'une fédération. Vous êtes un homme d'appareil...

Effectivement, car j'entends construire un nouveau Parti socialiste. Le parti doit changer ses pratiques et ses visages. S'y investir est une priorité. Je lance un appel à tous les citoyens de gauche à nous y rejoindre.

Propos recueillis par I. M.

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