GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

En marche : à droite toute !

Emmanuel Macron a fini par rendre public un programme qui n’est « ni de gauche, ni de gauche », mais bien « de droite et de droite ». Ce programme néolibéral consiste en une nouvelle série d’attaques contre le salariat, menées au nom d’une politique de l’offre, plus proche de celle de François Fillon que de celle de François Hollande.

Benoît Hamon a parfaitement raison d’affirmer « Macron et Fillon sont les représentants d’une France qui va bien ». Voilà en quelques exemples significatifs ce que signifie, concrètement, son programme économique et social, dont le président du Medef estime qu’« il va dans le bon sens ».

La fin des frais médicaux ?

Le remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires et auditives, mesure mise en avant par Emmanuel Macron dans chacun de ses meetings, illustre parfaitement en quoi les mesures de son programme qui paraissent favorables au salariat ne sont que du vent.

Il ne s’agit pas d’un remboursement à 100 % par l’assurance maladie obligatoire, mais d’un remboursement à 100 % par l’assurance maladie ET les mutuelles.

C’est déjà possible aujourd’hui, à condition, de verser de très fortes cotisations à sa mutuelle. Macron affirme que ces tarifs n’augmenteront pas. En quoi cela changera-t-il quelque chose pour ceux et celles qui n’ont pas les moyens de se payer une protection aussi onéreuse ?

Macron ne dit rien sur le remboursement des lunettes et prothèses auditives pour les cinq millions de personnes qui bénéficient de la CMU. Son programme ne dit nulle part qu’il améliorera le « panier de soins », de très mauvaise qualité, des bénéficiaires de la CMU, particulièrement en ce qui concerne l’optique et les prothèses dentaires ou auditives.

La France compte aussi cinq millions de personnes qui n’ont pas (faute de moyens) de mutuelle alors qu’elles ne peuvent pas non plus bénéficier de la CMU. Qui remboursera leurs lunettes et leurs prothèses auditives à 100 % ?

Le pouvoir d’achat des salariés

Emmanuel Macron ne propose ni augmentation des salaires, ni « coup de pouce » au Smic, ni revalorisation du point d’indice de la Fonction publique. En revanche, il propose deux mesures qui ne coûteront rien aux entreprises puisqu’elles consistent à donner, d’une main, au salariat ce qu’il lui reprendra, de l’autre.

Supprimer les cotisations chômage et maladie des salariés. Macron estime que cette suppression permettra à un salarié qui gagne 2 200 euros nets par mois de bénéficier d’une augmentation de 42 euros par mois. En réalité, le salarié concerné devra déduire l’augmentation de sa CSG de 1,7 point (prévue par Macron en contrepartie de la suppression de ces cotisations sociales). Il ne lui restera donc plus qu’une augmentation de 21 euros par mois.

Qui financera cette mesure ? Certainement pas le capital, puisque Macron diminue tout ce qui pourrait porter atteinte à ses profits. Il ne reste donc que les retraités dont la grande majorité verra brutalement augmenter le montant de sa CSG.

Macron ignore-t-il que ces retraites permettent non seulement à ceux qui les perçoivent de vivre, mais aussi d’aider leurs enfants et leurs petits-enfants et souvent leurs propres parents, dépendants ou en maison de retraite ?

L’exonération de la taxe d’habitation. Nombre de contribuables sont déjà exonérés ou bénéficient d’un dégrèvement partiel et ne seront donc pas concernés, ou seulement partiellement concernés.

L’exonération de la taxe d’habitation signifiera un manque à gagner de 10 milliards d’euros annuels pour l’État, puisque Macron affirme que les collectivités territoriales verraient leurs pertes de recettes intégralement compensées (ce dont doute fortement, d’ailleurs, l’Association des maires de France). Comment ce manque à gagner de l’État sera-t-il financé ? Le programme d’Emmanuel Macron n’en dit pas un mot et ce mutisme est à rapprocher de son silence total sur la TVA. Ce silence est d’autant plus troublant que cet impôt représente plus de la moitié des recettes fiscales en France. Qui peut croire, une seule seconde, que Macron n’augmentera pas la TVA pour compenser les recettes que l’exonération de la taxe d’habitation aura fait perdre à l’État ?

Les retraites

Macron commence par certifier que l’on ne touchera pas aux retraites actuelles. C’est doublement faux. D’abord parce que la CSG de 60 % des retraité(e)s augmentera pour financer la suppression des cotisations chômage et maladie des actifs. Ensuite parce que le montant de très nombreuses retraites est gelé : depuis trois ans pour les retraites de base, depuis quatre ans pour les retraites complémentaires. Le programme de Macron ne prévoit, nulle part, de mettre fin à ce gel.

L’égalité devant la retraite de Macron est un nivellement par le bas. Depuis que Balladur a donné le coup d’envoi de la baisse des retraites du secteur privé en 1993, toutes les réformes n’ont fait qu’aligner vers le bas les différents régimes de retraites au nom de « l’égalité ». Alignement progressif du régime de la Fonction publique sur celui du régime de base du secteur privé, alignement progressif des régimes spéciaux (EDF, SNCF…) sur celui de la Fonction publique. Macron continue d’utiliser le même filon et veut accélérer le mouvement, en calculant les retraites de la Fonction publique et des régimes spéciaux sur les 25 meilleures années, comme dans le privé. Ce qui lui permet de recueillir les applaudissements d’Alain Madelin, le plus néolibéral des néolibéraux.

Un euro versé ouvrira les mêmes droits, affirme Macron, mais ce seront des droits à la baisse pour ceux qui devront s’aligner sur les droits des moins bien lotis. Au nom de l’« égalité », un nivellement vers le haut aurait été pourtant possible. Mais cela aurait porté préjudice aux profits des entreprises qui auraient vu augmenter le montant de leurs cotisations sociales, et cela aurait nui aux fonds de pensions qui profitent du nivellement par le bas des retraites pour proposer leur épargne-retraite à ceux qui en ont les moyens.

Contrairement à ce qu’affirme Emmanuel Macron, loin de donner confiance aux jeunes en notre système de retraite, ce nivellement par le bas ne fera qu’accroître leur méfiance.

L’assurance-chômage

Le modèle dont se réclame Emmanuel Macron est le modèle anglais. Tous ceux qui ont vu le dernier film de Ken Loach, Moi, Daniel Blake, et compris l’enfer de ce système, apprécieront.

Macron veut étatiser le système pour rendre la vie encore plus difficile aux chômeurs et les obliger à accepter n’importe quel travail « décent » (même s’il est payé 25 % de moins que leur précédent salaire !) après avoir refusé deux emplois proposés par Pôle emploi.

Emmanuel Macron se garde bien de donner la moindre précision sur le montant des allocations chômage, sur leur durée ou leur éventuelle dégressivité.

Le régime sera étendu aux « indépendants » et aux « entrepreneurs » parce que son projet a toujours été de transformer nombre de salariés en faux « entrepreneurs indépendants » afin que leurs employeurs n’aient plus à payer de cotisations sociales.

La Fonction publique

Le programme de Macron reconnaît que les services publics tiennent « une place centrale » dans la société française. Cela ne l’empêche pas de proposer une diminution de 120 000 du nombre de fonctionnaires : 50 000 dans la Fonction publique d’État et 70 000 dans la territoriale.

Il affirme ne pas vouloir remettre en question le statut de la Fonction publique, mais il propose d’embaucher des contractuels plutôt que des fonctionnaires titulaires, ce qui revient à remettre en cause ce statut. Sans doute Macron a-t-il oublié que celui-ci a pour principal objectif de garantir la neutralité des agents de l’État ou des collectivités territoriales ?

Les entreprises

Elles sont l’objet de tous les soins d’Emmanuel Macron.

Le CICE n’a pas servi à créer des emplois, il a seulement permis d’augmenter les dividendes des actionnaires. Il sera, non seulement reconduit, mais pérennisé et augmenté sous la forme d’une diminution de six points des cotisations sociales, pour atteindre dix points au niveau du Smic !

L’impôt sur les sociétés, déjà troué de 70 milliards de niches fiscales annuelles, verra son taux diminuer de 33,3 à 25 %. Le prétexte est d’aligner l’IS sur la moyenne européenne. Quand on sait que l’impôt sur les sociétés est (dans la pratique) de 0 % en Estonie, on comprend que le nivellement par le bas a, là encore, de beaux jours devant lui.

Comment, là encore, compenser cette baisse, si ce n’est en augmentant les taux de la TVA ?

L’ISF

L’ISF sera transformé en « Impôt sur la Fortune Immobilière » et épargnera donc tous les détenteurs de valeurs mobilières (actions, obligations) ! Grâce à Macron, non seulement les actionnaires verront leurs dividendes augmenter mais, en plus, ils n’auront plus d’impôt à payer sur leur patrimoine mobilier.

Là encore, le mutisme de Macron sur la TVA a de quoi inquiéter : il faudra bien compenser le manque à gagner pour l’État.

Le prix de l'échec

L’échec de la politique de l’offre de François Hollande était à ce point patent qu’il ne lui a même pas permis de se représenter à la présidentielle : 1,3 million de demandeurs d’emplois supplémentaires depuis 2012, une dette publique en augmentation constante, de 86 à 95 % du PIB, entre le début et la fin du quinquennat, neuf millions de pauvres, une croissance limitée à 1 ou 1,1 %...

Les mêmes arbres produisent les mêmes fruits et la politique de l’offre d’Emmanuel Macron aurait les mêmes effets que celle de François Hollande. Ses effets seraient encore plus catastrophiques puisque la politique qu’il préconise serait encore plus dure pour le salariat que celle de Hollande. Tout cela ne pourrait que profiter au Front national dont le terreau se nourrit de la grande misère, physique et morale, provoquée par ces politiques au service du patronat et de la Finance.

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